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CAFÉS LITTÉRAIRES

Les cafés littéraires en Europe : une définition introuvable

Il semble plus facile de dire ce qu'un café littéraire n'est pas plutôt que de circonscrire son essence. Le qualificatif de « littéraire » qui accompagne les cafés mémorables est désormais un terme consacré, mais qui s'avère trop restrictif. Si les hommes de lettres ont fréquenté les cafés dès leur apparition, s'ils en ont souvent fait leur second domicile, aussi bien en Orient qu'en Occident, ils ont vite été rejoints par les représentants des autres domaines de la création, des arts dramatiques aux arts plastiques, et aussi par tous ceux qui ont à voir de près ou de loin avec ces milieux, comme les marchands de tableaux, les libraires, les éditeurs, les collectionneurs, les échotiers, etc. Les philosophes, les universitaires et les scientifiques y ont droit de cité, tout comme les idéologues, les hommes politiques et même les théologiens. Ces établissements ont constitué à un degré ou à un autre, une manière de bureaux académiques, faits pour y échanger des opinions et y confronter des idées le plus librement du monde. Chaque époque, chaque culture, chaque ville, chaque quartier parfois a produit une typologie particulière des maisons de café, avec une multitude de variantes originales. En sorte que la notion même de café littéraire, qui évoque immédiatement un lieu d'exception ayant joué un rôle dans la vie culturelle d'un pays à un moment donné de son histoire, recouvre des situations très diverses, et en apparence contradictoires.

Un espace alternatif

Dans une large mesure, les cafés ont servi d'alternative aux cours princières, aux ruelles du xviie siècle, puis aux salons de l'aristocratie du xviiie siècle et de la majeure partie du xixe siècle, le plus souvent régis par les femmes. Ce gouvernement féminin sur la vie intellectuelle a été fustigé par Molière dans ses Femmes savantes : cette pièce satirique permet de voir que les rites en usage dans ces cénacles, qui fonctionnent comme des parodies de cours, sont critiqués, même si leur rôle dans la société savante et lettrée est déterminant. Depuis la fin du Moyen Âge, les poètes, de Jacques Villon à Théophile de Viau, fréquentent des tavernes ou des cabarets assez mal famés, où les joutes poétiques cèdent parfois le pas à de véritables rixes sinon à des duels. L'introduction des maisons de café permet à la bonne société d'y pénétrer sans crainte de déchoir et d'y avoir ses habitudes dans un décor élégant, mais délivré du poids des convenances, comme le souligne De Mailly dans ses Entretiens dans les cafés de Paris et des différends qui y surviennent (1702) : « Les cafés sont des lieux fort agréables où l'on trouve toutes sortes de gens de différents caractères [...] Quel divertissement pour les gens d'esprit de voir des originaux s'ériger en arbitres du bon goût. »

Réunions et banquets

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

Les cercles littéraires qui se constituent dans les cafés sont, en règle générale, informels, plus dépendants des affinités électives que de tout autre critère. Mais des réunions organisées à dates fixes y ont lieu, sous la forme de dîners littéraires, comme les dîners Bixio au Café Anglais, ou de rencontres hebdomadaires, comme celles qui ont lieu autour de Jean Moréas au Café Vachette, ou encore les mardis de Paul Fort à La Closerie des Lilas. Entre les deux guerres, les surréalistes élisent le Café Cyrano, près du Moulin Rouge. À Madrid, ce sont les tertulias de Ramón Gómez de la Serna au Café de Pombo, à Londres, les réunions où Samuel Pepys vient écouter John Dryden à la Tom's Coffee House, ou les séances de l'Apollo Club à la Devil'sTavern, fréquentée par Jonathan Swift. À Lisbonne, Fernando Pessoa retrouve ses amis au Café Brasilera. À Leipzig, Goethe reçoit à la HandelscheKaffehaus[...]

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Pour citer cet article

Gérard-Georges LEMAIRE. CAFÉS LITTÉRAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Walter Gropius et Le Corbusier - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Walter Gropius et Le Corbusier

Blasco Ibáñez - crédits : Henry Guttmann Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Blasco Ibáñez

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

Autres références

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.

    • Écrit par Marie-Ève THÉRENTY
    • 7 758 mots
    • 6 médias
    ...la sociabilité ancienne des salons et des cénacles dont l’objectif est de renforcer des esthétiques émergentes se voit concurrencée par une société de cafés et de cabarets. À partir des années 1870, les estaminets du quartier Latin et de Montmartre connaissent une grande effervescence, manifeste dans...

Voir aussi