CINQUIÈME RÉPUBLIQUE La période gaullienne (1958-1969)
Décolonisation et fin de la guerre d'Algérie
Le problème le plus urgent à régler était bien sûr celui de l'Algérie mais c'était aussi le plus explosif et le plus difficile à traiter. Le général ne semble d'ailleurs pas avoir eu à l'époque une position très arrêtée. Lors de son voyage en Algérie au début de juin 1958, il reste d'une grande prudence, même si ses propos sont interprétés comme étant favorables à la solution militaire de pacification et au maintien de l'Algérie française. En revanche, il a dès le départ une politique très claire concernant le devenir des colonies et notamment des immenses territoires d'Afrique noire. Il fait une tournée en Afrique noire en août 1958 pour présenter cette politique et la nouvelle Constitution qui permet de la mettre en œuvre (titre XII). Conscient d'une nécessaire évolution, dans le prolongement de la loi-cadre de 1956, il propose aux anciens territoires d'outre-mer un statut d'autonomie interne. Ils pourront gérer en partie leurs affaires intérieures, devenir des États membres de la Communauté présidée par la France, qui conservait le pouvoir sur les principaux domaines de l'action publique, notamment la défense, la politique étrangère, la monnaie et la politique économique. Chaque territoire peut choisir librement soit de rester intégré dans l'ensemble français, soit d'accéder à l'indépendance, ce qui entraînerait la rupture avec la métropole. Ce choix dépend de la réponse au référendum du 28 septembre 1958, dont les suffrages sont décomptés pour chaque territoire. Il est clairement indiqué qu'un non majoritaire dans un territoire équivaut à un refus de la communauté et au choix de l'indépendance. Seule la Guinée vota non, ce qui se traduisit en effet par son indépendance immédiate. En fait, le statut d'État membre de la Communauté française ne dura pas ; très vite, la pression de ces États pour obtenir l'indépendance fut très forte. Une loi constitutionnelle de juin 1960 prévoit que les États membres peuvent devenir indépendants tout en gardant un partenariat avec la France. Les États africains concernés accèdent tous à l'indépendance avant la fin de 1960. Ils sont membres de l'O.N.U. et gardent en général des liens de coopération étroits avec la France.
Le contraste est frappant entre la facilité avec laquelle cette décolonisation se déroule et la difficulté du processus algérien. Mais, évidemment, les enjeux ne sont pas de même nature. Il y a en Algérie environ un million d'Européens qui ont voulu y développer une terre nouvelle pour la France ; ils ont lutté contre des gouvernements de la IVe République qui ne prenaient pas à leurs yeux des mesures assez radicales pour anéantir le « terrorisme », l'armée est entrée en dissidence et a cru que le général de Gaulle serait le sauveur de l'Algérie française. Celui-ci s'applique surtout, dans les premiers mois, à imposer son autorité à l'armée : il change les responsables et décharge l'armée de la gestion civile. Il essaie la solution militaire d'anéantissement du « terrorisme », offrant aux résistants une « paix des braves », c'est-à-dire « que ceux qui ont ouvert le feu le cessent et qu'ils retournent, sans humiliation, à leur famille et à leur travail » (conférence de presse du 23 octobre 1958). Dans le même temps, il annonce un grand plan de développement économique et social, permettant « la promotion de la population musulmane » (plan de Constantine, 3 octobre 1958), qui s'est d'ailleurs aussi vu reconnaître une égalité de droits électoraux avec les Européens (dans le cadre d'un collège unique). Ces belles intentions ne sont guère suivies d'effets ; d'une part, parce qu'elles ne séduisent pas les nationalistes algériens, plus déterminés[...]
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Écrit par
- Pierre BRÉCHON : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)
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