ÉMOTION (notions de base)

Aux sources de l’émotion

Contemporain et adversaire de Hegel, Arthur Schopenhauer (1788-1860) s’évertuera à expliquer « par le bas » ce dont Hegel avait voulu rendre compte « par le haut » en supposant la toute-puissance de l’Esprit, de la Raison qui gouverne le monde. Rien de tel pour le penseur tragique qu’est Schopenhauer : les humains ne sont que des animaux orgueilleux qui se masquent à eux-mêmes la véritable origine de leurs actions. Mus par une force aveugle, le « vouloir-vivre », ils sont dominés par la crainte de la mort, par l’obsession de se donner une descendance afin que survive l’espèce à laquelle ils appartiennent. Les animaux humains sont entièrement sous la dépendance de l’émotion de l’amour, c’est-à-dire de l’émotion qui les pousse vers un partenaire de l’autre sexe.

Héritier de Schopenhauer, Sigmund Freud (1856-1939) proposera des interprétations analogues, en complétant le discours schopenhauerien par l’hypothèse d’un inconscient individuel qui ajoute aux instincts identifiés par Schopenhauer les souvenirs enfouis de la petite enfance. Si j’éprouve une violente émotion devant quelqu’un qui me séduit, c’est parce qu’inconsciemment je retrouve sous les traits de cette personne des images associées au paradis de la petite enfance, au stade primitif d’une relation fusionnelle avec la mère synonyme de bonheur. « À cinq ans tout est joué », souligne le père de la psychanalyse. Lorsque nous sommes victimes d’émotions qui handicapent notre existence et viennent perturber nos rapports avec les autres, seule une thérapie analytique nous permettrait, en reportant sur le thérapeute les affects éprouvés autrefois, de revivre les traumatismes de la petite enfance et par là de rendre conscients les souvenirs enfouis qui continuent à nous perturber comme si le temps n’existait pas.