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DÉNUTRITION

Dans le contexte des désastres humanitaires qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, n'ont cessé de frapper les peuples à travers le monde, il est devenu courant de voir utiliser, pour évoquer les ravages de la sous-nutrition ou de la famine, le terme « dénutrition ». La notion, en fait, n'est pas facile à cerner. Le mot lui-même n'a pas d'homologue exact en anglais, sauf chez l'enfant. On l'appelle alors « marasme ». Il signifie « désassimilations » (Littré). Les Anglais parlent de maladies de carence (deficiency diseases) ou de malnutrition, correspondant à des « déséquilibres » nutritionnels. Le mot dénutrition indique un abaissement du niveau nutritionnel global d'entretien de l'organisme. Il se réfère au fait que l'homme peut vivre et avoir un bilan équilibré aussi bien en mangeant beaucoup qu'en mangeant peu. Il existe un niveau optimal de nutrition correspondant à la meilleure santé et activité. Si le niveau d'entretien de la « masse active » (la masse de tissus ayant un rendement énergétique) tombe au-dessous d'un certain seuil, l'organisme n'a plus le pouvoir de limiter ses dépenses. Il brûle en partie ses propres tissus pour entretenir les plus essentiels. Il perd son aptitude à l'activité et à la résistance aux agressions. On distinguera donc ici les dénutritions, réductions globales et « équilibrées » du niveau des apports, des « malnutritions », qui correspondent à des déséquilibres entre les taux des divers nutriments indispensables.

Définition et étiologie

Le syndrome de dénutrition doit être distingué d'une part des bas niveaux de nutrition, c'est-à-dire des situations dans lesquelles l'organisme est « adapté » à des ingesta réduits, d'autre part des déséquilibres nutritionnels, et enfin des maigreurs par excès des dépenses.

Si paradoxal que cela puisse paraître, cette maladie vieille comme l'humanité commence à être étudiée seulement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le contexte des guerres ou des épidémies dans lesquelles s'inscrivaient auparavant les famines rendait difficile la distinction entre ce qui revenait à la dénutrition ou aux épidémies et surinfections. C'est le traitement par les antibiotiques qui a enfin permis aux dénutris de ne pas succomber aux infections.

À la suite des travaux de Hopkins sur les carences vitaminiques spécifiques réalisées grâce à des régimes semi-synthétiques sur des animaux, on appliqua à l'homme le concept de maladies dues au manque spécifique d'une vitamine. La guérison du béri-béri par la thiamine, celle du scorbut par la vitamine C, ainsi que la fréquence de vraies avitaminoses dans des pays à alimentation monotone, comme l'Angleterre, encouragèrent ces espoirs.

Ce fut avec ces conceptions que l'on aborda les problèmes de carence de la Seconde Guerre mondiale. Or, force fut de reconnaître qu'à l'exception des périodes de brusque déséquilibre alimentaire (au début ou à la fin des emprisonnements) les avitaminoses nosologiquement identifiables ne furent pas constatées, sans doute parce que le tableau clinique était tout entier occupé par les symptômes que provoque la privation massive en macronutriments.

La notion de subcarence élaborée sur la théorie selon laquelle il existe entre l'état de santé et celui de carence un continuum biologique conduisit à décrire comme signes d'avitaminose des symptômes non spécifiques, de signification complexe : hyperkératose périfolliculaire, sécheresse de la peau, perlèche, cheilite, dermatite scrotale, pétéchie. Ce concept d'« états de subcarence » ne rendit pas compte des états observés au cours des semi-famines.

D'autre part, des études quantitatives sur des sujets faisant la grève de la faim (objecteurs de conscience, entre autres) avaient[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur au Conservatoire national des arts et métiers, ancien directeur du laboratoire de nutrition humaine

Classification

Pour citer cet article

Jean TRÉMOLIÈRES. DÉNUTRITION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARENCES NUTRITIONNELLES

    • Écrit par Jean-Pierre RUASSE
    • 209 mots

    On parle de carence nutritionnelle quand le métabolisme cellulaire est insuffisamment alimenté en tel ou tel nutriment. À l'origine de cette insuffisance peuvent présider diverses causes :

    soit que l'alimentation ne comporte pas une quantité suffisante du nutriment en cause (carence...

  • CROISSANCE, biologie

    • Écrit par Universalis, André MAYRAT, Raphaël RAPPAPORT, Paul ROLLIN
    • 14 760 mots
    • 7 médias
    ...démontré que la croissance dépend fortement de l'état de nutrition de l'individu. On peut schématiquement considérer que l'un des premiers effets de la dénutrition est la réduction des synthèses protéiques et en particulier de celles qui permettent la production de facteurs de croissance cellulaire et...
  • FOIE

    • Écrit par Jacques CAROLI, Universalis, Yves HECHT
    • 9 970 mots
    • 6 médias
    ...très importante sur le plan théorique et expérimental, encore qu'il ne semble pas exister d'équivalent chez l'homme de cette maladie nécrotique aiguë par dénutrition. Cependant, les maladies hépatiques d’origine nutritionnelle sont fréquentes en pathologie humaine, la première place revenant aux maladies...
  • NUTRITION

    • Écrit par René HELLER, Raymond JACQUOT, Alexis MOYSE, Marc PASCAUD
    • 13 655 mots
    • 15 médias
    Dans la classification de Gomez fondée sur l'importance du déficit pondéral de l' enfant relativement au poids moyen à cet âge, un déficit de 10 à 25 p. 100 du poids moyen est l'indice d'une malnutrition légère (1er degré), un déficit de 25 à 40 p. 100 l'indice d'une malnutrition...

Voir aussi