POLO MARCO (1254 ou 1255-1324)
Le xiii e siècle est un grand siècle d'internationalisme. Les armées mongoles, parties de Karakorum, envahissent d'une part la Chine et de l'autre l'Asie centrale, l'Asie Mineure et la partie orientale du monde chrétien. En réunissant sous leur sceptre des régions appartenant à des aires de civilisations aussi différentes, les conquérants des steppes créent une situation exceptionnelle dans l'histoire du monde. L'absence de frontières d'un bout à l'autre de l'Asie, la paix relative qui y règne, la sécurité des routes et des ports, l'existence d'une lin gua franca suscitent un intense courant d'échanges de biens et de personnes.
Grâce à certains envoyés, chinois ou européens, qui ont laissé les rapports de leurs voyages, on peut établir les itinéraires principaux selon les époques. Mais les rares personnes dont l'histoire a conservé les noms ne doivent pas faire oublier les innombrables inconnus, soldats, religieux, marchands, qui, circulant inlassablement sur ces routes, ont joué un rôle essentiel dans le développement des contacts entre les civilisations.
Un fonctionnaire de l'empereur mongol en Chine
Marco Polo est né dans une famille de riches marchands vénitiens. Entraînés par les circonstances au-delà de leurs activités commerciales, son père et son oncle s'étaient rendus en 1265 à Pékin, à la cour du khan Kubilai, fondateur en Chine de la dynastie mongole des Yuan. Considérés comme les représentants de la chrétienté, les Polo prennent le chemin du retour à travers l'Asie centrale, porteurs d'une lettre du khan pour le pape. En 1271, emmenant avec eux le jeune Marco, ils quittent à nouveau Venise, munis de présents et d'un message du pape pour le khan Kubilai. Ils arrivent à Pékin en 1275. L'empereur Kubilai les retient à sa cour et les engage à son service. Ils y restent dix-sept années. L'administration mongole, éloignant du pouvoir l'élite intellectuelle autochtone, emploie en effet, de préférence, des fonctionnaires d'origine étrangère en Chine conquise. C'est pourquoi Marco Polo, qui travaille en Chine pour les conquérants mongols, ignore tout de la langue, de l'écriture et des coutumes chinoises. Beaucoup de noms propres chinois ne lui sont connus qu'en persan ou en mongol, langues qu'il maîtrise parfaitement. On ignore quelles furent exactement ses fonctions, car il ne donne aucun détail sur ses activités, et les annales chinoises ne le mentionnent pas. On sait seulement par son récit qu'il se rendit en mission en Chine du Sud-Ouest, et peut-être au Champa et à Ceylan. Il séjourna pendant trois ans dans la grande ville méridionale de Hangzhou, où il remplissait des tâches administratives. En 1291, il est autorisé à quitter l'empire Yuan avec ses deux parents, afin d'accompagner, par la route maritime, une importante ambassade qui conduit au khan de Perse une princesse du clan de Kubilai. S'étant acquittés de cette mission, ils sont enfin de retour à Venise en 1295, après vingt-cinq années d'absence.
Pendant la guerre contre Gênes en 1298, Marco Polo est fait prisonnier. Il met à profit cette réclusion de trois ans pour raconter ses souvenirs de voyage à son compagnon de prison, Rusticien de Pise, romancier à la mode. Rédigé en français, c'est Le Livre de Marco Polo. La variété des pays décrits, la puissante organisation de la Chine, les trésors de l'Inde ont tant surpris l'Europe médiévale qu'on a longtemps cru que le Vénitien fabulait. Mais, depuis que les recherches ont permis de comparer les récits de Marco Polo à d'autres sources, on ne peut que reconnaître l'esprit d'observation, la probité intellectuelle, la prodigieuse mémoire et la largeur de vues sans prétention du grand voyageur.
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Écrit par
- Delphine BAUDRY-WEULERSSE : maître assistant de littérature chinoise à l'université de Paris-VIII
Classification
Pour citer cet article
Delphine BAUDRY-WEULERSSE, « POLO MARCO (1254 ou 1255-1324) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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