ENFANCE (Les connaissances)La petite enfance
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Le psychisme postnatal
Schématiquement, les deux années qui suivent la naissance sont marquées, la première, par le processus de personnalisation, la suivante, par l'émergence de la communication verbale. Le psychisme, durant cette période, se développe à un rythme très rapide, de même que l'organisme. Le poids du cerveau du bébé passe d'environ 340 grammes à la naissance à 1 150 grammes à l'âge de deux ans (pour atteindre 1 400 grammes à vingt ans). Si l'équipement en neurones (environ 10 milliards) est fixé à la naissance, le câblage cérébral se poursuit bien au-delà, surtout durant les deux premières années, au fur et à mesure des progrès de la myélinisation (N. Baumann et coll., I.N.S.E.R.M.). Chaque neurone peut avoir jusqu'à 100 000 contacts avec les neurones voisins. Le cervelet, qui à la naissance n'est qu'une ébauche, achève sa croissance au douzième mois. Des travaux neurochimiques ont montré que le cerveau est particulièrement vulnérable à la malnutrition durant cette période (Elie A. Shneour, 1975), comme d'ailleurs pendant la vie intra-utérine. Cependant, la croissance ne dépend pas seulement des déterminismes génétiques et biophysiologiques. Pour une grande part, elle est soumise, durant les deux premières années, à l'influence des stimulations émanant de l'environnement, comme en témoignent les études, évoquées plus haut, sur la plasticité du système nerveux. Mais, pour que ces stimulations soient appropriées et bénéfiques, il faut qu'elles surviennent au milieu de relations qui nourrissent l'affectivité de l'enfant. On ne peut concevoir, en effet, les acquisitions cognitives initiales comme séparées de la vie émotionnelle, d'autant moins que ces deux aspects du psychisme sont inséparables du vécu corporel.
Aussi est-il préférable d'envisager celui-là selon une perspective unitaire et d'abandonner la tripartition classique qui distingue : le développement psychomoteur conçu selon le modèle béhavioriste d'Arnold Gesell ; les étapes du développement cognitif délimitées par la psychologie génétique de Jean Piaget ; les stades du développement libidinal et affectif déterminés à partir de la théorie psychanalytique de l'étayage pulsionnel. « Cette chose qu'on appelle nourrisson n'existe pas », s'écriait le pédiatre et psychanalyste D. W. Winnicott 1940, voulant souligner ainsi l'unité fondamentale qui lie le bébé et sa mère, avant que le premier ne passe de l'initiale dépendance totale (Hilflosigkeit) à l'indépendance relative de la fin de la deuxième année. La complémentarité relationnelle et le système de communication circulaire qui s'installent entre le nourrisson et sa mère ont été décrits par R. A. Spitz, à partir des années cinquante, sous le nom de « dyade », terme déjà utilisé en 1908 par le sociologue G. Simmel. Depuis lors, des études inspirées, séparément ou conjointement, par les méthodes de la psychologie expérimentale et de la psychanalyse ont mis en évidence des « patterns » d'interactions spécifiques entre mères et bébés (Myriam David, 1966), ainsi que l'existence de cycles interrelationnels. Par exemple, grâce à l'enregistrement simultané, par l'image et par le son, de séquences de communication entre des mères et des nourrissons, on a remarqué que le taux d'activité de ceux-ci variait de manière synchrone avec le rythme des paroles de leurs mères (W. S. Condon et L. W. Sander, 1974). Daniel Stern, aux États-Unis, en utilisant l'observation directe, ainsi que des films réalisés au domicile familial, a développé la notion de « concordance » affective (attunement) entre la mère et le bébé.
Les recherches sur la communication au sein de la dyade tendent donc à prouver que la nourrisson joue un rôle actif et présente une prédisposition innée à la relation. On peut alors se demander si certains concepts classiques servant à caractériser les débuts de la vie psychique ne méritent pas d'être révisés (du moins en ce qui concerne le bébé dit normal), tels ceux de narcissisme primaire (S. Freud), de stade anobjectal (R. A. Spitz), d'autisme normal (M. Mahler ; F. Tustin). Certes, dans les premiers jours qui suivent la naissance, l'expérience du nourrisson est fragmentaire, discontinue et entrecoupée de longues périodes de sommeil. Cependant, très vite, [...]
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Écrit par :
- Hélène STORK : docteur en médecine, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur de psychologie clinique et anthropologique à l'université de Paris-IV-Sorbonne-René-Descartes
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Pour citer l’article
Hélène STORK, « ENFANCE (Les connaissances) - La petite enfance », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 15 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/enfance-les-connaissances-la-petite-enfance/