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TRENTE (CONCILE DE)

La théologie tridentine

Dans l'œuvre du concile de Trente on peut distinguer trois niveaux : celui du dogme, celui de la discipline et, enfin, celui des décrets relatifs à la justice ecclésiastique et aux liens entre l'épiscopat et Rome. Ces décrets suscitèrent des réserves de la part des autorités politiques. Il ne plaisait pas aux rois de France et d'Espagne que le pape fût proclamé « évêque de l'Église universelle ». Ils entendaient continuer d'interposer leur placet entre Rome et les catholiques de leurs États. Ils désiraient ne rien céder des « libertés gallicanes » ni des « libertés espagnoles » et ne pas voir disparaître les « appels comme d'abus » et les recursos de fuerza. C'est pourquoi les rois de France refusèrent toujours d'intégrer les décisions du concile parmi les lois constitutionnelles du royaume. Quant à Philippe II, il reçut solennellement en juillet 1564 les décrets de Trente, mais avec cette clause significative : « Sous réserve de mes droits royaux. » De son côté, Ferdinand Ier, si bien disposé cependant envers l'Église catholique, empêcha la publication dans ses possessions territoriales de celles des décisions tridentines qui lui parurent toucher aux prérogatives de l'État. En revanche, princes et clergés ne contestèrent pas les décrets qui se rapportaient au dogme et à la discipline et qui allaient expliquer l'importance historique de l'assemblée de Trente. Ils furent, en effet, comme la Réforme protestante, une réponse à une demande pressante de la chrétienté occidentale. Celle-ci ressentait un double besoin : celui d'une clarification doctrinale qui la sécuriserait en mettant fin aux incertitudes théologiques, et celui d'un corps pastoral capable de lui transmettre le message de la foi.

Sur le plan doctrinal, le concile mit d'abord l'accent sur la continuité de l'histoire chrétienne, opposant à la « Bible seule » et au « libre examen » des réformés la Bible éclairée d'âge en âge par les traditions, c'est-à-dire « les témoignages des saints pères et des conciles approuvés, le jugement et le consentement de l'Église ». Il n'interdit pas de traduire ni de lire l'Écriture en langue vulgaire, mais exigea la référence à la Vulgate « dans les leçons publiques, les disputes, la prédication et les exposés [doctrinaux] ». Ce sont les Index de 1559 et 1564 qui proscrivent la lecture de la Bible dans les langues vernaculaires. La théologie protestante avait trouvé son point de départ dans une conception extrêmement dramatique du péché originel. Le concile de Trente affirma contre Luther que, dans Adam, le libre arbitre n'avait pas été « éteint, mais seulement diminué et incliné au mal », et que la concupiscence n'est pas elle-même un péché, mais « un effet du péché ». Les discussions sur la justification, le problème le plus débattu du xvie siècle, suivirent, selon l'ordre logique, celles sur le péché originel. Quarante-quatre congrégations particulières et soixante et une congrégations générales furent consacrées à l'examen de cette question. Compte tenu de la conjoncture religieuse de l'époque, la plupart des canons relatifs à la justification portèrent condamnation des positions protestantes et notamment de celle qui fait de l'homme dénué de libre arbitre le sujet passif de l'action divine : « Si quelqu'un dit que le libre arbitre de l'homme, mû et excité par Dieu, ne coopère aucunement en donnant son assentiment à Dieu qui l'excite et l'appelle [...] qu'il soit anathème. » L'homme n'est donc pas agi par Dieu, qui serait alors responsable du mal comme du bien : « Si quelqu'un dit qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme de rendre ses voies mauvaises, mais que c'est Dieu qui opère (par lui) le mal comme le bien [...] qu'il soit anathème. » La prescience de Dieu[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut

Classification

Pour citer cet article

Jean DELUMEAU. TRENTE (CONCILE DE) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Concile de Trente - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Concile de Trente

Autres références

  • APOCALYPTIQUE & APOCRYPHE LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean HADOT, André PAUL
    • 9 934 mots
    ...canoniques à part entière ces « apocryphes » protestants. Pour sa part, elle les appelle «  deutérocanoniques ». Contrant les réformateurs, le concile de Trente a fait figurer ces textes en bonne et due place dans sa liste des « Livres saints », inspirés et canoniques. Il adoptait ainsi, définitivement,...
  • AUGUSTINISME

    • Écrit par Michel MESLIN, Jeannine QUILLET
    • 5 572 mots
    ...salut que dans l'intention miséricordieuse d'un Dieu qui pardonne et qui donne la vie, dans l'acte gratuit du don de sa grâce. La solution imposée par le concile de Trente refuse d'assumer la théologie d'une double prédestination développée par Seripando, le grand théologien des Augustins ; dans le décret...
  • BAÏUS MICHEL DE BAY dit (1513-1589)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 703 mots

    Né à Meslin, dans le Hainaut, Michel de Bay, dit Baïus, doit sa célébrité à la polémique qu'il engagea sur la question de la grâce et de la prédestination. La controverse allait, après sa mort, connaître un éclatant rebondissement avec la querelle du jansénisme.

    Étudiant à l'université...

  • BÉNÉDICTINS

    • Écrit par Jacques DUBOIS
    • 5 515 mots
    Dans son œuvre de restauration, le concile de Trente rattacha les monastères aux congrégations ; il s'agissait d'assurer leur cohésion et leur régularité et de les soumettre plus étroitement au Saint-Siège. Certains monastères y virent un moyen d'échapper à la juridiction des évêques et constituèrent...
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Voir aussi