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ÉROTISME

La littérature érotique

Avec le mot érotisme, nous sommes en possession d'une conception particulière des rapports amoureux. Une conception relativement nouvelle qui a mis assez longtemps à se préciser au cours des siècles. André Pieyre de Mandiargues l'a définie ainsi : « Une illumination passionnée du sexe de l'homme dans ses jeux voluptueux ou dramatiques ».

On peut dater approximativement son apparition dans les sensibilités. Elle se précise en Occident au xviie, et surtout au xviiie siècle. Le mot lui-même apparaît dans la langue française vers 1800. Robert Desnos précise : « L'érotisme appartient en propre à l'esprit moderne [...] Il existait cependant auparavant, mais nul ne s'était avisé de le cultiver » (De l'érotisme considéré dans ses manifestations écrites et du point de vue de l'esprit moderne).

Il n'est pas impossible de remonter le temps, à la recherche de l'émergence de cette attitude nouvelle dans les mentalités. Mais gardons-nous ici d'un préjugé très courant, générateur de confusion. À peine le mot érotisme prononcé, les meilleurs esprits se précipitent avec avidité dans la recherche pseudo-historique de cette notion en réalité moderne, mais dont ils semblent se faire un point d'honneur de relever la plus infime trace dans le passé. Fâcheuse erreur. Car le mot et son acception sont relativement récents, et leurs significations, si on remonte trop haut dans le temps, se font de plus en plus douteuses. Nous en tenir au domaine littéraire pourra permettre de ne pas trop s'égarer.

De l'Orient à l'Occident, une tradition usurpée

Concernant les différentes langues anciennes, la difficulté réside dans la traduction que l'on estime pouvoir donner aux mots lorsqu'ils ont cessé de signifier avec suffisamment de netteté. Là où il n'est plus guère possible de percevoir quelles acceptions ils pouvaient recouvrir pour les populations qui en usaient.

Si l'on revient à l'origine de l'écriture, il existe à Babylone, sans aucun doute, peut-être pour l'Égypte pharaonique, pour l'Inde (à une époque qui reste mal déterminée), des textes qui semblent présenter, pour nos mentalités occidentales d'aujourd'hui, les apparences de ce que nous entendons par érotisme. Mais nous ne sommes guère en mesure de leur assigner la valeur d'usage qu'ils pouvaient avoir en leur temps, dans des mentalités dont la structure ne nous apparaît pas nettement.

Ainsi, nous possédons une abondante littérature d'apparence amoureuse venue de la civilisation babylonienne. Mais la résonance chez le lecteur babylonien des situations sexuelles abondamment décrites dans ces textes nous échappe sensiblement, ainsi que les intentions exacte des auteurs inconnus. Plus difficile encore est pour nous la signification de la littérature égyptienne. Pour chaque langue très ancienne, là où le mot ne recouvre pas un sens évident, la tonalité du langage disparaît, ainsi que sa résonance. Il devient donc malaisé d'y plaquer exactement notre notion moderne d'érotisme. D'autant plus que les traductions des hiéroglyphes sont souvent approximatives. Pour ce que nous pouvons en juger, la littérature amoureuse égyptienne (apparue aussi dès l'origine) se tient presque constamment sur des hauteurs lyriques éloignées de tout prosaïsme : « Elle, dont le cou est long, la poitrine lumineuse,/ Possède une chevelure de lapis véritable./ Ses bras surpassent l'éclat de l'or,/ Ses doigts sont semblables aux calices des lotus... »

L' Inde ancienne est tout aussi obscure, cette fois pour cause de rareté des documents. En effet, les invasions aryennes du IIe millénaire avant J.-C. avaient fait disparaître – sans laisser de traces –, l'écriture indienne, qui ne reparaît qu'aux environs du viiie siècle[...]

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Écrit par

  • : enseignante à l'université de Paris-VII et à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, écrivaine
  • : diplômé d'études supérieures de philosophie
  • : écrivain
  • : ancien professeur à l'université de Rome
  • : agrégé des lettres, ancien professeur de première supérieure au lycée Henri-IV, Paris

Classification

Pour citer cet article

Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ et Jean SÉMOLUÉ. ÉROTISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Dionysos, mosaïque romaine, Pompéi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Dionysos, mosaïque romaine, Pompéi

<it>L'Extase de sainte Marie-Madeleine</it>, M. Franceschini - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'Extase de sainte Marie-Madeleine, M. Franceschini

Metropolis, Fritz Lang - crédits : Horst von Harbou/ Stiftung Deutsche Kinemathek/ AKG-images

Metropolis, Fritz Lang

Autres références

  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    ...prétention d'ignorer la culpabilité qui résulte de toute tentative pour « réaliser » l'amour. S'il existe assurément une « santé » de l'érotisme face aux conduites morbides des idéalistes, reste que la « possession » fera toujours problème à celui qui, s'efforçant vers l'amour,...
  • ASAG

    • Écrit par Marie-Odile MÉTRAL-STIKER
    • 400 mots

    Technique amoureuse de l'amour courtois, l'asag se définit par son écart avec l'union conjugale. L'apparition de l'orgasme vaginal dépendant de la durée de l'acte sexuel, c'est-à-dire du temps indispensable à la préparation du désir féminin, l'épouse, au Moyen Âge, comme à bien d'autres époques,...

  • KALIFA DOMINIQUE (1957-2020)

    • Écrit par Quentin DELUERMOZ
    • 1 258 mots
    • 1 média

    L’historien Dominique Kalifa était spécialiste d’histoire du xixe siècle et, plus particulièrement, d’histoire des imaginaires et des sensibilités.

    Né à Vichy (Allier) le 12 septembre 1957, reçu à l’École normale supérieure en 1978, agrégé d’histoire, Dominique Kalifa enseigne un temps...

  • MODE, sociologie

    • Écrit par Philippe BESNARD, Olivier BURGELIN
    • 5 691 mots
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    Du point de vue psychanalytique enfin, le vêtement est à la fois ce qui dissimule le corps, et en particulier les parties sexuelles, et en même temps ce qui le met en valeur et tient la curiosité sexuelle en éveil. Le vêtement a donc pour but de satisfaire des tendances contradictoires, ce qui le rend...
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Voir aussi