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THÉÂTRE OCCIDENTAL La scène

Pour l'historien du théâtre, le xxe siècle se confond avec l'âge d'or de la mise en scène. Elle est née dans les vingt dernières années du siècle précédent. En créant le Théâtre-Libre en mars 1887, André Antoine s'est promu premier metteur en scène moderne et a placé la mise en scène théâtrale au centre de toute problématique de la modernité. Il pouvait écrire en 1903 : « La mise en scène est un art qui vient de naître. » Le metteur en scène a pris alors conscience d'exercer une fonction spécifique, capable d'émanciper l'art du théâtre à l'égard du texte, de la littérature, de l'auteur dont il diminuait l'emprise sur lui en mettant au premier plan le spectacle, le jeu, l'aspect visuel et dynamique.

À la même époque, travaillant sur la mise en scène de l'opéra wagnérien, le suisse Adolphe Appia venait d'esquisser une première théorie de la mise en scène, définie par lui comme « l'art de projeter dans l'espace ce que le dramaturge n'a pu concevoir que dans le temps ». Définition minimale et consensuelle que d'autres sont venues préciser ou nuancer. Par exemple, celle de Jacques Copeau, « ensemble des opérations techniques et artistiques grâce auxquelles l'ouvrage conçu par un auteur passe d'une vie spirituelle latente, celle du texte écrit, à une vie concrète et actuelle, celle de la scène ».

Plus tard, la théorie de la mise en scène a pris des formes de plus en plus radicales, voire cacophoniques. À partir du postulat selon lequel, « au-delà du texte, il y a quelque chose qui fait partie intégrante de l'art dramatique », les metteurs en scène les plus audacieux ont prétendu atteindre seuls un art dramatique en soi, une théâtralité spécifique. Ils ont revendiqué le statut de créateurs à part entière, à l'égal des géants de la peinture moderne. On aboutit ainsi à un clivage : d'un côté, ceux qui croient à une harmonie préétablie entre le texte et la mise en scène déjà inscrite virtuellement dans le texte et se veulent les serviteurs de celui-ci et du public (Copeau et le Cartel) ; de l'autre, la démesure des constructivistes russes, des expressionnistes allemands et, en France, la génération des années 1970, qui ont voulu considérer les grands textes comme de simples supports de leur propre création et la mise en scène comme une mise en crise du texte.

Dans le dispositif théâtral classique et dans le théâtre à l'italienne, sa forme accomplie, l' illusion scénique naît de l'échange qui a lieu entre deux espaces, la scène où joue l'acteur, la salle où le public regarde. Fondamentalement, la mise en scène est une mise en espace. Le metteur en scène coordonne l'ensemble des moyens d'interprétation scénique d'une œuvre dramatique : décoration, éclairage, musique et jeu des acteurs. Dans la plénitude de ses fonctions – de plus en plus rarement réalisée –, il administre un théâtre, dirige une troupe, monte les œuvres classiques ou modernes, consacrées ou inédites. Il y a ceux qui consacrent l'essentiel de leurs efforts à révéler le Tchekhov, le Giraudoux, le Claudel ou le Beckett de leur temps, ceux qui s'attachent d'abord à la formation et au jeu de l'acteur, ceux qui font équipe avec un décorateur, parce que la révolution de la mise en scène s'identifie d'abord pour eux à celle de la scénographie, stimulée par les progrès extraordinaires des techniques d'éclairage et de sonorisation, dont les prouesses sont inséparables des grandes réussites de la mise en scène contemporaine. Ainsi la mise en scène se révèle-t-elle « dans une pièce de théâtre la partie véritablement et spécifiquement théâtrale du théâtre », selon le mot d'Artaud.

Malgré la petite phrase de la Préface de L'Amour médecin[...]

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Pour citer cet article

Alfred SIMON. THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Peter Brook - crédits : Pierre GUILLAUD/ AFP

Peter Brook

Edward Gordon Craig, vers 1960 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Edward Gordon Craig, vers 1960

Romain Rolland - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Romain Rolland

Autres références

  • LA PARABOLE OU L'ENFANCE DU THÉÂTRE (J.-P. Sarrazac)

    • Écrit par Hélène KUNTZ
    • 1 002 mots

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