LÉVINAS EMMANUEL (1905-1995)

Athènes et Jérusalem

Une deuxième période s'ouvre avec la publication de En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger (1949). Elle trouve son apogée en 1961 avec la publication de la thèse d'État, Totalité et Infini. Elle est aussi marquée par la rencontre avec Chouchani, maître talmudiste hors pair. Fort de son enseignement, Lévinas donnera annuellement, à partir de 1957, une leçon talmudique dans le cadre du colloque des intellectuels juifs de langue française. Son œuvre s'enrichit ainsi d'une série de commentaires talmudiques, qui entretiennent un rapport étroit et paradoxal avec ses travaux philosophiques. Autant on aurait tort d'estimer que sa philosophie n'est qu'un prolongement des lectures talmudiques – une sorte de glose philosophique d'une foi religieuse –, autant il ne faut pas sous-évaluer leur importance philosophique. L'étrange diptyque que constitue l'œuvre de Lévinas, unique en son genre dans la philosophie moderne, se laisse éclairer à travers sa thèse selon laquelle le rapport au livre, loin d'être extrinsèque à l'homme, définit un véritable mode d'être, plus intérieur que tous les états d'âme. C'est en ce sens que la Bible est essentielle à la pensée comme telle, dans la mesure où elle nous invite à énoncer des principes que la Grèce ignorait.

Si Lévinas n'a cessé de récuser l'appellation de « philosophe juif », c'est parce que, à ses yeux, la philosophie est une invention grecque, et que tout philosophe, qu'il le veuille ou non, est obligé de parler la langue des philosophes grecs. C'est précisément pour cela que cette langue doit s'ouvrir à d'autres pensées et d'autres interrogations que celles qui ont vu le jour sous le ciel de la Grèce.

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Écrit par

  • Jean GREISCH : docteur en philosophie, professeur émérite de la faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, titulaire de la chaire "Romano Guardini" à l'université Humboldt de Berlin (2009-2012)

Classification

. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TOTALITÉ ET INFINI, Emmanuel Lévinas - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 710 mots

    En 1987, dans la Préface à la traduction allemande de son livre, Emmanuel Lévinas (1905-1995) écrit : « Ce livre conteste que la synthèse du savoir, la totalité de l'être embrassée par le moi transcendantal, la présence saisie dans la représentation et le concept et l'interrogation sur...

  • ABENSOUR MIGUEL (1939-2017)

    • Écrit par Anne KUPIEC
    • 898 mots
    • 1 média

    Utopie, émancipation, critique, politique – tels sont les termes qui peuvent qualifier le travail conduit par Miguel Abensour, professeur de philosophie politique, éditeur et penseur.

    Miguel Abensour est né à Paris le 13 février 1939. Agrégé de sciences politiques, auteur d’une thèse d’État (...

  • ALTÉRITÉ, philosophie

    • Écrit par Sylvie COURTINE-DENAMY
    • 5 334 mots
    • 4 médias
    Toutes les tentatives de la « philosophie occidentale » pour penser l'Autre à partir du Moi témoigneraient en fait pour Emmanuel Levinas de l'« insurmontable allergie », de l'horreur qu'inspire l'Autre « qui demeure Autre » (En découvrant l'existence avec Husserl...
  • ALTRUISME

    • Écrit par Guy PETITDEMANGE
    • 3 328 mots
    • 1 média
    ...mon moi, et m'ouvre sans tristesse sur l'abîme des commencements et l'indistinction de la fin, telle pourrait être, simplifiée à l'extrême, la thèse d' Emmanuel Levinas, le penseur le plus radical de l'altérité. Éthique ? Non, si l'on entend par là le corollaire d'une conception du monde, un système de...
  • AUTRUI (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 534 mots
    Emmanuel Lévinas (1906-1995) franchira un pas supplémentaire. Renversant l’argumentation issue de la lecture de Descartes qui a conduit aux fantasmagories sadiennes, Levinas assoit la « sacralité » de l’autre sur son impénétrabilité. Mais il renverse tout autant la thèse sartrienne d’une menace présente...
  • Afficher les 17 références

Voir aussi