FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.
Encadré par la Révolution française qui affirme l’autonomie de l’individu et par l’affaire Dreyfus qui consacre la figure de l’intellectuel, le xixe siècle occupe une place tout à fait particulière dans l’histoire littéraire parce qu’il voit le passage de la tradition des belles-lettres à la définition moderne de la littérature, moins extensive que la précédente et visant à une certaine indépendance. Elle se détache en effet des anciennes belles-lettres qui comprenaient l’éloquence, la morale, la philosophie, la grammaire et même l’ensemble des sciences. En même temps, jamais la littérature, à un moment où les écrivains sont contraints d’écrire pour vivre, n’a été aussi fortement liée à son contexte et à ses supports (le livre, la scène, la presse…). Le siècle voit donc le sacre paradoxal de l’écrivain : il devient prophète pour l’ensemble de la société au moment même où il découvre sa malédiction.
La littérature redéfinie
Le champ de la littérature se réduit au cours du xviiie siècle. Une acception dorénavant restrictive du terme, compris comme « art de penser et de s’exprimer », est établie dès l’essai de Germaine de Staël, De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800) et ce périmètre va encore diminuer avec l’entrée dans la modernité. Mais l’affaiblissement potentiel de la littérature consécutif à ce resserrement est contredit par d’autres tendances. D’abord, la littérature va s’ouvrir aux nouveaux champs du savoir (l’histoire, la sociologie, la psychologie et les progrès des sciences) et s’en nourrir, particulièrement dans le roman. Ensuite, la littérature, sous la IIIe République, est investie par le pouvoir politique pour devenir le socle de l’idéologie républicaine et de la nation par le biais de l’institution scolaire. Enfin, elle est d’autant plus mythifiée et sacralisée au cours du siècle qu’elle impose, par l’entremise notamment des poètes, une définition d’elle-même comme pratique détachée des missions ordinaires du langage, selon une représentation dont Stéphane Mallarmé (1842-1898) pourrait être le symbole.
Au xixe siècle, la littérature excède les trois grands genres – le roman, le théâtre, la poésie – qui la caractérisent généralement depuis cette époque. Si ce siècle, réputé dans l’histoire littéraire pour sa grande querelle sur le drame (autour de Hernani de Victor Hugo), fait du roman le genre apte par excellence à dévoiler le social et redéfinit la poésie comme un geste essentiellement lyrique, il se caractérise aussi par une littérature d’idées vigoureuse (Auguste Comte, Charles Fourier, Ernest Renan, Hippolyte Taine, Jules Michelet), à la jonction du politique, du religieux, et du philosophique, par l’essor des genres autobiographiques et par le dynamisme d’une production fantaisiste, fondée sur la chanson, le sketch, la caricature. L’histoire littéraire a souvent minoré l’importance de cette réalité médiatique et discursive, qu’elle soit sérieuse ou blagueuse, et qu’il faut aussi comprendre sous le terme de littérature. L’entrée dans la civilisation du journal, des industries culturelles et des médias est un des facteurs clés qui explique l’évolution de la littérature jusqu’à nos jours.
À partir du romantisme, l’ensemble de la littérature se vit selon la modalité historique de la rupture, désignée depuis la seconde moitié du siècle sous le terme « modernité ». « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable » (Charles Baudelaire). Les œuvres modernes rassemblent plusieurs traits distinctifs : la rupture par rapport aux traditions, l’accent mis sur le présent et l’individu, le rapport avec la ville, l’industrie et la technologie. À la conception classique et[...]
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Écrit par
- Marie-Ève THÉRENTY : professeure des universités, université Paul-Valéry Montpellier 3, membre senior de l'Institut universitaire de France
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