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DIVERTISSEMENT, spectacle

Molière l'a constaté : rien n'est plus difficile que de faire « rire les honnêtes gens ». Une longue tradition comique et poétique a donné ses lettres de noblesse théâtrale au spectacle de divertissement : la farce et les tréteaux à la fin du Moyen Âge, la comédie à l'italienne au xviie siècle, la pantomime et le mélodrame au xixe. Avant d'être spectacle, le divertissement est fête. Il entretient certains liens avec différents facteurs de la vie collective, mais il n'est pas fonction des événements. Un divertissement est une parenthèse, souvent à l'intérieur d'un spectacle, ou bien à l'intérieur d'un ensemble de manifestations sociales. Il évoque la participation d'une assistance où tous sont à la fois acteurs et spectateurs. Les masques et déguisements y ont leur part dans un décor qui, s'il évoque le théâtre, évoque aussi l'ambiguïté et la multiplicité des significations. Le spectacle illustre la fête, met en scène la fête pour mieux la saisir. Le divertissement transforme un espace, multiplie le temps imaginaire, métamorphose les lieux et les êtres. C'est une expression de joie, un surenchérissement de l'existence. La comédie corrige les mœurs, a-t-on dit. Le divertissement fait intervenir une féerie qui transforme les rapports des personnages entre eux et des personnages avec l'ordre du monde. Le spectacle de divertissement se présente tour à tour comme un excès de l'art et un retour à la vie, un éclatement des lieux traditionnels de l'illusion. Il est multiplication des moyens d'exaltation du corps et de l'esprit : musique, parole, chant, danse, masques, costumes ; il est poésie, il est aussi magie. Les autorités laïques ou religieuses ont édicté toutes sortes de lois qui ont institutionnalisé les fêtes : religieuses, civiques, révolutionnaires, républicaines, familiales. En un sens, le théâtre a pris naissance dans le spectacle qui lui-même était fête. Mais cette fête, cet état d'enthousiasme était une lutte contre une crainte, une peur, ou tout au moins représentait-il un espoir en une vie plus heureuse.

La fête profane a connu le tournoi, mélange d'idéalisme chevaleresque et d'imagination romanesque. Bientôt la hiérarchie de la cour n'est plus mise à l'épreuve, elle est représentée. Le jeu du combat devient spectacle. L'époque baroque élabore une nouvelle version de la chevalerie des origines. Le tournoi est devenu ballet. À chaque entrée du prince dans les murs, la ville venait à sa rencontre et lui offrait la cérémonie du triomphe. Ce rituel devint bientôt spectacle clos. Petit à petit grandit la bourgeoisie, qui va se séparer et du peuple et de la noblesse. Le xviiie siècle bourgeois se distingue du xviiie siècle de la cour. Le peuple empruntant à la cour ses formes de théâtre, la société emprunte au peuple ses danses. La danse de société est spectacle, destiné à distraire le spectateur. La danse se combine à d'autres arts et devient divertissement pour l'opéra et la comédie. Le ballet dramatique met en mouvement d'imposantes machines. Vers 1660, Paris réunit Molière et Lulli dans les comédies-ballets. La rigueur du texte ne gêne pas le débordement des danses auxquelles le roi participe. Le divertissement de l'époque baroque s'identifie complètement au théâtre. Toute une société s'y retrouve, à l'exception de la bourgeoisie de certaines villes protestantes. Jean-Jacques Rousseau s'insurge contre le théâtre : la comédie étant bannie pour son immoralité, la tragédie pour sa complaisance au mal, il prône la fête, le spectacle dont on peut être à la fois acteur et spectateur. Repoussant la catharsis, dans laquelle Aristote voyait cette opération magique qui délivrait le spectateur du mal et de la souffrance par la représentation[...]

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Écrit par

  • : metteur en scène, conseiller en éducation populaire et techniques d'expression

Classification

Pour citer cet article

Armel MARIN. DIVERTISSEMENT, spectacle [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOULEVARD THÉÂTRE DE

    • Écrit par Daniel ZERKI
    • 5 988 mots
    ...répertoire classique, ainsi que certaines pièces récentes qu'elle a créées. Au Boulevard, tout le reste : c'est-à-dire la plus grande partie du théâtre de divertissement (qui garantit les bonnes recettes) et bon nombre d'auteurs sérieux qui ne sont pas joués au Français. On y crée ou on y joue avec succès,...
  • COMEDIA, Espagne

    • Écrit par Charles Vincent AUBRUN
    • 2 605 mots
    ...déguisaient en bergers et bergères ; un théâtre érudit à l'imitation de Plaute ou de Sénèque ; et enfin une farce populaire donnant dans la caricature et le divertissement dansé rustique. Lope vint, qui avait essayé sa plume dans quelques-unes de ces formes. En 1607, il lit dans une académie de Madrid –...
  • COMÉDIE-BALLET

    • Écrit par Philippe BEAUSSANT
    • 732 mots
    • 1 média

    L'histoire de la comédie-ballet est fort courte : onze ans à peine, 1661-1672. Elle naît, en apparence, par hasard : lors de la fête de Vaux donnée par Fouquet (août 1661), afin de donner aux danseurs le temps de se changer entre les « entrées » du ballet, on intercale...

  • HOSSEIN ROBERT (1927-2020)

    • Écrit par Véronique HOTTE
    • 929 mots
    • 1 média

    Né à Paris le 30 décembre 1927, Robert Hossein – de son vrai nom Abraham Hosseinoff –, est mort le 31 décembre 2020, après avoir mené tambour battant une longue carrière d’artiste populaire et protéiforme, au cours de laquelle il fut tour à tour comédien, réalisateur de films et metteur en scène de...

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Voir aussi