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BOURGEOISIE FRANÇAISE

Le règne de Louis XIV, règne de la bourgeoisie

Saint-Simon définissait l'époque du roi Louis XIV comme « un long règne de vile bourgeoisie ». À cet observateur sagace n'échappait pas cette vérité que par la suite nombre d'historiens devaient perdre de vue : le xviie siècle représente une période d'apogée pour la bourgeoisie française. Le bouleversement révolutionnaire, avec les changements radicaux qu'il apportait dans les institutions de droit public, a masqué la permanence qu'on peut observer aussi quant à cette prépondérance de la classe bourgeoise. Une constatation s'impose lorsqu'on examine les noms qui comptent dans l'entourage de Louis XIV : ce sont tous des noms de grands bourgeois, qu'il s'agisse de la haute magistrature avec les Molé, les Séguier, les Pomponne de Bellièvre, de la haute administration avec Colbert et son fils Seignelay, Le Tellier et son fils Louvois ; il en est de même dans le domaine de la pensée avec Descartes, Arnauld, Perrault, Pascal, Fontenelle ; dans le domaine des lettres, Chapelain comme Boileau, Corneille comme Racine, Molière, La Bruyère appartiennent à la bourgeoisie ; deux noms seulement représentent la noblesse : La Rochefoucauld et Fénelon ; un le clergé : Bossuet ; Mme de Sévigné elle-même descend des avocats Frémyot. Galerie éblouissante, aussi éblouissante que le palais de Versailles construit par des architectes issus de la bourgeoisie : un Mansart, un Le Vau, un Le Nôtre. La noblesse ne joue dans ce règne qu'un rôle militaire avec Condé ou Turenne, ou un rôle décoratif par la foule des courtisans qui composent la cour du Roi-Soleil. Elle n'exerce aucun rôle actif dans les rouages de la nation. Et la noblesse rurale, demeurée sur ses terres, ne sera que la cible des moqueries que résume au théâtre Monsieur de Pourceaugnac. Dans l'État centralisé ne compte que ce qui peut être objet de la faveur royale ; c'est de cette époque que date l'antagonisme entre Paris et province.

La noblesse de robe

L'ambition de la bourgeoisie avait été, jusqu'alors, de se hausser par la fortune à la noblesse. Cette ambition s'est réalisée avec la noblesse de robe : les charges au Parlement anoblissent leurs titulaires ; or la « vénalité des offices », objet de critiques et de contestations au siècle précédent, est désormais admise : le traitant (financier) Paulet, en 1602, a fait accepter par le roi la vénalité et l'hérédité des charges d'État ; moyennant une contrepartie fiscale, le bourgeois qui achète sa charge peut désormais la transmettre par héritage. Ainsi se constitue dans la nation un corps de fonctionnaires jouissant d'une certaine autonomie ; seules les charges très importantes restent à la nomination du roi : premier président, procureur et avocat général au Parlement.

Alors que la noblesse d'épée joue désormais un rôle purement honorifique, la noblesse de robe exerce un pouvoir réel ; tout le haut personnel de l'État : maison du roi, affaires étrangères, administration de la marine et de la guerre, chancellerie, secrétairerie d'État, sera recruté parmi ses membres. La « grande robe » est formée des conseillers d'État et titulaires des hautes charges au Parlement ; ses membres remplissent les conseils du roi. La « moyenne robe », importante surtout en province, comprend les conseillers des parlements de province, les lieutenants de baillaige et de sénéchaussée. Enfin, la « petite robe » est celle des avocats, notaires, greffiers et procureurs. Le corps des intendants, par lequel la volonté royale s'exprime dans l'ensemble du royaume, se recrute lui aussi parmi les membres du Parlement. Tout cela ne s'est pas accompli sans troubles et ce Parlement aura une première fois l'occasion de manifester sa puissance dans la première moitié du [...]

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Écrit par

  • : archiviste paléographe, conservateur aux Archives nationales
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Régine PERNOUD. BOURGEOISIE FRANÇAISE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AGUESSEAU HENRI FRANÇOIS D' (1668-1751)

    • Écrit par Jehan de MALAFOSSE
    • 757 mots

    Contrairement à ce que l'on croit souvent, il ne faut pas s'exagérer l'importance de la coupure entre l'Ancien Régime et la Révolution. Si bon nombre d'aristocrates, selon une phrase célèbre, se sont réveillés avec Voltaire en pleine fermentation révolutionnaire, il n'en a pas...

  • ANCIEN RÉGIME

    • Écrit par Jean MEYER
    • 19 103 mots
    • 3 médias
    Face à cette noblesse retranchée derrière ses privilèges menacés et discutés, la bourgeoisie subit la grande mue. E. Labrousse a pu dire que la Révolution était d'abord un fait urbain, qui se comprend à partir de la croissance accélérée des villes au cours du xviiie siècle. C'est souligner...
  • ARON JEAN-PAUL (1925-1988)

    • Écrit par Jean BORIE
    • 830 mots

    Né avec une vocation « littéraire » dans une famille de médecins et de biologistes, Jean-Paul Aron ne réagit pas à la manière de Flaubert – que pourtant il admirait beaucoup.

    Au contraire, après avoir réussi à l'agrégation de philosophie en 1953, il songe immédiatement à une thèse...

  • BIEN, sociologie

    • Écrit par Michel LALLEMENT
    • 627 mots
    • 1 média

    La science économique a longtemps revendiqué avec succès le monopole légitime de l’analyse des biens. Dans sa version dominante, elle rend compte de la production et de l’appropriation d’un bien privé, qu’il s’agisse d’une tomate ou d’un soin dentaire, en suivant les règles d’une institution,...

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Voir aussi