Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CRITIQUE DE CINÉMA

La critique face aux nouveaux médias

Dans les années 1970, après une violente polémique, plus théorique et idéologique, qui oppose les Cahiers du cinéma et la jeune et marginale Cinéthique, sur l'impression de réalité au cinéma, à laquelle les autres revues françaises assistent avec étonnement et ironie, mais qui marquera fortement la réflexion américaine, la critique perd ses repères, malgré l'éphémère recherche, du côté des Cahiers, de la modernité au cinéma, concept flou importé de la littérature (Bataille, Artaud), et appuyé en particulier sur les œuvres de Jean-Marie Straub et de Jean-Luc Godard.

Le triomphe des magazines de grand public sur papier glacé tels que Première (1976) ou Studio (1987), qui reviennent sans états d'âme au culte des stars et du spectacle pur, comme la liaison de plus en plus étroite qui s'opère entre cinéma, médiatisation et audiovisuel en général, viennent raffermir le lien entre commerce et critique : à quelques poches de résistance près, la critique, hors de l'Université, tend à devenir ou redevenir un aspect de la promotion du film, se limitant souvent aux interviews de vedettes ou de réalisateurs, et aux couvertures promotionnelles : en décembre 1982, E.T., de Steven Spielberg, fait en France, après d'autres pays, la couverture de la majorité des quotidiens, magazines et revues spécialisées. La critique n'a plus la mission de soutenir, de faire connaître, d'analyser un film. C'est plutôt elle qui bénéficie d'une campagne promotionnelle et médiatique où son indépendance et son pouvoir ne cessent de se restreindre.

L'emprise croissante des médias

En octobre 1999, une polémique est lancée par le cinéaste Patrice Leconte. Elle vise la critique française, accusée de dénigrer le cinéma national par rapport au cinéma américain. Le débat n'ira pas très loin. Il aura au moins eu le mérite de souligner un vrai paradoxe. Dans le même temps, on réclame une critique au service d'une cinématographie nationale ou, du moins, qui ne lui porte pas tort, et on affirme haut et fort, qu'elle est totalement démunie face aux puissances du système économique et médiatique. Mais déjà, en 1958, André Bazin écrivait : « La principale satisfaction que me donne [le métier de critique] réside dans sa quasi-inutilité. Faire de la critique cinématographique, c'est à peu près cracher dans l'eau du haut d'un pont. » Dès que la critique se veut utile ou utilitaire, – et plus encore dans le cas du cinéma, fortement lié à d'importants coûts de production, que dans tout autre forme d'expression artistique – elle prend le risque de faire le jeu de l'industrie, dont ses précurseurs avaient bien senti le danger.

Lorsque l'on évoque la critique littéraire, on pense à Blanchot, Barthes, Bakhtine, et, pour la critique d'art, à Panofsky, Gombrich, Damisch ou Schapiro : par rapport à eux, les débats qui précèdent semblent bien anecdotiques et triviaux. Certes, des approches nouvelles du cinéma sont nées au-delà de la « politique des auteurs » et de sa contestation, très souvent aux États-Unis. Mais elles relèvent plutôt du domaine théorique et se développent quasi exclusivement en milieu universitaire : critique féministe, cultural studies, révision de l'histoire du cinéma et de ses méthodes... Elles n'ont en fait aucun impact sur la production des films, pas plus que sur leur réception. Faut-il en conclure que le cinéma en tant qu'art est en train de disparaître au profit des industries de programme, incluant la télévision, et la critique avec lui ? La question se pose plus fort que jamais.

Un autre débat significatif a agité le milieu critique, en partie parce qu'il s'est produit au sein d'une revue historique, les Cahiers du cinéma : quelques jeunes rédacteurs ont[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. CRITIQUE DE CINÉMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Être critique de cinéma, Michel Ciment - crédits : Encyclopædia Universalis France

Être critique de cinéma, Michel Ciment

Autres références

  • AGEL HENRI (1911-2008)

    • Écrit par Universalis
    • 191 mots

    Critique de cinéma français. Henri Agel enseigne d'abord au lycée Voltaire de Paris où il dirige le cours de préparation à l'I.D.H.E.C., et où il forme et influence des personnalités aussi différentes que Jean-Louis Bory, Serge Daney, Claude Miller, Alain Corneau. Dans les années...

  • AMENGUAL BARTHÉLEMY (1919-2005)

    • Écrit par Suzanne LIANDRAT-GUIGUES
    • 758 mots

    L'œuvre d'écrivain de cinéma de Barthélemy Amengual est considérable, autant par sa quantité (une douzaine d'ouvrages et une multitude d'articles) que par l'acuité de son propos. Comparable aux meilleurs analystes français de sa génération (tels André Bazin ou Henri...

  • AUDÉ FRANÇOISE (1938-2005)

    • Écrit par Universalis
    • 169 mots

    Critique de cinéma française. Enseignante, militante de la Fédération Jean-Vigo (mouvement des ciné-clubs), Françoise Audé – de son vrai nom Audugé – inaugure en 1968, dans les colonnes de la revue Jeune Cinéma, sa carrière de critique du septième art, avant d'entamer, en 1977, une longue...

  • BAZIN ANDRÉ (1918-1958)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 105 mots

    Co-fondateur en 1951 des Cahiers du cinéma, André Bazin, critique et théoricien, a profondément marqué la réflexion sur le cinéma de l’après-guerre. En seulement quinze ans d’activité – il meurt à quarante ans – et malgré une santé fragile, il effectue un travail critique exceptionnel en multipliant...

  • Afficher les 31 références

Voir aussi