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TRANSPLANTATION D'ORGANES

Morale médicale et législation

Le receveur

Le receveur doit donner son consentement à l'opération, et l'on peut très bien admettre qu'un patient refuse la greffe en toute lucidité, sans qu'on soit en droit pour autant de considérer cette décision comme une forme de suicide. En pratique, un refus définitif du receveur est exceptionnel tant est grande la volonté de survie de l'immense majorité des patients. Par contre, certains malades sont d'abord hésitants, soit qu'ils craignent de faire courir des risques à un membre de leur famille qui s'est proposé comme donneur, soit que l'annonce de la greffe leur fasse prendre conscience pour la première fois de la gravité de leur maladie et les plonge dans une anxiété qui rend toute décision momentanément impossible. Ces malades doivent être éclairés peu à peu sur les bénéfices et les risques de l'entreprise, et il faut leur laisser le temps de mûrir leur décision.

Les donneurs vivants

La greffe de moelle osseuse suppose un prélèvement de moelle chez un ou plusieurs donneurs vivants généralement apparentés. Mais la moelle osseuse est, comme le sang, un « tissu » qui régénère spontanément. Il n'y a donc pas de mutilation du donneur, et le seul risque qu'il court est celui d'une brève anesthésie générale. Il existe donc peu de problèmes éthiques dans ce cas particulier.

En ce qui concerne les organes, on a vu que l'ablation d'un seul rein ne compromet pas sérieusement l'avenir du sujet, le rein controlatéral augmentant ensuite de volume et fonctionnant aussi bien que deux reins normaux. Mais le risque pour le donneur n'est pas absolument négligeable (cf. supra, Le choix du donneur). Il reste néanmoins notablement inférieur à celui de beaucoup d'interventions chirurgicales, mais la situation en matière de greffe est particulière, car l'intervention ne profite qu'au receveur. Or l'éthique médicale traditionnelle de même que la loi considèrent qu'une opération n'est acceptable que si elle est faite pour le bien de celui qui la subit.

Pour justifier le prélèvement chez un donneur vivant, il faut sortir des normes médicales et invoquer le principe moral selon lequel un individu peut venir au secours d'un de ses semblables en danger, fût-ce au péril de sa propre vie.

Il reste à savoir si le médecin peut accepter d'être le complice de ce don si une famille le lui demande.

Nous pensons qu'on peut répondre par l'affirmative sous des conditions très précises qui obligent à discuter chaque cas individuel. Les éléments de cette discussion sont au nombre de trois : risques encourus par le donneur, probabilité du succès de la greffe, qualité du volontariat du donneur.

– Risques encourus par le donneur. Le risque moyen a été indiqué plus haut. Mais parfois on peut prévoir un risque plus important, du fait de l'âge, d'un état pathologique antérieur ou de conditions anatomiques particulières ; il faut récuser de tels donneurs.

– Probabilité du succès de la greffe. Les progrès dans la détermination des groupes leucocytaires permettent des prévisions sur le plan individuel pour les greffes entre sujets apparentés. Ainsi la probabilité de succès est presque de 100 p. 100 dans certaines greffes à l'intérieur d'une même fratrie (donneur HLA identique), mais reste notablement inférieure dans d'autres combinaisons. On a maintenant tendance à récuser les donneurs vivants quand la compatibilité est moyenne ou médiocre. De même, on hésitera beaucoup à accepter un don d'organes venant d'un donneur vivant non apparenté même si des liens affectifs puissants (époux, amis) pouvaient rendre un tel don moralement justifiable.

– Volontariat du donneur. Le donneur doit être clairement averti des risques personnels qu'il court et de l'insuccès toujours[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté, chirurgien des hôpitaux, chef de service
  • : chef de service de médecine interne et maladies infectieuses de l'hôpital Bicêtre, Val-de-Marne, professeur d'immunologie clinique et de médecine interne à la faculté de médecine de Paris-Sud
  • : ancien doyen de la faculté de médecine de l'université de Paris-Sud
  • : membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences
  • : docteur en médecine, praticien hospitalier, hépatologue.

Classification

Pour citer cet article

Henri BISMUTH, Jean-François DELFRAISSY, Jean DORMONT, Jean HAMBURGER et Didier SAMUEL. TRANSPLANTATION D'ORGANES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Angiographie numérique d'un rein greffé - crédits : M. Laval-Jeantet

Angiographie numérique d'un rein greffé

Autres références

  • DÉBUTS DES TRANSPLANTATIONS D'ORGANES

    • Écrit par Christian CABROL
    • 254 mots

    En 1952, à Paris, l'équipe médicale du professeur Jean Hamburger greffa au jeune Marius Renard un rein prélevé chez sa mère. Cette greffe effectuée par Delinotte et N. Oeconomos fut un succès technique, mais l'enfant mourut au vingt et unième jour. La qualité de l'intervention n'était...

  • AGENCE DE LA BIOMÉDECINE

    • Écrit par Corinne TUTIN
    • 1 153 mots
    ...la biomédecine est encore bien jeune pour qu'un bilan de son activité puisse être dressé. En tout cas, la journée qu'elle a organisée le 22 juin 2005 sur le don d'organes, qui renouvelait une opération mise en place cinq ans plus tôt par l'Établissement français des greffes, a été un succès. « Alors...
  • BARNARD CHRISTIAAN (1922-2001)

    • Écrit par Christian CABROL
    • 1 169 mots

    Figure de la chirurgie cardiaque, le Sud-Africain Christiaan Barnard naît en 1922 dans la petite ville de Beaufort West (Cap-Ouest), dans une famille de quatre enfants dont le père est un pasteur protestant.

    Après avoir entrepris ses études primaires dans sa ville natale, il poursuit ses études...

  • CABROL CHRISTIAN (1925-2017)

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 1 041 mots
    • 1 média

    Christian Cabrol, né le 16 septembre 1925 à Chézy-sur-Marne (Aisne), décédé le 16 juin 2017 à Paris, est connu d’un large public pour être le premier en France à avoir tenté et réussi une greffe du cœur, le 27 avril 1968, sur un malade de soixante-six ans.

    Ne retenir que cette...

  • CARDIOLOGIE

    • Écrit par Philippe BEAUFILS, Robert SLAMA
    • 4 128 mots
    • 2 médias
    ...Depuis des années, des pionniers (à qui revient en fait le vrai mérite), tels Shumway en Californie et Cachera en France, avaient réalisé les premières transplantations cardiaques chez le chien. Mais en 1967, c'est Chris Barnard en Afrique du Sud qui fut le premier à transplanter un cœur chez un homme....
  • Afficher les 23 références

Voir aussi