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BERNIN GIAN LORENZO BERNINI dit LE CAVALIER (1598-1680)

Le grand ordonnateur des arts

Villa Rospigliosi, Borgo di Lamporecchio - crédits :  Bridgeman Images

Villa Rospigliosi, Borgo di Lamporecchio

En 1623, le cardinal Barberini devient pape sous le nom d'Urbain VIII. Le jour de son élévation, le nouveau pontife aurait appelé Bernin pour lui dire : « Vous avez beaucoup de chance, Cavalier, de voir le cardinal Maffeo Barberini pape, mais nous avons plus de chance encore d'avoir sous notre pontificat le cavalier Bernin. » Sous ce long pontificat (1623-1644), Bernin est le « grand ordonnateur des arts », le pape l'incitant à étudier la peinture et l'architecture, pour qu'il devienne son nouveau Michel-Ange. Urbain VIII souhaita ainsi, sans succès, qu'il peigne à fresque le vestibule du nouveau Saint-Pierre. On a dit que Bernin avait peint plus de cent cinquante tableaux ; la plupart sont curieusement perdus et la peinture tient dans son œuvre une place secondaire. En revanche, il déploya une activité d'architecte qu'il poursuivit jusqu'à sa mort.

Place Saint-Pierre, Rome - crédits : John Lamb/ Getty Images

Place Saint-Pierre, Rome

Bernin dessine ainsi le nouveau portique de l'église Santa Bibiena (1624-1626), pour laquelle il sculpte aussi une statue de Sainte Viviane destinée à être placée dans une niche au-dessus du maître-autel. Mais son grand projet est le chantier de Saint-Pierre, qui l'occupe pratiquement jusqu'à sa mort. Il dessine le Baldaquin de marbre et de bronze qui se trouve sous le dôme à l'emplacement du tombeau de saint Pierre (1624-1633), et la décoration des quatre grands piliers qui supportent le dôme ; il y conçoit le projet de quatre statues colossales destinées à célébrer les reliques les plus précieuses de la basilique, se réservant l'exécution du Saint Longin dont le geste spectaculaire et le large plissé conviennent pour une vision à distance (1629-1638). Il dessine les clochers qui devaient encadrer la façade de Maderno (1637), mais la tour sud se fissura, fut abattue en 1646, et les clochers ne furent jamais réalisés. En disgrâce au début du pontificat d'Innocent X Pamphili (1644-1655), le Cavalier garde la conduite du chantier de Saint-Pierre, dirigeant la décoration des écoinçons des arcs de la nef par des figures de Vertus, travail quasiment achevé par une armée de sculpteurs pour le jubilé de 1650. Sa maîtrise est telle que le pape, plus proche de Borromini, mais reconnaissant néanmoins qu'il est « né pour traiter avec les plus grands princes », lui demande un buste (vers 1647) et lui confie la réalisation de la Fontaine des Quatre-Fleuves, place Navone, sous les fenêtres du palais familial Pamphili (1648-1651). Bernin y pousse plus loin encore la virtuosité anthropomorphe de la Fontaine du Triton (1642-1643), place Barberini. Sous le pontificat d'Alexandre VII Chigi (1655-1667), qui veut renouer avec la grande politique d'Urbain VIII et lui rend toute sa confiance, le Cavalier exécute le dessin de la place Saint-Pierre (1656-1667). Ce parvis monumental, destiné à contenir la foule des pèlerins lors des bénédictions urbi et orbi, rappelle la grandeur de la Rome antique et s'inspire peut-être du cortile Baccanario, péristyle qui servait de parvis au prétendu temple de Bacchus, en fait mausolée de Sainte-Constance, gravé par Serlio. Presque en même temps, Bernin conçoit dans l'abside un monument destiné à porter la chaire de saint Pierre (1657-1666) ; symbole du pouvoir pontifical et exaltation de la cathedra Petri, elle est soutenue par les quatre Pères de l'Église (1657-1666). Pour le palais du Vatican, le Cavalier dessine la Scala regia (1663-1666), qu'il orne d'une statue équestre de Constantin (1654-1670) et qu'il anime d'une colonnade en perspective accélérée comme Borromini l'avait fait au palais Spada (1652). Mais s'il imite ici Borromini, son architecture prend généralement le contre-pied de celle de son rival, dont il condamne le « libertinage » architectural, déclarant qu'il « préfère un mauvais catholique à un bon hérétique ». Lorsqu'il s'inspire[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Claude MIGNOT. BERNIN GIAN LORENZO BERNINI dit LE CAVALIER (1598-1680) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Autoportrait</it> du Cavalier Bernin - crédits :  Bridgeman Images

Autoportrait du Cavalier Bernin

Énée, Anchise et Ascagne fuyant Troie, Bernin - crédits : AKG-images

Énée, Anchise et Ascagne fuyant Troie, Bernin

L'Enlèvement de Proserpine, Bernin - crédits : Mondadori Portfolio/ Hulton Fine Art Collection/ Getty Images

L'Enlèvement de Proserpine, Bernin

Autres références

  • BERNIN À ROME - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 198 mots

    1619-1625 Statues pour les jardins de la Villa Borghèse.

    1624-1626 Façade de l'église Santa Bibiana.

    1624-1633 Baldaquin de la basilique Saint-Pierre ; début de l'élaboration de la décoration des quatre piliers intérieurs qui supportent le dôme (statue de Saint Longin, 1629-1638)....

  • PLACE SAINT-PIERRE, BERNIN (Rome)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 191 mots
    • 1 média

    La colonnade colossale de la place Saint-Pierre, à Rome, couronne plus de quarante ans d'activités de Bernin au service de la papauté. Sous le long pontificat d'Urbain VIII Barberini (1623-1644), il est le « grand ordonnateur des arts » dès l'élection du nouveau pape. L'essentiel de son travail...

  • ALGARDE ALESSANDRO ALGARDI dit (1595-1654)

    • Écrit par Georges BRUNEL
    • 411 mots
    • 2 médias

    Alessandro Algardi reçut sa formation dans l'académie fondée par les Carrache, et qu'animait alors le seul Ludovic. Il s'établit à Rome en 1625, sous la protection du cardinal Ludovisi, fréquentant familièrement le Dominiquin, son compatriote. Occupé d'abord à des travaux...

  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    ...dont les artistes du xviie et du xviiie siècle ont décoré les églises. L'exemple le plus remarquable est celui de la chaire de saint Pierre. Bernin y travailla de 1657 à 1666. Au-dessus des quatre Pères de l'Église qui donnent l'impression d'avancer vers le baldaquin en escortant le trône du...
  • BACICCIA GIOVANNI BATTISTA GAULLI dit (1639-1709)

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 198 mots

    À Gênes, Baciccia étudie les œuvres de Perino del Vaga, de Barocci et aussi celles de Rubens, de Van Dyck, avant de partir pour Rome en 1657. Attiré par Bernin, alors au faîte de sa gloire, mais désormais occupé exclusivement d'architecture, Baciccia adhère totalement à sa vision plastique....

  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    Architecte, peintre et sculpteur, tel est le Bernin (1598-1680), qu'en son temps on célèbre comme le nouveau Michel-Ange, et dont la réputation, diffusée par le dessin et la gravure, s'étend à toute l'Europe, rejetant un peu injustement au second plan son rival et contemporain Borromini (1599-1667),...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi