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MUSÉE

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L’ouverture des collections et la question du bâtiment (xvie-xviiie siècles)

Une étape décisive fut franchie aux xvie etxviie siècles avec l'ouverture au public de certaines grandes collections. Effectuée en deux temps, la donation des collections Grimani à la Sérénissime République de Venise remonte, en effet, à 1527 et 1586. Suivirent : en 1618, la Pinacothèque ambrosienne de Milan, annexe de la fameuse bibliothèque du cardinal Federico Borromeo ; en 1683, l'Ashmolean Museum d'Oxford, premier musée à part entière, fondé par Elias Ashmole à partir d'une collection historique et d'un ensemble de curiosités réunies par John Tradescant au cours de ses voyages, et destinées à l'illustration des cours de l'Université ; en 1737, la prestigieuse collection des Médicis léguée à la cité de Florence par la grande-duchesse Anna Maria Lodovica pour éviter qu'elle ne fût démembrée ou transportée à Vienne par suite du passage de la Toscane à la maison d'Autriche (elle sera installée aux Offices en 1767). Fondées sur le désir d'assurer l'intégrité d'ensembles dont la valeur culturelle était dès lors reconnue, ces initiatives sont, plus que les collections en elles-mêmes, l'origine véritable des musées. Dans le cas des Offices, en particulier, c'est la notion d'un patrimoine national, encore confondu, il est vrai, avec celui du prince, qui voit le jour à la faveur d'un problème de succession. À Rome, hérité du code de Justinien et réinvoqué pour la première fois par le cardinal Francesco Barberini dans le codicille de son testament en 1678, le principe du fidéicommis, qui prive les héritiers du droit de division et de vente, a permis le maintien jusqu'à nos jours des collections princières les plus prestigieuses (Colonna, Doria-Pamphili, Borghese, Rospigliosi-Pallavicini, Spada).

Le mouvement d'ouverture des grandes collections s'accéléra considérablement au xviiie siècle qui vit par ailleurs la création de plusieurs musées notoires. Les papes Clément XII (1730-1740) et Benoît XIV (1740-1758) lui donnèrent une impulsion nouvelle en installant à grands frais le musée du Capitole où fut dès lors présentée la collection de sculptures antiques rassemblée dans la seconde moitié du xive siècle par Sixte IV, puis enrichie cent ans plus tard par Pie V. À Rome toujours, les collections du cardinal Neri Corsini furent accessibles à partir de 1754. Elles constituent le noyau de la Galleria nazionale d'arte antica dont le fonds est aujourd'hui réparti entre le palais Barberini et le palais Corsini. En France, une campagne d'opinion animée par l'érudit La Font de Saint-Yenne (Réflexions sur quelques causes de la décadence de la peinture en France, 1744), qui réclamait pour les artistes le droit d'accès aux collections royales entassées à Versailles, déboucha sur la création, en 1750, d'un petit musée installé dans le palais du Luxembourg, où l'on pouvait voir jusqu'en 1777, outre la Galerie de Médicis de Rubens, quelque cent dix tableaux et une vingtaine de dessins. Suggérée par La Font de Saint-Yenne également (Dialogue des Grands, 1749), développée par Diderot dans l'Encyclopédie, l'idée de créer au Louvre – depuis longtemps délaissé par la cour mais où le roi logeait des artistes depuis Henri IV – un grand musée de peinture, représentatif de toutes les écoles historiques, fut reprise par le surintendant des bâtiments d'Angiviller à partir de 1775, mais n'aboutit que sous la Convention, en 1793. Le Saint Empire, en revanche, fut dans les mêmes années le théâtre d'une véritable émulation entre les princes : l'électeur palatin ouvrit ses collections au public, à Mannheim dès 1756 et à Düsseldorf en 1770, l'électeur de Saxe sa galerie de Dresde vers 1760, et le landgrave de Hesse-Cassel sa galerie de Cassel[...]

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Robert FOHR. MUSÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

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