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TISSUS D'ART

Entrelacer des fibres pour en faire un tissu est l'une des activités les plus anciennes de l'humanité. Cet entrelacement a d'abord été exécuté « au doigt », puis très rapidement à l'aide d'un métier, d'abord rudimentaire puis de plus en plus perfectionné. Dès la plus haute antiquité, ces métiers et les tisserands qui les utilisaient produisirent des étoffes à la technique complexe et au décor élaboré. À cause de leur nature à la fois décorative et utilitaire, les tissus ont constitué à travers les siècles un véhicule privilégié de l'expression d'une esthétique collective ou individuelle ; la variété infinie des motifs et des coloris, la diversité des textures sont le reflet de ces expressions. La double fonction des tissus – couvrir et orner le corps humain – est l'une des plus chargées de symbolique dans toutes les sociétés. Il ne faut donc pas s'étonner de ce qu'un objet de première nécessité comme le tissu puisse aussi figurer parmi les symboles du luxe le plus extrême et transcender sa simple finalité ornementale et vestimentaire pour pénétrer dans le domaine de l'art.

Que ce soit à cause de la noblesse des fibres dont ils étaient faits, ou à cause de la richesse de leur décoration, les « tissus d'art » comme les a appelés Gaston Migeon ont servi de cadeaux prestigieux, de monnaie d'échange, de patrimoine étatique ou personnel depuis l'Antiquité jusqu'à l'avènement de l'ère industrielle.

Bien que cette terminologie ne soit guère utilisée qu'en France, tous les tissus dont la qualité exceptionnelle est perceptible par tous, spécialistes ou non, peuvent figurer au rang des tissus d'art et méritent d'être conservés dans les collections publiques ou privées, au même titre que les objets traditionnellement reconnus comme « objets d'art ». Mais il est parfois difficile de faire la distinction entre un tissu document, qui reflète la production d'une époque donnée dans un lieu donné, et un tissu d'art, datant de la même époque, qui constitue, lui, un sommet de la technique et du décor textile. Dans le cadre de cet article, nous n'évoquerons que les tissus qui entrent dans cette dernière catégorie.

Bien que les broderies et les dentelles ne soient pas à proprement parler des tissus, les unes font cependant appel à un support tissé et les autres sont faites, comme les tissus, d'un entrelacement de fibres. Les étoffes fabriquées selon ces techniques et dont l'aspect révèle l'adresse et la créativité des artisans qui les ont tissées ont donc été regroupées sous l'expression « tissus d'art », elles aussi.

Dans le domaine textile, la notion d'art, telle qu'elle a été définie par les historiens du xixe siècle, se confond souvent avec celle de luxe. La fibre qui exprime par excellence le luxe est la soie ; ce sont donc les tissus de soie auxquels le plus grand nombre d'améliorations techniques et de recherches esthétiques ont été consacrées au cours des siècles. Ils occupent pour cette raison une place privilégiée dans cette étude. La soie, comme chacun sait, vient de l'Extrême-Orient. Et c'est aussi de l'Orient que proviennent la plupart des techniques du tissage. La contribution de la Chine et du Japon dans ce domaine étant primordiale, elle fait l'objet d'un article traitant pour ces deux pays les étoffes de soie, la broderie et la tapisserie.

La sériciculture, ou culture des vers à soie, remonte en Chine au IIe millénaire avant notre ère. Mais il faut attendre 550 environ après J.-C. pour qu'elle soit introduite dans l'Empire byzantin sous le règne de l'empereur Justinien. Avant cette période, les grandes caravanes qui suivaient les routes de la soie convoyaient vers l'Occident, dès le iiie siècle,[...]

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Écrit par

  • : historienne d'art
  • : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
  • : directrice d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • : docteur en histoire de l'art et archéologie, université de Liège, conservateur adjoint aux Musées royaux d'art et d'histoire de Bruxelles

Classification

Pour citer cet article

Anne KRAATZ, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS et Marie RISSELIN-STEENEBRUGEN. TISSUS D'ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tapis de Kashan (Perse centrale) - crédits :  Bridgeman Images

Tapis de Kashan (Perse centrale)

Tapis à vases - crédits :  Bridgeman Images

Tapis à vases

Tapis dit de Lotto - crédits :  Bridgeman Images

Tapis dit de Lotto

Autres références

  • ANTINOÉ

    • Écrit par Marie-Hélène RUTSCHOWSCAYA
    • 664 mots
    • 1 média

    La ville d'Antinoé fut fondée par Hadrien en 132. Elle devint, à l'époque chrétienne, le siège d'un évêché dépendant de Thèbes, puis fut élevée au rang de métropole de la Thébaïde à partir de Dioclétien.

    Les ruines s'étendent sur la rive orientale du Nil en face...

  • ARABESQUE, histoire de l'art

    • Écrit par Peter FUHRING
    • 3 448 mots
    ...occidental, les premiers exemples d'arabesques figurent dans les tableaux de Duccio Di Buoninsegna à Sienne (1308-1311). Le peintre a probablement copié des tissus brodés, et son exemple ne sera imité que beaucoup plus tard, vers 1500. Dans les tableaux des peintres vénitiens Cima Da Conegliano, Vittore...
  • BROCART

    • Écrit par Évelyne GAUDRY
    • 632 mots

    Étoffe très riche, décorée par le tissage de fils d'or ou d'argent, et dans laquelle la soie sert essentiellement de support et de lien au métal qui joue avec tout son éclat, tant dans le fond du tissu que dans les différentes parties du dessin. L'emploi des tissus dans lesquels on fit entrer de l'or...

  • BROCATELLE

    • Écrit par Évelyne GAUDRY
    • 288 mots

    Dans sa forme classique, la brocatelle est une étoffe dont le dessin, formé par des effets de satin, se détache en relief sur un fond plat produit par une trame lancée, liée le plus souvent en sergé (armure à côtés obliques) par les fils d'une chaîne de liage. Ce relief des effets de satin est dû...

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Voir aussi