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CARTEL, théâtre

Baty

Gaston Baty aussi était poète, mais alors que les recherches de Pitoëff frôlaient la métaphysique, celles du fondateur de la Baraque de la Chimère (1922) tendaient à favoriser l'évasion du public par la création d'atmosphères bien proches de celles du rêve. De milieu bourgeois, Gaston Baty (1885-1952) fit en Allemagne des études supérieures qui devaient orienter d'une manière décisive son activité artistique. Si sa sensibilité raffinée l'éloignait de tout engagement politique et social – et par là même l'eût amené à combattre les formules du théâtre d'après guerre – il a été en France le véritable précurseur des techniques de mise en scène de nos animateurs contemporains. Alors que Jouvet, Dullin et Pitoëff avaient subi, directement ou par l'intermédiaire de Copeau, l'influence de Stanislavski, c'est Piscator et Reinhardt qui furent à l'origine de la maîtrise de Baty dans l'éclairage, le changement de décor et le maniement des foules, et ce n'est pas un hasard si c'est Baty qui, dès 1930, introduisit Brecht en France (L'Opéra de quat'sous). Très cultivé et amoureux des grands textes autant que ses compagnons du Cartel, il n'en prit pas moins position sinon contre le théâtre littéraire, du moins contre la primauté de l'auteur. Il se voulait créateur autant que l'écrivain qu'il mettait en scène. Cette ambition l'amena à choisir des œuvres qui soient surtout des prétextes à la création d'atmosphères et l'un de ses auteurs préférés, Jean-Jacques Bernard, inventa pour lui « le théâtre du silence ». Baty était très conscient du caractère éphémère d'une œuvre dont le succès était lié exclusivement à la qualité de la mise en scène, et à la solidité d'une troupe de comédiens fidèles, en tête desquels brillait le talent troublant de Marguerite Jamois ; mais il voyait dans cette précarité la noblesse même de l'art qu'il servait avec une délicatesse parfaite et un dévouement passionné, convaincu d'avoir suffisamment rempli sa mission à l'égard de son époque, en offrant à ses contemporains d'exquises « minutes d'évasion ». C'est ce respect de l'œuvre d'art en soi, sans autre souci que celui de sa perfection, qui le rattachait le plus intimement à ses compagnons du Cartel. Cependant, par ses théories, alors contestées, sur le metteur en scène créateur, Gaston Baty ouvrait la voie au théâtre français d'après 1955.

— Pierre-Aimé TOUCHARD

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Écrit par

  • : administrateur général honoraire de la Comédie-Française, ancien inspecteur général des spectacles, essayiste théâtral

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Aimé TOUCHARD. CARTEL, théâtre [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret

Autres références

  • BATY GASTON (1885-1952)

    • Écrit par Armel MARIN
    • 442 mots

    Troisième homme du « Cartel », Gaston Baty fut un technicien sensible et intelligent de cette machine à jouer qu'est le théâtre. Il débute en 1919 au cirque d'Hiver en assistant Firmin Gémier dans une de ses mises en scène populaires. En 1921, il crée sans grand succès L'Annonce...

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Dominique RABATÉ
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...modernisation des décors, Gaston Baty (1885-1952), Charles Dullin (1885-1949), Louis Jouvet (1887-1951) et Georges Pitoëff (1884-1939) fondent en 1927 le Cartel des quatre qui prépare la voie au Théâtre national populaire de Jean Vilar (1912-1971). Antoine Vitez (1930-1990) illustre cette vitalité des...
  • VIEUX-COLOMBIER THÉÂTRE DU - (repères chronologiques)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 801 mots

    1913 En avril, à la recherche d'un lieu théâtral à Paris, Jacques Copeau découvre au 21 rue du Vieux-Colombier, au cœur du quartier Latin, une salle de 500 places baptisée Athénée Saint-Germain. Le théâtre réaménagé est ouvert le 23 octobre 1913, avec une œuvre élisabéthaine : ...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène

    • Écrit par Alfred SIMON
    • 10 045 mots
    • 7 médias
    Auprès des superingénieurs de la grande machinerie constructivo-expressionniste, les metteurs en scène du Cartel ( Dullin, Jouvet, Baty, Pitoëff), dans leurs petits théâtres vétustes, avec leurs pauvres moyens, font l'effet d'artisans de village. Ce serait pourtant céder à l'autodénigrement que de minimiser...

Voir aussi