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MUSÉE

Vers l’universalité

Le xixe siècle connut par ailleurs un élargissement considérable du champ d'activité des musées : vers 1900, en effet, ceux-ci « couvraient » déjà presque tous les domaines de la réalité, de la nature aux activités humaines. Dans ce cadre, une place particulière doit être réservée aux musées d'histoire qui, pour la plupart, venaient servir des desseins politiques : sauvegarde de l'identité nationale dans les pays dominés par des puissances étrangères (Musée polonais fondé vers 1800-1810 par la princesse Czartoryska dans son château de Pulawy, au sud-est de Varsovie) ; et, bien sûr, légitimité et prestige d'une dynastie, d’un régime ou d’une nation. Ainsi, le musée de Versailles, qui est consacré « à toutes les gloires de la France » par Louis-Philippe (1837), soucieux de réconcilier par cette fondation symbolique toutes les sensibilités de l'opinion (républicains, légitimistes, orléanistes, bonapartistes), le musée de l'Armée (1850-1856), le Trésor impérial de Vienne (1871)… Voulu par Napoléon III, le musée des Antiquités nationales, installé dans le château de Saint-Germain-en-Laye (1867) et devenu musée d’Archéologie nationale, première grande collection française d'archéologie préhistorique, protohistorique et gallo-romaine, constitue un apport méconnu du Second Empire au « récit national » des origines de la France.

Les progrès incessants de l'industrialisation, la découverte de techniques de fabrication nouvelles, plus productives et plus économiques, entraînèrent également la fondation de musées d'art industriel, dits aussi d'art appliqué ou d'art décoratif, destinés à montrer l'évolution des machines et des procédés et à stimuler la confiance dans le modernisme contre le sentiment déjà très répandu d'une décadence par rapport aux métiers traditionnels et d'une baisse de qualité des produits fabriqués. L'organisation de grandes expositions universelles visait le même but, et c'est à la suite de celle de Londres, en 1851, que fut créé le Victoria and Albert Museum. À Paris, l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD), à l’origine du musée des Arts décoratifs (aujourd’hui, le MAD), installé dans l’aile du pavillon de Marsan au Louvre, est fondée en 1882 par des collectionneurs et des industriels désireux de mettre en valeur les arts appliqués en créant des liens entre industrie et beaux-arts pour « entretenir en France la culture des arts qui poursuivent la réalisation du beau dans l’utile ». Tous les secteurs de l'industrie et de la découverte, jusqu'au chemin de fer, à l'automobile, à l'aéronautique et à l'aérospatiale, à une époque plus récente, devaient peu à peu donner lieu à de telles réalisations (le musée de l’Air et de l’Espace, au Bourget, l’un des plus grands du monde, fondé en 1919, récemment rénové ; le National Air and Space Museum de Washington, ouvert en 1976…).

La lente disparition de l'habitat, des usages et des techniques ancestrales propres aux populations rurales, l'exode vers les villes, autres conséquences de l'industrialisation, suscitèrent enfin, dans la seconde moitié du xixe siècle, la création de musées de folklore ou d'arts et traditions populaires, qui prirent dans les pays nordiques – sous la forme de « musées de plein air », sortes de réserves de campagne traditionnelle (Nordiska Museum de Stockholm, 1873 ; Frilandsmuseet de Sorgenfri, près de Copenhague, 1897) – puis, dans les démocraties populaires de l'Europe centrale, une importance exceptionnelle par le succès qu'ils rencontrèrent. Le système plus complexe de l'écomusée, dû à Georges-Henri Rivière, est l’un des derniers avatars de ce type d’institution. Ainsi, à Marseille, le Mucem, Musée[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. MUSÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

Autres références

  • MUSÉE, NATION, PATRIMOINE 1789-1815 (D. Poulot)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 521 mots

    Dominique Poulot est l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire des musées, plus spécialement sous la Révolution et au xixe siècle. Parmi les nombreuses études qu'il a consacrées à ce domaine, il faut citer notamment « L'Avenir du passé, les musées en mouvement » (in ...

  • MUSÉES DE FRANCE STATUT DES

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    La loi relative aux musées de France, dite loi musée, adoptée le 4 janvier 2002, vient opportunément encadrer l'activité des institutions en charge de la conservation et de la présentation au public des collections. Jusque-là, une ordonnance provisoire du 13 juillet 1945 fixait très sommairement...

  • MUSÉE ET MÉDIATION NUMÉRIQUE

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  • ANTHROPOLOGIE DU PATRIMOINE

    • Écrit par Cyril ISNART
    • 4 702 mots
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    ...privilégié de l’anthropologie sociale et culturelle, notamment à travers la mise en valeur des productions plastiques des peuples non occidentaux dans les musées d’ethnographie dès le xixe siècle ou l’émergence du folklore comme science des cultures européennes. La littérature consacrée à la transmission...
  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Archéologie et enjeux de société

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 676 mots
    • 2 médias
    ...du territoire métropolitain ne fit l'objet d'aucune recherche institutionnelle appuyée sur l'Université, et se trouva abandonnée aux notables locaux. Le musée des Antiquités nationales, créé en 1867, ne fut pas en France, comme dans d'autres pays, installé au cœur de la capitale, mais dans sa banlieue,...
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