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DÉCOLONISATION

La décolonisation française

La décolonisation française commença pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la fin des mandats de la S.D.N. sur les États du Levant ( Liban et Syrie). Les nationalistes arabes avaient cru obtenir satisfaction à la fin de 1936 par des accords conclus avec le gouvernement français, mais ceux-ci ne furent pas ratifiés par le Parlement. En mai 1941, lorsque Vichy admit le passage d'avions allemands au-dessus de la Syrie et l'aide militaire apportée au coup d'État irakien, les troupes britanniques accompagnées d’un contingent des Forces françaises libres pénétrèrent en Syrie. Le général de Gaulle fit annoncer le 8 juin 1941 l'indépendance accordée par la « France libre » aux deux États du Levant, conformément aux accords de 1936. Toutefois, les nationalistes revendiquaient le transfert immédiat et total des pouvoirs. Le refus brutal du nouveau commissaire français, qui fit arrêter le 10 novembre 1943 le président du Conseil libanais et dissoudre la Chambre, provoqua des troubles et justifia l'appui de la Grande-Bretagne aux exigences des Syriens et des Libanais. Le 22 décembre 1943, la France dut promettre le transfert de ses pouvoirs à dater du 1er janvier 1944. En 1945 cependant, le gouvernement syrien, craignant une reconquête, exigea l'évacuation des derniers soldats français et déclencha l’agitation dans tout le pays. À la suite de heurts entre les troupes françaises et la population syrienne, et d'un ultimatum britannique, la France dut céder le 8 juillet 1945. Finalement, un accord franco-britannique annonça le retrait total, en 1946, des troupes anglaises et françaises. La France s'était attiré l'hostilité de tous les nationalistes arabes, notamment ceux du Maghreb, orchestrée par la Ligue des nations arabes.

En Tunisie, le nationalisme s'était solidement implanté pendant l'entre-deux-guerres sous l'impulsion du parti du Destour (Dūstūr signifie constitution), puis du Néo-Destour. Pendant la guerre, le nationalisme fut incarné, dès juin 1942, par le bey Moncef. Sous l'accusation, fausse, d'avoir collaboré avec les Allemands, le « bey destourien » fut déposé par ordre du général Giraud en 1943. En novembre 1944, un Manifeste du Front tunisien se borna « vu les circonstances à réclamer l'autonomie intérieure de la nation ». Mais bientôt, le Néo-Destour de Habib Bourguiba et l'Union générale tunisienne du travail de Ferhat Hached réclamèrent de concert un statut d'État tunisien souverain à base démocratique.

Au Maroc s'était constitué, exalté par la présence américaine, un parti de l'indépendance, le Hizb al- Istiqlāl. Il publia, le 11 janvier 1944, un manifeste qui exigeait la fin du protectorat. L'arrestation des leaders de l'Istiqlāl provoqua de graves émeutes, qui furent réprimées par l'armée. Dès lors, malgré quelques timides réformes, le mouvement nationaliste s'étendit dans tous les milieux. Le sultan lui-même n'hésita pas, en avril 1947, lors d'un voyage triomphal au Maroc espagnol, à revendiquer l'appartenance du Maroc à la « nation arabe » que la Ligue arabe travaillait à reconstituer.

En Algérie, un groupe d'hommes politiques animé par Ferhat Abbas rédigea, dès février 1943, un Manifeste du peuple algérien qui demandait « la condamnation et l'abolition de la colonisation ». Un Addendum publié le 26 mai réclamait « la formation d'un État algérien doté d'une Constitution propre élaborée par une Assemblée élue au suffrage universel ». Malgré les réformes libérales accordées par le Comité français de libération nationale en 1944 (extension du collège électoral musulman à 1 600 000 Algériens, octroi de la citoyenneté avec maintien du statut personnel à quelque 65 000 personnes), les Algériens ne rêvaient[...]

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Pour citer cet article

Charles-Robert AGERON. DÉCOLONISATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cérémonie d'ouverture du Parlement égyptien, 1926 - crédits : Bettmann/ Getty Images

Cérémonie d'ouverture du Parlement égyptien, 1926

La résistance des colonisés - crédits : Encyclopædia Universalis France

La résistance des colonisés

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

Autres références

  • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

    • Écrit par Marc MICHEL
    • 12 424 mots
    • 24 médias

    Alors que s'achève la décolonisation en Asie à la fin des années 1940, le mouvement se déplace en Afrique, tout spécialement au Maghreb, en pleine ébullition. Il existe pourtant déjà un pays d'Afrique du Nord qui a obtenu son indépendance : la Libye. C'est un précédent et un exemple....

  • DÉCOLONISATION ET NON-ALIGNEMENT - (repères chronologiques)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 260 mots

    1947-1948 L'Inde, le Pakistan, Ceylan et la Birmanie obtiennent de la Grande-Bretagne leur indépendance.

    1949 Lors de la conférence de New Delhi (janvier), Nehru esquisse un regroupement afro-asiatique. Les Pays-Bas accordent l'indépendance à l'Indonésie de Sukarno (décembre)....

  • ABDALLAH ABDERAMANE AHMED (1919-1989)

    • Écrit par Marie-Françoise ROMBI
    • 977 mots

    Premier chef d'État des Comores, Ahmed Abdallah est né le 12 juin 1919 sur la côte est de l'île d'Anjouan, dans l'aristocratie de Domoni, selon sa biographie officielle. Mais divers portraits du chef du Parti vert (de la couleur des bulletins de vote) le décrivent plutôt comme un paysan madré...

  • ABDELAZIZ MOHAMED (1947 ou 1948-2016)

    • Écrit par Khadija MOHSEN-FINAN
    • 771 mots

    Président de la République arabe sahraouie démocratique pendant quarante ans, jusqu’à sa mort en mai 2016, Mohamed Abdelaziz, dirigeant du Front Polisario, avait succédé en 1976 au chef du mouvement indépendantiste El Ouali Moustapha Sayed.

    Alors qu’ils sont tous deux étudiants à Rabat, au...

  • ACCULTURATION

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 8 306 mots
    • 1 média
    ...plus les erreurs du passé. La sociologie française ne s'intéressera au problème qu'après la Seconde Guerre mondiale, en relation avec la politique de décolonisation, dont elle n'est que le pressentiment ou le premier reflet. L'acculturation planifiée apparaît avec la formation d'États indépendants en...
  • AFRIQUE-OCCIDENTALE FRANÇAISE (AOF)

    • Écrit par Alfred FIERRO
    • 815 mots
    • 2 médias

    Créée par un décret du 16 juin 1895, sous la direction d'un gouverneur général, l'Afrique-Occidentale française (A.-O.F.) répond à la nécessité de coordonner sous une autorité unique la pénétration française à l'intérieur du continent africain. L'A.-O.F. est, à l'origine, constituée des...

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