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ENFANCE (Les connaissances) La petite enfance

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La naissance et la période néonatale

Par rapport à la symbiose entre la mère et l'enfant qui caractérise la période intra-utérine, la naissance marque un profond bouleversement pour l'un et pour l'autre. On connaît bien les modifications physiologiques et psychiques qui, chez la mère, suivent l'accouchement : sentiment de « perte » et parfois phase de dépression, qui peut suivre passagèrement toute naissance. Des remaniements identificatoires affectent aussi chaque membre de la famille, y compris les enfants aînés. Quant au nouveau-né lui-même, rappelons qu'Otto Rank (1924) voyait dans l'expérience qu'il fait du traumatisme de la naissance l'origine de l'angoisse névrotique de l'adulte.

On peut, du moins, se faire une idée de ce que vit le sujet qui vient de naître en évaluant les profonds changements de milieu qu'il subit et en observant son comportement dans les jours qui suivent sa venue au monde.

L'enfant a passé neuf mois de sa vie dans un milieu liquide, maintenu de toutes parts par la pression amniotique, sans être soumis à la pesanteur. Puis il est violemment projeté dans le monde aérien, à la manière d'un astronaute qui aurait perdu sa combinaison spatiale, selon l'image d'Esther Bick. Cela peut provoquer chez lui une angoisse de chute, de « chute sans fin », tant qu'il n'a pas le sens intime de sa peau et de ses limites corporelles propres. C'est alors sans doute le contact et la chaleur du corps maternel qui reconstituent l'« enveloppe de suppléance » la plus proche de l'état antérieur, de même que l'allaitement à la demande, lorsqu'il est possible et souhaité par la mère, prolonge les échanges continus de la période prénatale. Une véritable psychoprophylaxie devrait inciter à rendre aussi douce que possible la transition entre la période fœtale et la période postnatale, des expériences d'angoisse ou des frustrations répétées risquant, en effet, de déborder une organisation psychique encore trop rudimentaire pour les intégrer.

Les douleurs maternelles de l' accouchement faisaient oublier autrefois que les violentes contractions nécessaires à l'expulsion avaient des répercussions pénibles sur le bébé (l'expérience du passage dans le canal obstétrical a été comparée, par E. Bick notamment, à une angoisse de claustrophobie et l'arrivée dans le monde aérien à l'agoraphobie). C'est le mérite des tenants de la « naissance sans violence » (F. Leboyer, 1974) d'avoir attiré l'attention sur le vécu de l'enfant « naissant » et d'avoir suscité, en dépit de certains excès et d'un engouement réducteurs, un souci, chez les praticiens et parmi le personnel des maternités, d'adoucir, pour la mère comme pour l'enfant, les conditions de la mise et de la venue au monde.

Après l'épreuve de l'expulsion, le bébé, comme en témoigne le tracé électroencéphalographique, dort d'un sommeil exceptionnellement profond, indice évident des efforts qu'il a fournis pour naître. Il bénéficie alors de l'effet apaisant que lui procure le contact avec le corps de sa mère, contact qui est aussi très gratifiant pour celle-ci et grâce auquel l'enfant réel remplace dans la psyché maternelle l'enfant imaginaire (l'enfant « imaginaire » poursuit néanmoins son existence dans l'inconscient parental bien au-delà de la période néonatale). Les premiers schèmes de comportement interactif se mettent ainsi en place, formant la base de la relation qui fournira au bébé ses premières expériences structurantes.

Des recherches d'inspiration éthologique sur la « période sensitive » du post-partum ont confirmé l'importance de ce contact mutuel « peau contre peau » dans les heures qui suivent la naissance (R. Sosa, Y. H. Kennel,[...]

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Écrit par

  • : docteur en médecine, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur de psychologie clinique et anthropologique à l'université de Paris-IV-Sorbonne-René-Descartes

Classification

Pour citer cet article

Hélène STORK. ENFANCE (Les connaissances) - La petite enfance [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Melanie Klein par Feliks Topolski - crédits : Feliks Topolski/ Hulton Archive/ Getty Images

Melanie Klein par Feliks Topolski

Jean Piaget - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Jean Piaget

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