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SUGER (1081-1151)

Métaphysique néo-platonicienne de la lumière

Suger eut une forte et vibrante conception de la beauté comme forme lumineuse émanant de la source divine et permettant, par la contemplation d'objets transfigurés par la lumière, de remonter vers son origine dans une anabase, ou anagogie, de moins en moins sensible et de plus en plus intellectuelle. C'est l'esthétique de Plotin et des néo-platoniciens. Ce sera celle de Robert Grosseteste et de saint Bonaventure. Elle est tirée du traité de Denys l'Aréopagite sur la Hiérarchie céleste. Un hasard, qui fit autant la fortune de Saint-Denis que la foire du Lendit, restaurée à l'abbaye en 1109, voulut que l'auteur de ce traité, un Syrien qui vécut vers l'an 500, fût confondu avec le Denys converti par saint Paul à Athènes, et ce dernier avec le martyr du iiie siècle, dont la légende fit un apôtre contemporain du Christ. Les œuvres de Denys le pseudo-Aréopagite avaient été traduites et commentées sous l'abbatiat d'Hilduin (814-841), puis par Jean Scot Érigène. L'entreprise fut reprise par Hugues de Saint-Victor et Jean Sarrazin à l'époque de Suger. L'esthétique dionysienne est le troisième aspect que prit sous Suger le retour à la renaissance carolingienne (la reconstruction de l'abbatiale et la résurrection légendaire de Charlemagne dans le Pèlerinage de Charlemagne, son modèle latin, et le Pseudo-Turpin en constituant les deux autres composantes). Elle a inspiré la commande d'œuvres où l'or baignait de ses reflets les pierres précieuses, perles, gemmes et émaux, et l'implantation d'un chevet à neuf chapelles rayonnantes, à l'image des neuf chœurs d'anges de la Hiérarchie céleste, où la pierre se dématérialise en sertissure d'une paroi de verrières continues et convergentes. Les taches des vitraux diaprent les douze colonnes isolées dans le demi-cercle du déambulatoire ; ces colonnes furent montées, pour symboliser les douze Apôtres, au-dessus d'autres colonnes qui, dans l'ombre de la crypte, figurent les douze prophètes.

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

Classification

Pour citer cet article

Philippe VERDIER. SUGER (1081-1151) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART & THÉOLOGIE

    • Écrit par Georges DIDI-HUBERMAN
    • 6 741 mots
    • 1 média
    ...ne cherche ni à définir l'indéfinissable, ni à décrire l'indescriptible – et se contente d'un pur éclat, d'un pur mystère coloré ou évanescent. L'abbé Suger, au xiie siècle, répondait au rigorisme de saint Bernard en disant qu'il contemplait quelque chose du divin dans un simple éclat de matière – jaspe...
  • CAPÉTIENS (987-1498)

    • Écrit par Jacques LE GOFF
    • 8 060 mots
    ...furent les conseillers efficaces des rois qui, en retour, comblaient de dons et de privilèges églises et abbayes. Le plus célèbre de ces « ministres » fut Suger, abbé de Saint-Denis, conseiller de Louis VI et de Louis VII, régent pendant la IIe croisade (mort en 1151). Louis VII dut un grand prestige à...
  • GOTHIQUE ART

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 14 896 mots
    • 27 médias
    ...matérialise une nouvelle conception architecturale caractérisée par la fusion des différents espaces, par une étroite association entre le verre et la pierre. Au trésor, Suger ajoute des pièces d'orfèvrerie majeures. L'abbé de Saint-Denis Suger ne s'est pas lancé dans cette aventure sans avoir su en trouver...
  • MÉCÉNAT

    • Écrit par Nathalie HEINICH, Luigi SALERNO
    • 6 952 mots
    • 2 médias
    ...artistes de Constantinople pour exécuter la décoration de son abbaye et qui importa d'Orient des manuscrits miniaturés. Encore plus remarquable fut l'abbé Suger de Saint-Denis, qui a laissé le récit de ses faits et gestes et qui fut, autant que par la foi, animé par une vive passion du beau et par l'ambition...

Voir aussi