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ARAWAKS & KARIBS

Arawaks et Karibs n'ont cessé d'alimenter en stéréotypes, depuis le xvie siècle, une vision occidentale, extérieure, ethnologique et anthropologique de l'espace des Caraïbes. Ces aborigènes signalés par Christophe Colomb dès son premier voyage ont fourni à la littérature, au cinéma, à la presse et à l'historiographie coloniale le thème obsédant du cannibalisme. Au service du roi de France, le capitaine florentin Giovanni da Verrazzano aurait fait escale en juillet 1528 en Guadeloupe. À peine aurait-il débarqué avec quelques marins qu'aurait surgi un groupe d'indigènes qui les auraient criblés de flèches et se seraient saisi d'eux. Les équipages de trois vaisseaux auraient assisté horrifiés au festin des cannibales qui dévorèrent leurs amis.

Le mythe

Scène d'anthropophagie au Brésil - crédits : AKG-Images

Scène d'anthropophagie au Brésil

Après Christophe Colomb, le franciscain André Thevet, avec Nicolas de Villegagnon en 1555-1556 et le Hessois Hans Staden, prisonnier des Tupinamba en 1557 au Brésil, laissèrent des témoignages. Les illustrations de Théodore de Bry du récit du voyage en Floride de Jacques Le Moyne popularisèrent les scènes de cannibalisme dans l'opinion publique européenne.

L'opposition Karibs/Arawaks, la supériorité des Arawaks sur les Karibs, leurs dissemblances, comme leur cannibalisme supposé, posent des questions aux historiens. Car, au-delà des anecdotes, des scénarios de films d'horreur et des images stéréotypées, la recherche historique exige une enquête et des réponses claires. Une question se pose au préalable : qu'en est-il exactement de ces Karibs et Arawaks ?

Une première réponse peut être fournie par un examen minutieux des documents archéologiques et par la critique des données anthropologiques. Ces premiers et principaux acteurs de l'histoire des Caraïbes se dérobent. Ils n'ont pas laissé de témoignage écrit de leurs activités. L'historien est donc renvoyé à la consultation des sources disponibles qui ont déjà suscité maintes controverses. L'importance de la critique des documents espagnols, en particulier des relations de ceux qui rencontrèrent les premiers ces indigènes, n'a pas été suffisamment soulignée. Les sources doivent être replacées dans leur contexte historique. Christophe Colomb, qui souhaitait accréditer l'idée qu'il s'était rendu en Asie auprès des souverains catholiques espagnols, dut recréer le monde mythique popularisé par Marco Polo. Dans cet univers légendaire d'îles, de monstres, de magie, héritage de la géographie arabo-musulmane, s'ébauchèrent les premières visions de la dualité Karibs/Arawaks.

Des îles Karibs, dominées par les hommes, des guerriers belliqueux, se distinguèrent des îles Arawaks, habitées par des femmes, des Amazones ou des monstres femelles... Les deux communautés, karib et arawak, sortirent progressivement des limbes de la géographie médiévale et devinrent réalité.

Les monarques espagnols permirent par décret en 1503 aux colons de réduire les indigènes en esclavage pourvu qu'ils fussent des Karibs. Aussi ce fameux décret eut-il une profonde répercussion sur l'évolution du mythe. Toutes les populations qui résistèrent à la conquête espagnole entrèrent dans la catégorie des Karibs, les autres devenant Arawaks, ces « mangeurs de farine » dont on glorifia le pacifisme.

Arawaks et Karibs se laissent mieux cerner et livrent quelques-uns de leurs mystères quand on les étudie sous l'éclairage multiple de l'archéologie, de l'histoire, de l'anthropologie et de la linguistique.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques

Classification

Pour citer cet article

Oruno D. LARA. ARAWAKS & KARIBS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Scène d'anthropophagie au Brésil - crédits : AKG-Images

Scène d'anthropophagie au Brésil

Autres références

  • AMÉRINDIENS - Amazonie et Guyanes

    • Écrit par Simone DREYFUS-GAMELON, Universalis
    • 5 651 mots
    • 2 médias
    L'homogénéité déjà signalée des cultures amazoniennes s'accompagne d'une étonnante diversité linguistique. Outre les principales familles (Arawak, Carib, Tupi-Guarani, , Pano, Tukano) différenciées dialectalement, de nombreuses langues isolées constituent une impressionnante mosaïque....
  • BAHAMAS

    • Écrit par E. Paul ALBURY, Universalis, David Russell HARRIS, Gail SAUNDERS
    • 1 916 mots
    • 3 médias
    ...dénommée aujourd'hui Watling, soit de Samana Cay, soit de l'île Cat. Les indigènes des Bahamas, que Christophe Colomb appelle Lucayans, sont des Indiens Arawak, qui vivent également dans les Grandes Antilles. Près de quarante mille d'entre eux sont déportés par les Espagnols, entre 1492 et 1508, dans les...
  • CIBONEY

    • Écrit par Agnès LEHUEN
    • 243 mots

    Population indienne de la mer des Caraïbes, les Ciboney habitent les îles d'Hispaniola et de Cuba ; leur nom vient de l'arawak et signifie « ceux qui habitent des grottes ». À l'époque des premiers contacts avec les Européens, ils furent relégués dans les régions retirées de ces îles par...

  • COLOMBIE

    • Écrit par Universalis, Marcel NIEDERGANG, Olivier PISSOAT, Clément THIBAUD
    • 13 648 mots
    • 5 médias
    ...plutôt indépendantes les unes des autres, relevaient de trois familles ethno-linguistiques : les Karibes sur la côte atlantique et son arrière-pays ; les Arawaks – petits groupes épars proches de l'autarcie – dans les Llanos et en Amazonie ; et les Chibchas, dans la Sierra Nevada de Santa Marta, la cordillère...
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Voir aussi