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MUSÉE

Vers une mission d’éducation

Tel est l'idéal. Il existe en réalité quelques ombres au tableau. Le succès de l'institution tout d'abord, qui semble avoir été beaucoup moins vaste que ne le laisse penser son prodigieux essor. En dépit des efforts certains entrepris dès le début du xxe siècle pour faciliter la compréhension des objets (apposition de cartels, publication de guides résultant d'un travail scientifique parallèle), le recrutement du public demeure longtemps élitaire. Il convient sans doute de nuancer cette affirmation selon la spécificité des établissements mais, d'une manière générale, la visite du musée reste exceptionnelle pour le plus grand nombre : elle suppose, de fait, un socle culturel qui n’est pas l'apanage de tous, même au temps glorieux des maîtres d’école de la IIIe République. La popularité du Louvre au xixe siècle, avant l'instauration du billet d'entrée en 1922, ne relève-t-elle pas davantage, chez la majorité des visiteurs, de la promenade dominicale que d'une authentique appétence pour les œuvres ? L'objet exposé, quelle qu'en soit la nature, n'est intelligible que par rapport à des systèmes de référence acquis, dont les catalogues les mieux fournis, les textes explicatifs les plus didactiques ne pallient que très rarement l'absence.

L'apport éducatif du musée dépend donc très largement du degré d'instruction du visiteur. À cet égard, l'idée ancienne d'un enseignement de l'histoire et des sciences naturelles et physiques par l'exemple – fondement des premières collections universitaires, tel l'Ashmolean Museum d'Oxford –, qui connut en France, au début du xxe siècle, dans le cadre du développement de l'école publique, un net regain de faveur, fut certainement la meilleure caution dont disposât alors le musée. Plus que jamais vivante, elle a donné lieu (en France, à partir des années 1960, dans les musées nationaux) à la création des services pédagogiques et des visites-conférences pour les enfants en âge scolaire, points de départ d’une ambition politique d’éducation et de développement culturel.

Toutefois, en ce qui concerne les collections artistiques, le problème que pose leur divulgation s'avère d'emblée particulièrement délicat. Outre des connaissances précises (histoire des arts, iconographie classique, biblique et littéraire), la compréhension de l'art passe pour requérir des prédispositions naturelles qui relèvent d'un pur hasard, ce que les hommes du xixe siècle ont coutume de dénommer poétiquement l'« instinct du beau ». Les visiteurs privilégiés des musées d'art sont par voie de conséquence les artistes eux-mêmes, à la formation desquels l'institution fut longtemps prioritairement destinée, et les amateurs éclairés. À l'impossible nul n'est tenu : le grand public se voit néanmoins convié dans les sanctuaires du Beau en raison d'un souci démocratique d'« éducation ». Il y est probablement quelque peu livré à lui-même. Cette conception élitaire de l'art et de son approche est loin d'avoir rendu l'âme mais il semble dorénavant évident que, dans la majorité des cas, ce que l'on appelle la « sensibilité artistique » ainsi que la maîtrise des critères du « bon goût » font l'objet d'une transmission ou d'une appropriation. S'agissant des signes les plus raffinés de la distinction sociale, on est en droit de se demander si leur démocratisation n'est pas une sorte de leurre, et dans quelle mesure la socialisation des normes culturelles d'une élite est réellement porteuse d'avenir.

Malgré la généralisation de l'enseignement, le problème reste toujours ouvert : les données en sont clairement exposées dans les résultats de l'enquête et[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. MUSÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

Autres références

  • MUSÉE, NATION, PATRIMOINE 1789-1815 (D. Poulot)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 521 mots

    Dominique Poulot est l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire des musées, plus spécialement sous la Révolution et au xixe siècle. Parmi les nombreuses études qu'il a consacrées à ce domaine, il faut citer notamment « L'Avenir du passé, les musées en mouvement » (in ...

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  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Archéologie et enjeux de société

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    • 4 676 mots
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    ...du territoire métropolitain ne fit l'objet d'aucune recherche institutionnelle appuyée sur l'Université, et se trouva abandonnée aux notables locaux. Le musée des Antiquités nationales, créé en 1867, ne fut pas en France, comme dans d'autres pays, installé au cœur de la capitale, mais dans sa banlieue,...
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