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CARTEL, théâtre

Dullin

C'est Charles Dullin (1885-1949) qui se sépara le premier de Copeau, mais peut-être est-ce lui qui lui demeura le plus fidèle. Ce paysan montagnard, à peu près autodidacte, dont, grâce à un oncle farfelu, les jeunes années avaient connu une atmosphère de poésie et d'aventures imaginaires, et dont les débuts s'étaient faits au hasard de ses besoins, dans les cabarets parisiens ou dans les théâtres de mélodrame, conserva toujours le souvenir ébloui de ses premières rencontres chez Copeau avec les grands textes littéraires. Deux mots exprimaient pour lui l'essence même du théâtre : transfiguration et mouvement. C'est pourquoi ce fut sans doute avec les grands poèmes dramatiques de l'époque élisabéthaine et du siècle d'or espagnol qu'il exprima le plus vigoureusement sa personnalité. Le visage ingrat mais animé par la passion du regard, la voix sourde mais dominée par une articulation parfaite, le geste lyrique mais toujours mesuré, il créait sur la scène un étonnant envoûtement où l'intelligence claire soutenait les élans de l'instinct. S'il aimait incarner des personnalités obscures, chez qui les forces du bien et du mal se combattent cruellement (Smerdiakov, Harpagon, le roi Lear, Volpone), il anima de sa foi bouleversante la naïveté radieuse du paysan Trygée dans La Paix d'Aristophane. De 1922 à 1939, le petit plateau de l'ancien théâtre Montmartre, baptisé par Dullin l'Atelier, fut aussi le lieu de la formation de jeunes auteurs comme Achard, Salacrou, Zimmer, Passeur, Arnoux, de Richaud, Bréal et d'une pléiade de jeunes comédiens qui, de Jean-Louis Barrault à Jean Vilar, allaient devenir à leur tour les maîtres d'une génération dramatique. Quand Dullin mourut (1949), épuisé par une vie de luttes et dans une apparente solitude, il fut le seul à laisser derrière lui de véritables disciples.

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Écrit par

  • : administrateur général honoraire de la Comédie-Française, ancien inspecteur général des spectacles, essayiste théâtral

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Aimé TOUCHARD. CARTEL, théâtre [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Louis Jouvet dans Entrée des artistes, M. Allégret

Autres références

  • BATY GASTON (1885-1952)

    • Écrit par Armel MARIN
    • 442 mots

    Troisième homme du « Cartel », Gaston Baty fut un technicien sensible et intelligent de cette machine à jouer qu'est le théâtre. Il débute en 1919 au cirque d'Hiver en assistant Firmin Gémier dans une de ses mises en scène populaires. En 1921, il crée sans grand succès L'Annonce...

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Dominique RABATÉ
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...modernisation des décors, Gaston Baty (1885-1952), Charles Dullin (1885-1949), Louis Jouvet (1887-1951) et Georges Pitoëff (1884-1939) fondent en 1927 le Cartel des quatre qui prépare la voie au Théâtre national populaire de Jean Vilar (1912-1971). Antoine Vitez (1930-1990) illustre cette vitalité des...
  • VIEUX-COLOMBIER THÉÂTRE DU - (repères chronologiques)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 801 mots

    1913 En avril, à la recherche d'un lieu théâtral à Paris, Jacques Copeau découvre au 21 rue du Vieux-Colombier, au cœur du quartier Latin, une salle de 500 places baptisée Athénée Saint-Germain. Le théâtre réaménagé est ouvert le 23 octobre 1913, avec une œuvre élisabéthaine : ...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène

    • Écrit par Alfred SIMON
    • 10 045 mots
    • 7 médias
    Auprès des superingénieurs de la grande machinerie constructivo-expressionniste, les metteurs en scène du Cartel ( Dullin, Jouvet, Baty, Pitoëff), dans leurs petits théâtres vétustes, avec leurs pauvres moyens, font l'effet d'artisans de village. Ce serait pourtant céder à l'autodénigrement que de minimiser...

Voir aussi