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CORPS Cultes du corps

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Cultiver son genre

Le genre est ce qui sépare culturellement l'homme de la femme, ensemble assimilé de discours et de pratiques caractéristiques qui trouvent leur légitimation dans la différence sexuelle, la différenciation organique naturelle des corps masculin et féminin. Le genre contraint chaque sexe à des cultes corporels stéréotypés selon l'idéologie masculine dominante. Le féminisme a pu libérer la femme du culte de la femme-objet ou de la pornographie en affirmant sa différence de genre. Il a conduit les plus radicales jusqu'au rejet du genre masculin dans l'exclusive lesbienne, une contre-culture marquée par les revendications d'autonomie socio-économique et d'homoparentalité.

La notion de genre serait apparue pour la première fois sous la plume d'Ann Oakley afin de la distinguer du sexe : « Sexe est un mot qui se réfère aux différences biologique entre mâle et femelle : la différence visible des parties génitales, la différence relative dans la fonction procréative. Genre cependant est une matière de culture : il se réfère à la classification sociale entre „masculin“ et „féminin“ ». Trois éléments sont retenus pour définir le genre : le contenu social et arbitraire de ce qui est compris dans les différences entre les sexes ; un singulier (le genre) qui permet de penser le principe de partition lui-même (et pas seulement les parties divisées, masculin et féminin) ; enfin la notion de hiérarchie entre les sexes. Le corps est précisément situé entre sexe et genre, à leur intersection. La question de la ligne de démarcation entre nature et culture est donc cruciale afin d'éviter tant une dénaturalisation du corps par un constructivisme social dogmatique qu'une biologisation par un naturalisme scientiste revivifié dernièrement par les travaux sur la bioconstruction développementale.

Le genre est un concept développé pour contester la naturalisation de la différence sexuelle. La naturalisation est une construction idéologique de la domination masculine pour légitimer la hiérarchie sexuelle, sociale et la division des tâches. Selon Pierre Bourdieu la réalité sexuée de la différence des corps est le résultat d'un « programme social de perception incorporé » ; la différence anatomique entre les organes sexuel sert de « justification naturelle de la différence socialement construite entre les genres ». La perception naturaliste de la différence sexuelle trouve dans les orifices et organes la matière même de la distribution des fonctions sociales à partir des fonction sexuelles et reproductives. La répartition des rôles et des fonctions sociales établit des oppositions verticales (sec-humide, haut-bas, droite-gauche, masculin-féminin) à partir des processus bio-sociaux de cycle de vie et de mort (mariage, gestation, naissance, éducation des enfants, deuil...) et des mouvements (ouvrir-fermer, entrer-sortir, cueillir-chasser).

L'accentuation ou l'élimination de la séparation des genres structurent la perception des organes et de l'activité sexuelle et la justification de la division sexuelle des tâches sociales en utilisant la naturalisation comme un alibi idéologique. Toute la problématique du genre, pour Judith Butler, s'appuierait sur un féminisme de la subversion des styles corporels accomplis par chaque sexe de manière performative par la répétition et le rituel des postures et des actes sociaux : « il devient possible de montrer que ce que nous pensons être une propriété „interne“ à nous-même doit être mis sur le compte de ce que nous attendons et produisons à travers certains actes corporels ».

Dans cette perspective, ne plus chercher à être une jeune fille convenue et conventionnelle est un acte décisif de la nouvelle identification à la problématique du genre. Pourquoi le corps de la femme doit-il être mince jusqu'à la maigreur,[...]

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Écrit par

  • : professeur d'épistémologie du corps et des pratiques corporelles à la faculté du sport de Nancy

Classification

Pour citer cet article

Bernard ANDRIEU. CORPS - Cultes du corps [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Culturisme - crédits : I. Csak / Shutterstock

Culturisme

Autres références

  • CORPS (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 102 mots

    Durant plus de deux millénaires, dans le monde occidental, le corps n’a guère fait l’objet de réflexions philosophiques si ce n’est de façon négative, en tant qu’entité faisant obstacle aux intentions de l’âme. La religion orphique (liée au culte ésotérique d’Orphée), très présente dans la Grèce...

  • ABRAMOVIC MARINA (1946- )

    • Écrit par
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    Marina Abramovic née à Belgrade (Serbie) s'est imposée depuis les années 1970 comme l'une des références du body art aux côtés des américains Vito Acconci et Chris Burden. Ses performances parfois extrêmes, documentées par des photographies en noir et blanc commentées, sont restées...

  • ABSALON ESHER MEIR dit (1964-1993)

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    L'artiste Esher Meir, dit Absalon, est né en 1964 à Ashdod en Israël. Il est mort à Paris en 1993. Sa carrière fulgurante aura duré à peine six années. Très vite connu et reconnu, il a produit une œuvre homogène et d'emblée identifiable, à la fois représentative de l'art au tournant des années...

  • ACCONCI VITO (1940-2017)

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    Artiste protéiforme, Vito Acconci s'est d'abord consacré à la « poésie concrète », à la photographie et aux performances pour se tourner ensuite vers la vidéo. Chez lui, cette dernière est essentiellement constituée par la mise en scène du corps, tant dans le rapport au langage que dans le rapport...

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    ...physique dans lequel était l'auteur au moment où il écrivait ». De même, Valère Novarina enjoint aux acteurs de « refaire l'acte de faire le texte, le réécrire avec son corps ! [...] Trouver les postures musculaires et respiratoires dans lesquelles ça s'écrivait. Parce que les personnages, c'est des...
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