EUROPE, préhistoire et protohistoire

La protohistoire

Un terme fluctuant

Le mot « protohistoire » est en usage dès la fin du xixe siècle sous l'influence de préhistoriens comme le Français Gabriel de Mortillet. À cette époque, P. É. Littré inclut dans son Dictionnaire de la langue française l'adjectif « protohistorique » avec la définition : « qui appartient au début de l'histoire » et note que le terme est apparu dans les colonnes du Journal officiel du 5 avril 1877. Son emploi est toujours reconnu officiellement et l'organisme qui regroupe les spécialistes du plus lointain passé de l'humanité s'intitule l'Union internationale des sciences pré- et protohistoriques (U.I.S.P.P.).

Il faut toutefois remarquer que le terme est utilisé suivant des conceptions chronologiques assez diverses. Certains y entendent le Néolithique, d'autres, au contraire, le réservent au seul âge du fer. Cette disparité est accentuée par un usage international très irrégulier. Les auteurs de langue anglaise ont plus volontiers employé l'adjectif protohistoric que le substantif lui-même. En France, le mot revient à la mode après une longue éclipse. Le Manuel de préhistoire de J. Déchelette, paru en 1914 et qui fit longtemps autorité, traitait aussi bien de l'âge du bronze que de l'âge du fer, périodes cependant sous-titrées « archéologie celtique ou protohistorique ». Les préhistoriens allemands ont toujours distingué la préhistoire (Ur- undVorgeschichte) de la protohistoire (Frühgeschichte), mais, de même que certains protohistoriens de langue slave ou scandinave, ils comprennent dans cette dernière l'étude des civilisations barbares des premiers siècles de l'ère chrétienne. Cela a entraîné dans le cadre de l'Union des sciences pré- et protohistoriques la création d'une section particulière consacrée à cette « période des invasions » qui, pour les auteurs de langue française, est plutôt du domaine d'étude des historiens classiques et des médiévistes.

Naissance de la métallurgie

La naissance de la métallurgie européenne fut longtemps perçue comme le simple reflet d'inventions issues précocement d'Asie Mineure ou du monde méditerranéen. En Europe continentale, les premières routes du cuivre étaient jalonnées d'objets manufacturés tels que les torques à enroulement qui, provenant de Syrie ou du Liban, auraient été échangés jusqu'en Bohême (Allemagne actuelle) et même jusque dans l'est de la France. De Chypre, un trafic de « poignards chypriotes » aurait gagné jusqu'aux îles Britanniques. En réalité, ces derniers objets ont été bien souvent apportés dans les musées occidentaux par les antiquaires du xixe siècle. Quant aux torques à enroulement, très vite l'Europe centrale sut, à partir de quelques prototypes peut-être d'origine méditerranéenne, créer ses propres centres de production. Enfin, les recherches récentes ont prouvé la multiplication de centres indigènes producteurs de cuivre dès le IIIe millénaire et peut-être plus tôt selon les interprétations que l'on fait des datations au radiocarbone. Dans des puits d'extraction de cuivre situés à Rudna Glava, en ex-Yougoslavie, B. Jovanovic a ainsi mis au jour des poteries et des idoles typiques de la civilisation régionale néolithique de Vinça. Certains centres chalcolithiques en Almérie ont pu être datés du IIIe millénaire. Dans le sud de la France, l'exploitation locale du cuivre, plus tardive, permet aux groupes languedociens une activité métallurgique déjà remarquable vers 2200 avant J.-C. Toutefois, entre ces premières exploitations indigènes et le développement de grandes civilisations du métal, se produit un décalage chronologique important. C'est peu avant le IIe millénaire que certains groupes humains vont, par leur action,[...]

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Écrit par

  • Gérard BAILLOUD : maître de recherche au C.N.R.S.
  • Jean GUILAINE : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, professeur au Collège de France
  • Michèle JULIEN : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du laboratoire d'ethnologie préhistorique du C.N.R.S., U.R.A. 275
  • Bruno MAUREILLE : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux
  • Michel ORLIAC : chercheur au C.N.R.S.
  • Alain TURQ : conservateur en chef du Patrimoine
  • Universalis

Classification

Pour citer cet article

Gérard BAILLOUD, Universalis, Jean GUILAINE, Michèle JULIEN, Bruno MAUREILLE, Michel ORLIAC, Alain TURQ, « EUROPE, préhistoire et protohistoire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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