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CAFÉS LITTÉRAIRES

Les cafés de l'art et de la littérature à Paris

S'il n'est pas erroné, le terme de « café littéraire », qui a été consacré par l'usage, est toutefois réducteur. Dès leur apparition, les cafés ont eu partie liée avec la presse, la politique, le théâtre et les arts du spectacle, la musique, la philosophie et le domaine des idées. La poésie et l'art romanesque se taillent une place de choix dans ces cénacles toujours improvisés et toujours renouvelés. Mais ils n'en constituent pas nécessairement le dénominateur commun. Et les représentants de toutes les disciplines artistiques y ont droit de cité.

Si, à Paris, le café Procope est essentiellement l'antichambre du Théâtre-Français jusqu'à la Révolution, on peut considérer que le premier café littéraire digne de ce nom est le Café de la Régence. Situé dans le Palais-Royal, créé peu de temps après que Philippe d'Orléans en eut fait le lieu de promenade à la mode de Paris, et avant que la fièvre révolutionnaire s'en empare, il recueille les suffrages des hommes de lettres, sans doute parce que, à en croire Lesage, c'est un lieu silencieux et même un peu trop sérieux, où l'on joue aux échecs, et qu'il rebaptise le « café du dieu égyptien Horus ». Diderot, Grimm, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre aiment à y venir, tout comme les architectes Percier et Fontaine et, plus tard, Robespierre, Bonaparte. Alfred de Musset l'adoptera pendant sa jeunesse de dandy. Au sein de microcosmes voués aux opinions tranchées (Girondins, Montagnards, bonapartistes et légitimistes ne cessent de s'y affronter jusqu'à la Restauration) et à la galanterie, aux menus plaisirs et aux frivolités, aux spectacles les plus saugrenus (comme l'orchestre « homérique » dans le Caveau des Aveugles, les machines surprenantes du Café Mécanique, qui permettent de servir automatiquement les consommations, ou le décor onirique du Café de l'Olympe), les lettrés n'ont plus leur place en tant que tels.

Naissance de la modernité

Le Palais-Royal tombe en désuétude. Le percement et l'aménagement des Grands Boulevards au cours du xixe siècle vont permettre la colonisation des cafés par les hommes de plume. Le Café Tortoni, remodelé en 1803 avec sa belle terrasse, est le rendez-vous le plus élégant de l'âge romantique. Honoré de Balzac, Théophile Gautier, Anthony Trollope, Alfred de Musset, Jules Janin, Édouard Manet à ses débuts viennent y rivaliser d'élégance et d'esprit. Quant à Stendhal, il est amateur du splendide Café Frascati, avec son jardin enchanteur. Mais l'établissement qui recueille les suffrages de l'intelligentsia est sans conteste le café Le Divan, rue Le Peletier, où personne ne peut manquer de se rendre. Théodore de Banville le décrit comme « le café Procope du xixe siècle ». Balzac, Gautier, Nerval et Berlioz, mais aussi Charles Asselineau, Pétrus Borel ainsi que de nombreux peintres y accourent des « quatre coins du romantisme ».

Le second Empire marque le début du triomphe des Boulevards. Au Café Anglais, décrit par Guy de Maupassant et Émile Zola, la haute société croise Barbey d'Aurevilly, Alexandre Dumas ou Prosper Mérimée. Le Café des Variétés n'est pas livré aux seules émotions de la scène, mais aussi aux poètes et aux conteurs comme Charles Baudelaire ou Villiers de L'Isle-Adam, qui émigrent souvent en compagnie d'une troupe de rimeurs au Café de Madrid. Le Café Napolitain est le royaume incontestable de Catulle Mendès et de ses admirateurs, et le Café Weber, rue Royale, le fief de Paul-Jean Toulet. Au Café de la Paix, les frères Goncourt retrouvent Alphonse Daudet. Jusqu'à la Grande Guerre, le Boulevard continuera d'être la voie royale de la vie parisienne tant que les affaires, la Bourse, le commerce, le théâtre[...]

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Pour citer cet article

Gérard-Georges LEMAIRE. CAFÉS LITTÉRAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Walter Gropius et Le Corbusier - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Walter Gropius et Le Corbusier

Blasco Ibáñez - crédits : Henry Guttmann Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Blasco Ibáñez

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.

    • Écrit par Marie-Ève THÉRENTY
    • 7 758 mots
    • 6 médias
    ...la sociabilité ancienne des salons et des cénacles dont l’objectif est de renforcer des esthétiques émergentes se voit concurrencée par une société de cafés et de cabarets. À partir des années 1870, les estaminets du quartier Latin et de Montmartre connaissent une grande effervescence, manifeste dans...

Voir aussi