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NOVARINA VALÈRE (1947- )

Valère Novarina - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Valère Novarina

« Le théâtre témoigne de la vérité et non du mensonge, il n'est pas le lieu du simulacre mais le lieu de l'accord juste entre l'acteur, le texte et l'endroit de la représentation.[...] Il n'y a qu'un seul endroit où le croisement est juste entre le corps de l'acteur et le texte qui est dit. Il n'y a qu'une façon d'être vrai quand il y a cet accord entre les éléments qui constituent la représentation théâtrale. L'incarnation par l'acteur ne suffit pas, il est indispensable qu'il y ait accord avec le lieu où se déroule la représentation. » Ces quelques lignes suffisent à montrer l'exigence qui anime l'œuvre de Valère Novarina, qui semble s'ingénier à repousser les limites convenues du théâtre.

Une gestuelle de la langue

Né en 1947 à Chêne-Bougeries, canton de Genève, Valère Novarina, fils de l'architecte Maurice Novarina et de la comédienne Manon Trolliet, échoue au concours du Conservatoire national d'art dramatique, côtoie au tournant de 1968 le metteur en scène et universitaire Jean-Marie Villégier avant de s'initier à l'écriture dramatique, encouragé par son premier lecteur, Bernard Dort. L'Atelier volant (1971), à la dramaturgie plutôt traditionnelle, est mis en scène par Jean-Pierre Sarrazac en 1974.

Dans son journal Le Drame de la langue française (1973-1974), Novarina annonce un revirement : il n'écrit plus « pour le théâtre mais vers le théâtre – avec l'acteur comme objet de désir ». Profession de foi digne d'Artaud, et coupant le texte des catégories canoniques de la dramaturgie (personnage, psychologie, déroulement logique du récit et toute forme d'imitation). Si une incarnation doit avoir lieu, ce sera celle du mot par le corps de l'acteur, et peu importe que le texte original en sorte malmené, déformé. Ne contenant ni véritable dialogue ni action dramatique, les pièces de Novarina semblent jouer un drame des origines, celui de la langue. « J'écris des livres dont l'action est de parler », dit-il. Si la parole est généralement précédée d'un nom en charge de la prononcer, il arrive que le texte se fasse linéaire, et range l'œuvre du côté du roman (Le Discours aux animaux, 1987, qui sera parallèlement adapté pour la scène). Selon une formule propre à son auteur, l'écriture de Novarina est une « parle ».

Sensibles sans doute à sa verve jubilatoire et aux résurgences des parlers savoyards et de l'argot, les amateurs de classifications et d'écoles ont rangé Novarina aux côtés de Jacques Audiberti et de Jean Vauthier dans le camp du « théâtre du verbe ». L'appellation ne rend pas vraiment compte de la singularité de son langage. À l'instar de Rabelais, de Jarry, du Joyce d'Ulysse et de Finnegans Wake, de Queneau ou de Perec parfois, Novarina fait subir à la langue française des acrobaties ludiques, multipliant les néologismes, les barbarismes, manipulant sans précaution la morphologie et les racines latines, procédant par agglutinations perpétuelles : « J'ai malaufond », dit le mort du Drame de la vie (1984), dont l'action a lieu dans un Stade d'Action, « mélodrome de cent mètres sur cent mètres sur cent mètres sur cent mètres sur cent mètres sur cent mètres sur cent mètres ».

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

David LESCOT. NOVARINA VALÈRE (1947- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Valère Novarina - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Valère Novarina

<em>L’Acte inconnu</em>, V. Novarina - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Bridgeman Images

L’Acte inconnu, V. Novarina

Autres références

  • LE JEU DES OMBRES (mise en scène J. Bellorini)

    • Écrit par Véronique HOTTE
    • 1 125 mots
    • 1 média

    Olivier Py, directeur du festival d’Avignon, dont la 74e édition fut annulée en juillet 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, a réuni le public à l’automne pour « Une semaine d’art en Avignon », reprenant ainsi l’appellation originelle créée par Jean Vilar. La manifestation,...

  • L'ORIGINE ROUGE (V. Novarina)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 915 mots

    L'œuvre de Valère Novarina se signale par son inventivité. L'écrivain possède une langue débordante de sève, fluide mais musclée, ressassante mais protéiforme, obsessionnelle mais inlassablement réinventée. On peut y entendre l'écho des créations verbales chères à Artaud, Tardieu ou Joyce, et...

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    ...et la correspondance entre « l'état physique du comédien au moment où il joue et l'état physique dans lequel était l'auteur au moment où il écrivait ». De même, Valère Novarina enjoint aux acteurs de « refaire l'acte de faire le texte, le réécrire avec son corps ! [...] Trouver les postures musculaires...
  • LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

    • Écrit par Dominique VIART
    • 10 290 mots
    • 10 médias
    ...(11 volumes depuis 2002) élabore une vaste anthropologie historique et littéraire, en quête des fondements et des origines de l’être humain ; Valère Novarina, dont la parole dramatique, portée par le souffle et la profération, esquive la plupart des catégories traditionnelles – personnage et...
  • MONOLOGUE, notion de

    • Écrit par Christophe TRIAU
    • 1 411 mots
    ... siècle s'efforçant de porter à la scène le flux d'une parole échappant aux seules contraintes du conflit dialogué) mais aussi, par-dessus lui, voix affichée de l'auteur. Une œuvre comme celle de Valère Novarina est, par exemple, extrêmement révélatrice de cette double tendance.

Voir aussi