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YANGZI, fleuve

Le barrage des Trois Gorges

Trois objectifs majeurs ont commandé à la construction de ce gigantesque barrage sur le Yangzi, près de la ville de Yichang (province de Hubei), en aval du célèbre site des Trois Gorges : maîtriser le débit du fleuve, augmenter les capacités de navigation jusqu'à la ville de Chongqing et réaliser un puissant complexe hydroélectrique. Le barrage permet également de montrer, aux yeux de la population locale et sur la scène internationale, la capacité de la Chine de réaliser un très grand ouvrage, à la fois prouesse technologique et marqueur du territoire national, comme le furent en leurs temps la Grande Muraille ou le Grand Canal. C'est aussi, pour la Chine, l'occasion de renouer avec une tradition millénaire d'aménagements hydrauliques coordonnés par l'État central. Le barrage des Trois Gorges, enfin, est prolongé par d'autres projets : en aval, le transfert d'une partie des eaux du Yangzi vers Pékin ; en amont, la construction d'autres barrages sur le fleuve et ses affluents. Ces travaux hydrauliques sont toutefois contestés pour leurs conséquences environnementales, et ils ont été l'objet de très vifs débats jusqu'au sein de l'Assemblée populaire nationale lors de l'adoption du barrage.

Dans l'histoire hydraulique chinoise, un projet politique contesté

Le barrage des Trois Gorges s'inscrit dans la longue histoire des aménagements hydrauliques de la Chine. Les premiers barrages y sont apparus au viiie siècle avant J.-C. Un barrage sur le fleuve Jaune (Huanghe) est attesté dès le vie siècle avant J.-C., une digue en enrochement dans le Shanxi au iiie siècle avant J.-C., un canal au ve siècle après J.-C. pour relier le Yangzi à la Huai. Ces ouvrages sont au service d'un système d'irrigation et de drainage des terres cultivées, ainsi que de la navigabilité fluviale. La principale réalisation impériale est, au viie siècle, à la fin de la dynastie Sui, le Grand Canal qui relie Hangzhou dans le sud au Yangzi et ce dernier au bassin du fleuve Jaune, puis, sous les Yuan (xiiie siècle), à Pékin. Ce canal permettait une circulation des marchandises du sud vers le nord.

Le barrage des Trois Gorges prend place dans cette histoire hydraulique. Mais il se distingue par l'implication initiale de l'État central, l'appel à des technologies et des financements extérieurs, et l'ampleur de ses conséquences régionales. Il ne s'agit plus ici d'aménagements locaux repris par les autorités centrales dans un projet plus vaste, mais bien d'une réalisation étatique relevant d'un volontarisme propre aux pouvoirs autoritaires, rappelant les projets démesurés du maoïsme ou de l'Union soviétique.

Le projet est politique, destiné à rappeler le rôle de leader qu'entend garder le pouvoir central dans l'aménagement du territoire, alors que les pôles de croissance ouverts sur l'économie mondiale se multiplient le long du littoral. Approuvé lors de la 5e session de la VIIe Assemblée populaire nationale, en 1992, il fut toutefois l'occasion de fortes oppositions parmi les députés et, historiquement, l'objet du premier vote où une bonne partie d'entre eux ont officiellement exprimé un désaccord politique : 68 p. 100 d'opinions favorables seulement, le 3 avril 1992. Les responsables de Shanghai et des provinces les plus riches refusaient de supporter le coût d'un projet dont ils ne tireraient que peu de profits.

Les scientifiques dénonçaient les conséquences écologiques du barrage en général, et sur le delta du fleuve en particulier. Leurs avis rejoignaient alors un large mouvement de contestation, allant d'intellectuels chinois à des courants écologistes d'Occident. La journaliste Dai Qing s'est ainsi opposée au barrage dès les années 1980 et son livre Yangzi[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
  • : professeur de géographie à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

Jean DELVERT, Thierry SANJUAN et Pierre TROLLIET. YANGZI, fleuve [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Chine : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chine : carte administrative

Pollution d'une rivière (province de Sichuan, Chine) - crédits : Peter Turnley/ Corbis Historical/ Getty Images

Pollution d'une rivière (province de Sichuan, Chine)

Autres références

  • BAIJI

    • Écrit par Vincent RIDOUX
    • 493 mots

    Au mois de mai 2007, le comité scientifique de la Commission baleinière internationale (C.B.I.) reconnaissait la probable extinction du Baiji (Lipotes vexillifer), ou dauphin du Yangzi (le plus long fleuve d'Asie), le seul représentant d'une famille de dauphins de rivière connue uniquement en...

  • CHINE - Cadre naturel

    • Écrit par Guy MENNESSIER, Thierry SANJUAN, Pierre TROLLIET
    • 5 861 mots
    • 7 médias
    ...souterraines par des motopompes a provoqué un déficit durable en eau et le gouvernement central a lancé la construction de deux canaux de dérivation des eaux du Yangzi vers le Nord de la Chine pour répondre à ces nouveaux défis. L'ouvrage de dérivation le plus oriental réutilise le Grand Canal impérial.
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par Thierry SANJUAN
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    La décision de construire le barrage des Trois Gorges sur leYangzi a été prise par l'Assemblée populaire nationale en 1992. Cet ouvrage hydraulique, achevé en 2006, est long de 2 309 mètres. Il dispose de 26 turboalternateurs, et s'accompagne d'un ascenseur à bateaux et d'un système d'écluses...
  • CHINE - Les régions chinoises

    • Écrit par Pierre TROLLIET
    • 11 778 mots
    • 3 médias
    ...vers la mer par suite des dépôts laissés par le fleuve Jaune, qui emprunta par deux fois son cours inférieur, la Huai ne trouvait plus d'issue que vers le Yangzi, par le Grand Canal, pour évacuer les crues d'un très dense réseau d'affluents. Des dizaines de milliers de kilomètres carrés subissaient ainsi...
  • Afficher les 16 références

Voir aussi