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BURLESQUE COMÉDIE, cinéma

« Burlesque : comique outré et souvent trivial », dit le Larousse. Définition péjorative que confirme le sentiment populaire. Les tartes à la crème jouissent d'un statut esthétique inférieur.

Aucun genre, pourtant, dans l'histoire du cinéma ne s'est assuré un tel pouvoir sur tous les esprits. De Charlot à Hulot, de Keaton à Jerry Lewis, les comédies burlesques satisfont les esprits les plus frustes comme les plus raffinés.

Entraînés par la seule et simple nécessité de faire rire, contraints à l'invention, les acteurs et réalisateurs burlesques jouent sur toutes les impossibilités, ou les refus, d'adaptation au monde social ; ils démentent toutes les logiques, ils attaquent toutes les morales, ils défient toutes les pesanteurs.

Le genre contient donc, en puissance, un trésor de virtualités lyriques. « Qu'on se donne seulement la peine de pratiquer la poésie », disait André Breton. C'est ce que font les grands burlesques.

Un comique spécifique

Un arroseur arrosé, un sergent de ville poursuivant un cul-de-jatte simulateur, ce sont les premiers gags connus, réalisés par Louis Lumière en 1895.

Le cinéma naissant s'émerveilla de ses pouvoirs au nombre desquels la désintégration comique du réel n'est pas le moindre. Dans Onésime horloger, d'André Deed, une subite accélération du temps autorise en l'espace de quarante secondes un mariage éclair, la naissance de l'enfant et sa croissance achevée. Dans un autre film, cité par Georges Sadoul : « Une nounou se hisse aux Buttes-Chaumont sur la voiture de bébé qui se met à dévaler la pente, roule dans les rues, passe les portes de Paris, file sur la route du Havre, entre dans la Manche, vogue sur l'océan, aborde dans une île inconnue, dont les sauvages la prennent pour reine. »

Au premier regard, le cinéma a donc créé un comique spécifique, inconcevable avant lui, visuel de nature et tiré de ses seules ressources techniques. Pourtant, très vite, il doit avouer sa dette envers l'art du spectacle, en ce qu'il a d'essentiel et de primitif : l'art du clown, de l'acrobate, du jongleur et de l'illusionniste. Les premiers comiques français, André Deed (Boireau), Ernest Bourbon (Onésime) et Max Linder (Max), viennent du café-concert ou du théâtre de variétés. Ils inventent la forme burlesque, héritée du numéro de cirque et de music-hall. Chacun d'entre eux doit imaginer et typer un personnage qui se substitue dès lors à sa propre personnalité. Ce personnage, le public le consacre en le reconnaissant de film en film. L'anecdote importe peu. À travers une myriade d'aventures, il demeure immuable : il ne vieillit ni ne change. En même temps il se condamne à une singularité irréductible. La comédie classique ou bourgeoise (qui, au cinéma, est également un genre fécond) réduit le personnage à la réalité commune des ridicules observés et des situations qui les révèlent. Des générations d'acteurs peuvent servir le même répertoire. Le clown, au contraire, meurt en emportant le secret de son masque, si rudimentaire soit-il.

Un art de l'instant

Autre différence essentielle : la comédie traditionnelle doit se soumettre à une progression dramatique qui lie organiquement la partie au tout. Elle ne peut exclure un déroulement temporel rigoureux où le personnage s'enferre toujours plus avant dans ses travers. Au contraire, le personnage burlesque jouit d'une liberté catastrophique. François Mars définit fort bien le gag comme « une incidente brutale, brève et soudaine, qui trouve en elle-même son accomplissement burlesque ». Brutalité, brièveté, soudaineté, c'est bien d'un art de l'instant qu'il s'agit. La discontinuité, fatale en d'autres domaines, est une vertu naturelle du genre. De gag en gag, d'instant en instant, également autonomes, le personnage burlesque éprouve la grandeur et les vicissitudes,[...]

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Pour citer cet article

Claude-Jean PHILIPPE. BURLESQUE COMÉDIE, cinéma [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Charlot - crédits : API/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Charlot

Laurel et Hardy - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Laurel et Hardy

Buster Keaton - crédits : Hulton-Deutsch/ Hulton-Deutsch Collection/ Corbis Historical/ Getty Images

Buster Keaton

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Cinéma

    • Écrit par N.T. BINH
    • 3 446 mots
    • 4 médias
    Si les Anglais sont connus pour leur sens de l'humour « à froid », la comédie britannique offre une belle variété de sous-genres. Les artistes burlesques venus de la scène, au temps du muet, firent carrière outre-Atlantique (Charles Chaplin, Stan Laurel), mais l'arrivée du parlant sollicita d'autres...
  • ARBUCKLE ROSCOE (1887-1933)

    • Écrit par Universalis
    • 599 mots

    Comédien et réalisateur américain, Roscoe Arbuckle vit sa brillante carrière interrompue par le premier des grands scandales hollywoodiens.

    Né le 24 mars 1887 à Smith Center, au Kansas, Roscoe Conkling Arbuckle se produit dès l'âge de dix-douze ans dans des spectacles amateurs, dont l'entrée est...

  • CAPRA FRANK (1897-1991)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 798 mots
    • 2 médias
    ..., 1934), qui remporte cinq des statuettes tant convoitées. Non seulement Capra a réussi son pari, mais il a installé l'idée d'une certaine forme de comédie, la screwball comedy (ou comédie loufoque), qui tend au burlesque et à l'absurde, et imprime son image de marque : une comédie où le versant...
  • CHAPLIN CHARLIE (1889-1977)

    • Écrit par Francis BORDAT
    • 3 959 mots
    • 4 médias
    ...1910. Dans A Night in an English Music-Hall, il joue avec grand succès le rôle d'un gentleman éméché, qu'il reprendra dans plusieurs films. Quand, deux ans plus tard, il accompagne la troupe pour une seconde tournée américaine, il est remarqué par Mack Sennett, qui vient de fonder la compagnie...
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