Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TUDOR DAVID (1926-1996)

Né le 20 janvier 1926 à Philadelphie, le pianiste et compositeur américain David Tudor est initié très tôt à la musique. Il étudie l'orgue et la théorie musicale avec H. William Hawke, le piano avec Josef Martin et Irma Wolpe Rademacher, la composition et l'analyse musicale avec Stefan Wolpe. Encore adolescent, il débute sa carrière professionnelle en tant qu'assistant organiste à l'église Saint Mark de Philadelphie ; puis il part pour New York.

Interprète d'exception, David Tudor acquiert la notoriété comme pianiste de l'avant-garde. Il fait œuvre de pionnier en créant ou en contribuant activement à faire connaître des pièces de Pierre Boulez (première exécution américaine – et deuxième exécution mondiale – de la Deuxième Sonate pour piano, le 17 décembre 1950, au Carnegie Hall de New York), Earle Brown, Sylvano Bussotti (qui lui dédie ses Five Piano Pieces for David Tudor, créées à Darmstadt en 1959), John Cage (Music of Changes, New York, 1951), Morton Feldman, Colon Nancarrow, Karlheinz Stockhausen, Christian Wolff, Stefan Wolpe, La Monte Young... C'est également lui qui « donne » pour la première fois la pièce « silencieuse » de John Cage4' 33'', au Maverick Hall de Woodstock, le 29 août 1952.

Tudor va cependant abandonner progressivement sa carrière de pianiste pour se consacrer entièrement à la composition. En 1948, il rencontre John Cage, dont il devient immédiatement l'associé. Membre du premier groupe américain de production de musique pour bande magnétique, le Project of Music for Magnetic Tape, lancé par Cage en 1952 avec Morton Feldman, Earle Brown et Christian Wolff, Tudor est l'initiateur, au début des années 1960, du courant de musique électronique « spontanée » (live electronic music), qui s'oppose au caractère figé des musiques issues du travail en studio et enregistrées sur bande magnétique. On range en effet sous cette appellation des musiques faisant appel à des dispositifs électroacoustiques manipulés en direct pendant l'exécution instrumentale. Les compositeurs américains de cette époque – John Cage et David Tudor, notamment – y voient un moyen de préserver le hasard, de réintroduire l'humain et par là même une certaine ouverture où l'improvisation trouve sa place dans les formes extrêmes. Élaborant ses propres circuits électroniques, Tudor en fait bénéficier ses œuvres personnelles, généralement associées à des installations visuelles (systèmes de lumières, vidéos, films ou projections lasers), au théâtre ou à la danse. Composé en 1966, Bandoneon ! comporte ainsi des haut-parleurs mobiles, des projections vidéo réalisées par Lowell Cross, des effets lumineux, tous ces éléments extérieurs à la musique proprement dite étant dramatisés par un bandonéon joué par le compositeur lui-même.

Dès 1953, Tudor travaille avec la Merce Cunningham Dance Company, dont il deviendra le directeur musical en 1992, à la mort de John Cage. De nombreuses œuvres marqueront la collaboration entre le compositeur et le chorégraphe : Rainforest (1968), Toneburst (1975), Forest Speech (1976), Weatherings (1978), Phonemes (1981), Sextet for Seven (1982), Fragments (1984), Webwork (1987), Five Stone (en collaboration avec Cage et le compositeur et violoniste japonais Takehisa Kosugi, 1988), Virtual Focus (1990), Neural Network Plus (1992).

La première version de Rainforest (Rainforest I, 1968), partition musicale destinée à accompagner le spectacle de danse de Merce Cunningham portant le même nom, développe des techniques de transformation des sons sans modulation électronique ; les sons sont simplement modifiés par résonance lors de leur passage dans un matériau. Tudor créera plusieurs versions de cette œuvre, parmi lesquelles la quatrième (Rainforest IV, 1973), non destinée à accompagner une chorégraphie, utilise[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

Classification

Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. TUDOR DAVID (1926-1996) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAGE JOHN (1912-1992)

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 3 349 mots
    • 1 média
    ...voie. Après un premier voyage en Europe (1949), il élabore, en contraste avec les idées de Boulez, une méthodologie de la dé-construction de l'œuvre : avec David Tudor, Morton Feldman, Christian Wolff et Earle Brown, il compose ses premières partitions « inexpressives », et introduit dans ses œuvres les...
  • CUNNINGHAM MERCE (1919-2009)

    • Écrit par Agnès IZRINE
    • 2 654 mots
    ...(pour Scramble, 1967), Andy Warhol (pour Rainforest, 1968), Robert Morris (pour Canfield, 1969 et Inlets, 1977) et même Marcel Duchamp (pour Walkaround Time, 1968). Enfin, il travaille avec des compositeurs contemporains tels que David Tudor, Toshi Ichiyanagi, La Monte Young et, bien sûr, John Cage.
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La musique

    • Écrit par Juliette GARRIGUES, André GAUTHIER
    • 3 950 mots
    • 6 médias
    ...se manifeste sans doute dans une pièce dont le titre se réduit à l'indication de sa durée – en minutes et en secondes –, et qui, après sa création par David Tudor, le 29 août 1952 à Woodstock, est devenue légendaire : 4' 33''. La partition de cette pièce ne comporte qu'une seule...
  • PERFORMANCE, art

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 19 262 mots
    • 1 média
    Prenons l'exemple le plus clair d'une performance cagienne : l'exécution, au Maverick Hall de Woodstock en 1952, par David Tudor au piano, de la pièce silencieuse qui a rendu célèbre le nom de John Cage, 4′33″. Igor Stravinski, on le sait, eut beau jeu de proclamer qu'il souhaitait...

Voir aussi