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SUPRÉMATISME

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Alogisme : de l'image au signe pur

Le chemin de la démarche alogique était marqué dès l'automne 1913 par l'apparition des formes purement géométriques : carrés, triangles, flèches. Dans les chemins qui jalonnent les années 1914 et 1915, on aperçoit l'élimination d'un langage de la multisignification. Dépassant successivement la grandiloquence sémantique du futurisme et la spéculation d'une démarche combinatoire associant signes (flèche, point, ligne), images (poisson, cuillères) et inscriptions, Malevitch exploite le jeu de mots-images (étape qui évoque le monde symbolique d'un Marcel Duchamp) pour aboutir en 1915 aux compositions non objectives. La signification du Carré noir sur fond blanc sera déterminée dès sa première apparition dans le décor de la pièce futuriste, Victoire sur le soleil, d'Alexéi Kruchënykh. Le décor de la pièce comporte une résonance mallarméenne – le premier rideau (image limite) était déchiré pour révéler sur un deuxième rideau le carré noir, métaphore reprise plus tard par Malevitch pour signifier la victoire sur le bleu du ciel (image représentative) et pour atteindre la couleur pure, sans références symboliques. Malevitch dira plus tard : « L'homme a vaincu la nature, il devient Dieu. » Voilà pourquoi le peintre peut dire au sujet de la création suprématiste : « Un tableau pictural a été créé n'ayant rien de commun avec la nature. » Souhaitée par Léger dès 1913 dans ses conférences parisiennes, cette libération de la peinture de l'emprise de la représentation et encore plus de la référence extra-picturale s'accomplit chez Malevitch dans un prodigieux effort de dépassement de l'objectivité (le monde connaissable, extérieur). Cet effort se concentre sur la négation successive de tout sens référentiel (idées philosophiques chez Kandinsky, ou symbolique littéraire et sociale chez les futuristes italiens). Dans le catalogue de l'exposition « Tramway V » (mars 1915), Malevitch commente ses tableaux « alogiques » (nos 21 à 25) en ces termes : « Le contenu de ces tableaux n'est pas connu à l'auteur. » Une fois la couleur et la forme pures « libérées », Malevitch annonce à ses disciples le « vol dans l'infini » où « la couleur sert de sémaphore » (1919).

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Pour citer cet article

Andréi NAKOV. SUPRÉMATISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Tableaux de Kasimir Malévitch - crédits : Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas

Tableaux de Kasimir Malévitch

<it>Composition suprématiste</it>, K. Malévitch - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Composition suprématiste, K. Malévitch

Architectonique picturale, L. Popova - crédits :  Bridgeman Images

Architectonique picturale, L. Popova

Autres références

  • ABSTRAIT ART

    • Écrit par
    • 6 716 mots
    • 2 médias
    ...mouvement qui fera date, il affirme : « Je me suis transfiguré dans le zéro des formes et je suis allé au-delà du zéro vers la création, c'est-à-dire vers le suprématisme, vers le nouveau réalisme pictural, vers la création non figurative. Le suprématisme est le début d'une nouvelle culture : le sauvage est...
  • CHAGALL, LISSITZKY, MALÉVITCH. L'AVANT-GARDE RUSSE À VITEBSK 1918-1922 (exposition)

    • Écrit par
    • 1 210 mots
    • 1 média
    ...Ses esquisses de figures humaines opèrent un croisement entre expressivité du corps (Chagall) et dynamisme de la forme (Malévitch). La séquence de ses Études suprématistes (1920) anime d’un mouvement quasi cinématographique les formes suprématistes qui traversent les quinze aquarelles, une impulsion...
  • CONSTRUCTIVISME

    • Écrit par
    • 3 373 mots
    • 2 médias
    ...novembre, le critique Pounine, ardent défenseur de Tatline, parle sur le thème « Sanctuaire ou Fabrique ? ». Tatline et Rodtchenko mènent la lutte contre le suprématisme de Malevitch. Dans ses Slogans pour le constructivisme, Alexéi Gan proclame une « guerre inconditionnelle à l'art ». Tatline prône la limitation...
  • COSMOS (exposition)

    • Écrit par
    • 1 059 mots

    En France, certains conservateurs de musée n'aiment guère les expositions thématiques. Elles ne seraient pour eux qu'un fatras arbitraire, elles feraient fi de l'histoire et du document, bref elles ne seraient pas sérieuses ; elles ne feraient pas avancer l'histoire de l'art, comme les expositions...

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