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CITÉ ANTIQUE CONCEPTIONS POLITIQUES DE LA

Philosophes, historiens, orateurs de la Grèce classique ont défini, analysé, discuté ce type d'organisation originale qu'est la cité, favorable à l'éclosion d'une réflexion politique qui fut plus idéaliste que positive et toujours dominée par des préoccupations morales. C'est à leurs yeux un don des dieux, la société politique par excellence. La Grèce paya de son indépendance de n'avoir pas dépassé ce cadre, auquel même les apôtres du panhellénisme (Isocrate, Démosthène) demeurèrent fidèles, faute d'en concevoir un autre qui fût digne d'un peuple civilisé.

Les définitions que les Grecs donnent de la cité sont multiples et variables. Avant d'être un territoire (ville et campagne environnante), c'est un organisme collectif : ce sont les citoyens unis par une même histoire autour du culte rendu à la divinité poliade. Quel que soit son régime, la cité exerce une telle emprise sur ses membres que le Grec se définit avant tout comme un citoyen. La cité juste engendre l'homme juste ; telle est la démarche de Platon dans La République, révélant ainsi l'intimité des rapports entre éthique et politique dans le monde grec. Aristote distingue l'homme des autres animaux en ce qu'il appartient à une cité. La loi (nomos) exprime le pouvoir et la solidarité de la cité. Représentation de la volonté collective, la loi est le souverain ; la cité se confond avec elle et elle est dès lors « autonome » ou elle n'est point. Ainsi se comprennent le respect des penseurs grecs pour les nomoi (illustré par le martyre de Socrate) et l'embarras qu'ils ressentent tant devant les conflits susceptibles d'opposer cet ordre laïc et relatif aux lois universelles et permanentes (cf. l'Antigone de Sophocle) que devant l'antagonisme entre nature et loi exploité diversement par les sophistes et que Socrate tentera de résoudre avant que le stoïcisme ne le dépasse.

Au sein des cités, les statuts politiques varient. La première formulation d'une classification des régimes se trouve chez Hérodote : démocratie, oligarchie, monarchie, chacun de ces types présentant une forme correcte et une autre qu'altèrent déviations ou excès. Ce schéma se retrouve pendant des siècles à la base de toute analyse et de toute doctrine politiques. Pour l'Athénien, la démocratie, c'est l'égalité des citoyens devant la loi (isonomie) et la liberté. Essentiellement collective, cette liberté est celle du citoyen assujetti à n'obéir qu'à la loi, à l'adoption de laquelle il a participé ; bientôt la nature de la législation se déforme sous l'influence de l'individualisme et, de collective en son essence, la loi redevient le reflet de l'opinion de quelques-uns. Avant le ~ ive siècle, les réserves ne manquent pas à l'égard de la démocratie athénienne ; elles se multiplient en raison de ses échecs et des conflits internes qu'elle paraît encourager.

Il reste que souvent la forme « démocratique » du gouvernement subsiste sans dégénérer en tyrannie ou en oligarchie ; elle demeure alors conforme aux vœux de la majorité ; certains philosophes et politiques grecs préconisent toutefois l'institution d'une « démocratie modérée » (telle la politeia décrite et définie par Aristote dans les livres IV et V de La Politique). Il demeure cependant que la plupart des penseurs antiques (Isocrate, Platon, Xénophon) optent pour un gouvernement monarchique ou aristocratique, au nom du bien public ou de l'efficacité, et s'en font les théoriciens.

La chute de la royauté à Rome permet qu'à un régime d'arbitraire et de force (regnum) se substitue le régime de la cité (civitas), territoire et communauté. Les Romains n'en ont précisé que tardivement la notion. Il en est de même pour la philosophie[...]

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Pour citer cet article

François BURDEAU. CITÉ ANTIQUE CONCEPTIONS POLITIQUES DE LA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACHÈVEMENT DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE

    • Écrit par Christian HERMANSEN
    • 279 mots

    La « remise du fardeau » (annulation des dettes) décrétée par Solon vers — 594 est une première mesure en faveur du peuple des paysans athéniens : ils sont libérés à jamais du risque d'esclavage pour dettes envers les nobles propriétaires terriens. Mais il faut attendre les...

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    • 23 786 mots
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    ...entretenir des rapports d'utilité et de justice avec son semblable, on comprend que l'homme ne puisse accéder à l'humanité véritable que dans le cadre de la cité. La fin de la cité n'est pas seulement le « vivre », c'est-à-dire la satisfaction des besoins, mais aussi le « bien-vivre », c'est-à-dire la vie heureuse,...
  • ARISTOTÉLISME

    • Écrit par Hervé BARREAU
    • 2 242 mots
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    Ce qui fait la cité, c'est la constitution qu'elle s'est donnée. Quant aux formes de constitutions, Aristote préfère la monarchie, car un bon monarque sait corriger les injustices de la loi, mais il redoute la tyrannie, qui est la corruption de la monarchie. De la même façon, Aristote...
  • AUTORITÉ

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 2 800 mots
    • 11 médias
    DansLa République (livres VI et VII), l'autorité est en revanche inscrite dans un ordre supérieur, celui de la Raison (Logos) et des Idées, seul à pouvoir garantir la pleine légitimité de son exercice sans s'exposer aux velléités des volontés particulières et à la tyrannie de l'opinion...
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