Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MÉRIMÉE PROSPER (1803-1870)

Contemporain des grands romantiques français, Mérimée n'a eu de cesse de se distinguer d'eux. Sans doute l'influence de Stendhal, de vingt ans son aîné et son meilleur ami, a-t-elle joué en faveur d'un scepticisme, d'une désinvolture, qui n'étaient pas dans le ton de l'époque et les rattachaient tous deux au xviiie siècle rationaliste. Mérimée portait une bague avec cette devise : « Souviens-toi de te méfier. »

Ennemi de toute sensiblerie, Mérimée reste cependant romantique par le choix des sujets de son théâtre, de ses nouvelles et de son unique roman, Chronique du règne de Charles IX. Écrivain précoce, il ne sera pas qu'un homme de lettres. Il consacre la plus grande partie de sa vie à la sauvegarde et à la restauration des chefs-d'œuvre de l'art gothique et même roman. Cette activité, à laquelle s'ajoutera, sous Napoléon III, une vie d'homme de cour, ne l'empêche pas de donner, à quarante-quatre ans, son chef-d'œuvre, Carmen, suivi d'autres nouvelles, dont l'admirable Lokis, récit qui prouverait assez que Mérimée appartient au romantisme et à ses ombres.

Un libéral conservateur

Comme les autres romantiques, Mérimée, né à Paris, a grandi, s'est formé sous la Restauration avec la nostalgie de la Révolution et de Napoléon. Son père, bonapartiste, était un peintre néo-classique devenu secrétaire de l'École des beaux-arts. Milieu tout à la fois artiste et fonctionnaire que Prosper Mérimée, au fond, ne trahira pas.

S'il fait sérieusement ses études de droit, il pense, comme les jeunes gens les plus doués de la génération de 1820, que la seule carrière qui lui soit ouverte est celle des lettres. Il a rencontré Stendhal, rentré d'Italie, en 1822. Il le retrouve, en même temps que Delacroix, dans les salons libéraux-bonapartistes (où l'on s'exclamait « sur la bêtise des Bourbons »), et surtout dans le « grenier » de E. Delécluze, peintre raté et critique d'art (1781-1863), où, en 1825, à vingt-deux ans, Mérimée lit trois pièces de théâtre : Les Espagnols en Danemark, Le Ciel et l'enfer et Une femme est un diable, écrites sous l'influence des comedias du Siècle d'or espagnol.

C'est peut-être de Stendhal qu'il tient le goût des pseudonymes et des mystifications puisque, lorsqu'il publie ces pièces et celles qui suivent, il les attribue à une femme de lettres espagnole imaginaire, Clara Gazul – ce qui, par ailleurs, lui évite des ennuis avec la censure. Ce Théâtre de Clara Gazul est vraiment excellent. Toutes ces pièces, insolentes, rapides, intelligentes, sont trop peu jouées – à l'exception du Carrosse du Saint-Sacrement (écrit en 1828 et joué pour la première fois en 1850). L'une d'elles, La Jacquerie – sur les révoltes de paysans au Moyen Âge –, témoigne même d'une ambition dramaturgique plus grande que celle de ses contemporains.

Mérimée a vingt-sept ans quand il publie son premier et unique roman, cette Chronique du règne de Charles IX, roman de cape et d'épée, mais dont les intentions idéologiques ne sont pas absentes. En situant sa « chronique » au temps des guerres de religion, Mérimée donne une leçon de tolérance, de liberté, en même temps que de libertinage : les discussions théologiques ont lieu dans les alcôves.

Au même moment, ses premières nouvelles, réunies plus tard sous le titre de Mosaïque (1833), témoignent d'une diversité d'inspiration et d'une précision dans l'expression qui font de Mérimée le véritable classique du romantisme. Mateo Falcone, histoire corse, Tamango, aventure d'un esclave noir, La Vision de Charles XI, première approche du surnaturel à travers l'aventure d'un roi de Suède, et les autres nouvelles du recueil précèdent de peu ce petit chef-d'œuvre, [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur des services culturels et critique dramatique au Nouvel Observateur

Classification

Pour citer cet article

Guy DUMUR. MÉRIMÉE PROSPER (1803-1870) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Carmen</it>, Prosper Mérimée - crédits : De Agostini/ Getty Images

Carmen, Prosper Mérimée

Autres références

  • CARMEN, Prosper Mérimée - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 039 mots

    Court roman ou longue nouvelle, Carmen a d'abord paru dans la Revue des Deux Mondes en octobre 1845, avant d'être publiée en volume chez Michel-Lévy à Paris en 1847, sans grand succès. À lire les quatre lettres publiées par Prosper Mérimée (1803-1870) au retour de son premier voyage...

  • BIZET GEORGES - (repères chronologiques)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 532 mots
    • 5 médias

    25 octobre 1838 Georges (Alexandre-César-Léopold) Bizet naît à Paris.

    1855 Bizet compose une Symphonie en ut majeur, qui ne sera découverte qu'en 1933, dans la collection Bizet du Conservatoire de Paris. Cette symphonie est créée le 26 février 1935 par l'Orchestre symphonique de...

  • CONSERVATION DES ŒUVRES D'ART

    • Écrit par Germain BAZIN, Vincent POMARÈDE
    • 6 744 mots
    • 4 médias
    En 1840, Mérimée confie à un architecte des bâtiments civils, âgé de vingt-six ans, Viollet-le-Duc, la restauration de l'église abbatiale de Vézelay, en si mauvais état qu'on songeait à la démolir. Viollet-le-Duc la sauvera, en s'inspirant du système d'équilibre des constructions du Moyen Âge, qu'il...
  • DON JUAN

    • Écrit par Michel BERVEILLER
    • 5 639 mots
    De cette conversion à l'amour vrai à la conversion religieuse, il n'y avait qu'un faible intervalle ; curieusement, c'est à l'agnostique Prosper Mérimée qu'il appartient de l'avoir franchi dans son conte Les Âmes du Purgatoire (1834). Il reprenait l'histoire à demi légendaire de don Miguel...
  • FRANCE (Arts et culture) - Le patrimoine

    • Écrit par Nathalie HEINICH
    • 6 813 mots
    • 2 médias
    ...diverses enquêtes préfectorales, elle ne sera véritablement professionnalisée qu'avec les innombrables tournées d'inspection effectuées, de 1834 à 1860, par Mérimée dans les provinces françaises ; et elle ne sera institutionnalisée qu'un siècle plus tard avec la création en 1964, à l'initiative d'...

Voir aussi