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HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

Les jeunes hégéliens

La dénomination de jeunes hégéliens a trait à la division qui s'établit, le maître disparu, à l'intérieur de l'école hégélienne. Empruntant à la distinction parlementaire française en une droite et une gauche et s'établissant pour l'essentiel sur la manifestation d'analyses divergentes, sinon opposées, en matière politique et religieuse, la distinction entre « vieux » et « jeunes » hégéliens regroupera, au premier titre, des élèves de Hegel qui, pour la plupart, avaient contribué à la publication de ses œuvres : Marheineke, Hotho, von Henning, Förster tentent de développer, par des prolongements historiques, certains points de la philosophie du maître sans toucher au système ni à la lettre même des écrits ; plus libre, K. Rosenkranz (1805-1879), s'il attaque tous ceux qui improvisent des réformes philosophiques, réaffirme le progrès dialectique de la philosophie et sa fonction de transformation des rapports à la réalité, et donne une formulation du système qui prend en compte les interrogations de ses jeunes contradicteurs. Autre hégélien, R. Haym ne veut pas comme Rosenkranz reformuler et par là réformer le système hégélien, mais l'expliquer historiquement ; prenant des libertés avec la métaphysique hégélienne, il prétend rendre compte, en forçant quelque peu les écrits de Hegel, des transformations politiques et sociales qu'il perçoit ; éprouvant quelques difficultés à ce jeu, il va jusqu'à reconnaître l'inadéquation relative du système et même la « faillite » de la philosophie. Quant à J. E. Erdmann, qui se dit « dernier mohican » de l'école, il inclut sa réflexion dans une histoire de la philosophie de Descartes à Hegel et essaie d'éclairer, à partir de celui-ci, les événements qu'il connaît jusqu'à 1870 ; il présente en particulier la dilution de l'école hégélienne comme un fait historique et considère la primeur accordée au point de vue historique sur la visée systématique comme une décadence et un signe d'usure de l'esprit philosophique. Enfin, Kuno Fischer est également à inclure parmi ces vieux hégéliens par rapport auxquels, par interdéfinition, se placent les jeunes : Hegel est pour lui le philosophe de l'évolution qui, de concert avec l'évolutionnisme biologique développé à son époque, expose une critique historique organiquement liée à l'idée évolutionniste ; Fischer voit dans la pensée hégélienne la dernière philosophie en ce qu'elle comprend les autres et la première qui confie définitivement le problème de l'universel à l'histoire de la philosophie ; dotant la philosophie hégélienne d'un caractère historique essentiel, Fischer est déjà proche des jeunes hégéliens. Ainsi, quelles que soient leurs divergences, les vieux hégéliens disputeront pour conserver à la pensée hégélienne sa pleine valeur explicative de la réalité : prise à la lettre, contrainte à « accueillir » les transformations historiques qui interviennent ou même réduite d'une philosophie du devenir de l'esprit à une histoire totalisatrice de la philosophie, la pensée hégélienne demeure chez les vieux hégéliens principe de toute pensée philosophique ; concernant toutes choses dans la philosophie, ils expliqueront les nouveaux courants de pensée à partir de la philosophie hégélienne et en se plaçant à l'intérieur de celle-ci.

L'esprit contre la lettre

Appliquée d'abord aux élèves de Hegel, la dénomination de jeunes hégéliens (Hegelinge) est bientôt donnée à ceux d'entre eux qui manifestent des velléités révolutionnaires tant en philosophie qu'en matières religieuse et politique. Distingués des « hégélites » (ou descendants de Hegel), ils se voient appliquer par ceux-ci une dénomination dont le caractère péjoratif[...]

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Pour citer cet article

Jacques d' HONDT et Yves SUAUDEAU. HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Friedrich Hegel - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Friedrich Hegel

Autres références

  • ESTHÉTIQUE, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 780 mots
    • 1 média

    De 1818 à 1830, d'abord sporadiquement, puis de façon plus continue à partir de 1827, G. W. F. Hegel (1770-1881) donne des cours d'esthétique à l'université de Berlin, où il a été appelé après la mort de Fichte. Si la notion d'esthétique figurait depuis 1750 dans le titre d'un célèbre ouvrage d'A. G....

  • LEÇONS SUR LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 805 mots

    G. W. F. Hegel (1770-1831) a professé les Leçons sur la philosophie de l'histoire, pour la première fois à Berlin au cours du semestre d'hiver 1822-1823. Elles ont été réitérées avec de multiples changements à cinq reprises, tous les deux ans. Après la disparition du philosophe, hégéliens...

  • PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 800 mots
    • 1 média

    Une des œuvres les plus difficiles et les plus diversement interprétées de G. W. F. Hegel (1770-1831), la Phénoménologie de l'esprit (1807), ne peut être abordée sans guides sûrs. S'agit-il, en effet, d'un préambule au système ou bien, déjà, d'une première version du système soit «...

  • VIE DE HEGEL (K. Rosenkranz)

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 935 mots

    Prussien et francophile, successeur de Kant à l'université de Königsberg, auteur d'une œuvre abondante (notamment une Vie et œuvres de Diderot, 1866, et une intéressante Esthétique du laid, 1853), Karl Rozenkranz (1805-1879) est surtout connu pour cette biographie de Hegel parue pour...

  • ABSOLU

    • Écrit par Claude BRUAIRE
    • 4 222 mots
    ...l'équivalence réelle de l'un absolu et de son contraire. C'est supposer que le système, pour être unique, doit être immédiatement et infiniment multiple. Hegel avait donc raison en affirmant que la philosophie de Leibniz, résumée dans l'assertion : « L'absolu est objet », constituait « la contradiction entièrement...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    ...tout autre tradition. C'est pourquoi il importe de placer correctement le cran d'arrêt à cette signification de l'aliénation-contrat. C'est ce que fait Hegel dans les Principes de la philosophie du droit, ce même Hegel qui est par ailleurs responsable de l'extension de la notion, mais dans une autre direction,...
  • ALTRUISME

    • Écrit par Guy PETITDEMANGE
    • 3 328 mots
    • 1 média
    ...pas un produit de l'immédiate modernité même si celle-ci, par bien de ses traits, permet de mieux comprendre son irruption sur le devant de la scène. Hegel la met en figure de façon très adéquate. Même si, dans la Phénoménologie de l'esprit (1807), la négation se révèle être, au terme, la...
  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    ...entre âme, esprit, entendement, raison. Oui, apparemment, avec un ensemble philosophico-sémantique embrassant volonté, effort, acception spirituelle. Hegel déplore qu'on sépare rationnellement, et, croit-il, artificiellement, âme et corps, esprit et matière. Il rencontre pourtant une contradiction dans...
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