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ENTREPRISE Gouvernance d'entreprise

Le champ de la corporate governance, du « gouvernement » ou de la « gouvernance » d'entreprise s'est constitué principalement au cours des années 1990. On en attribue cependant l'origine à la thèse d'Adolf Berle et Gardiner Means (The Modern Corporation and Private Property, 1932) : au début du xxe siècle, selon leur analyse, la séparation, fortement prononcée dans les grandes sociétés américaines, des fonctions de propriété exercées par les actionnaires, et de gestion, assurées par les dirigeants, était à l'origine d'une dégradation de performance pour les actionnaires, en raison de la défaillance des systèmes de contrôle. Dans le contexte du New Deal, cette thèse allait entraîner un renforcement de la réglementation boursière aux États-Unis avec la création en 1934 de la Securities and Exchange Commission, chargée de protéger les investisseurs.

Cette première conception de la gouvernance, d'origine anglo-saxonne, est associée à une représentation des relations entre les actionnaires et les dirigeants sous forme de relation d'agence, les dirigeants étant les agents ou mandataires et les actionnaires, les principaux ou les mandants. Elle domine encore aujourd'hui les recherches et les débats, tant dans la presse financière que dans les discussions législatives. Fondée sur la conception légale, traditionnelle, de la propriété, elle conduit à privilégier l'étude des mécanismes censés contraindre les dirigeants à gérer dans l'intérêt des actionnaires, notamment le conseil d'administration, les assemblées générales d'actionnaires, les systèmes de rémunération des dirigeants, la réglementation légale et comptable ou encore les offres publiques d'achat. Le rôle du système de gouvernement d'entreprise est de « sécuriser » l'investissement financier ; les différents mécanismes organisationnels, marchands ou institutionnels, constituant ce système, se justifient par leur fonction disciplinaire.

Cette première conception de la gouvernance, axée sur la régulation du jeu entre les actionnaires et les dirigeants dans les grandes sociétés cotées, est relativement bien adaptée au contexte anglo-saxon dans lequel les marchés financiers jouent un rôle important. Elle permet mal, cependant, de comprendre les modes d'organisation du pouvoir dans les autres systèmes économiques nationaux ainsi que dans les autres types d'organisation. Le souci d'élargir la réflexion à l'ensemble des systèmes économiques et des organisations allait conduire à proposer une définition plus large du système de gouvernance comme l'ensemble des contraintes, des règles, qui encadrent les décisions des dirigeants, l'objectif étant de comprendre leur influence sur la création de valeur. Ainsi, la gouvernance, dans son sens le plus large, traite du pouvoir et du contrôle des dirigeants dans les différentes organisations, en relation avec les questions de création et de répartition de la valeur. Elle retient, en outre, une conception partenariale des organisations, associant les dirigeants à l'ensemble des parties prenantes (actionnaires, salariés, créanciers, clients, société en général), qui permet d’établir un lien direct entre gouvernance et responsabilité sociale des entreprises

Au niveau le plus large, l'objectif est, à partir de la compréhension du rôle des institutions, des règles du jeu, d'expliquer les écarts de performance entre les différents systèmes économiques nationaux, par exemple entre celui du Japon et celui des États-Unis, et d'en comprendre les évolutions. Cet objectif passe par une modélisation préalable, au niveau de l'organisation, du système de gouvernance qui encadre les décisions des dirigeants, de façon à comprendre les modalités de création et de répartition de la valeur.

Selon[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite en sciences de gestion à l'université de Bourgogne

Classification

Pour citer cet article

Gérard CHARREAUX. ENTREPRISE - Gouvernance d'entreprise [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • L'ACCUMULATION DU CAPITAL, Joan Violet Robinson - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Marc DANIEL
    • 1 011 mots
    • 1 média
    Le livre s'écarte de la théorie néo-classique en ne considérant pas le taux d'intérêt comme le paramètre essentiel du processus d'expansion. Joan Robinson constate que la vision néo-classique part de l'idée que les entreprises n'ont aucun autofinancement, ou, tout au moins, que leur...
  • ACTIONNAIRES

    • Écrit par Pierre BALLEY
    • 8 189 mots
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    ...travail salarié à l'égard des privilèges que le capitalisme assure aux propriétaires des entreprises, et donc aux actionnaires et à leurs mandataires. Faire d'un ouvrier, serait-ce accessoirement, un actionnaire de sa propre société paraît en effet, au moins en théorie, un moyen de le faire évoluer d'une...
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  • AGRICULTURE URBAINE

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    ...une activité récréative ou encore à une activité seulement sociale et citoyenne ? La réponse à cette question détermine le régime social dans lequel les entreprises peuvent être immatriculées. En France l’activité de production agricole est nécessaire pour bénéficier de la Mutualité sociale agricole et...
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