SPECTROSCOPIE

Lorsqu'elle traverse les gouttes d'eau de la pluie, la lumière blanche du Soleil ou d'une lampe à incandescence se décompose en ses constituants colorés : c'est l'arc-en-ciel. Cet effet est dû à la réfraction, phénomène par lequel la lumière subit un changement de direction quand elle passe d'un milieu à un autre. La même décomposition s'observe lorsque la lumière traverse un prisme transparent dont l'indice de réfraction et par conséquent l'angle de réfraction dépendent de la couleur de la lumière. La spectroscopie est une technique d'analyse fondée sur ce phénomène. Elle constitue aussi un domaine de la physique fondamentale, qui a eu un impact considérable lors de la naissance de la physique moderne : compréhension de la structure de l'atome et élaboration de la mécanique quantique. De nos jours, c'est une méthode d'analyse très puissante qui a des applications dans de très nombreux domaines scientifiques et technologiques : industrie, environnement, approvisionnement en énergie, biologie et médecine, etc.

Du point de vue expérimental, la spectroscopie utilise des instruments qui permettent de disperser la lumière et, de manière générale, tous les rayonnements électromagnétiques. Ces appareils sont appelés spectroscopes quand ils permettent une observation visuelle directe, spectrographes quand la lumière dispersée est enregistrée par une plaque photographique, ou encore spectromètres quand ils permettent la mesure des longueurs d'onde. L'image donnée par le système dispersif constitue un spectre : c'est une représentation graphique de l'intensité lumineuse en fonction de la longueur d'onde. En effet, le rayonnement électromagnétique se caractérise par sa vitesse de propagation c, par sa fréquence ν ou nombre d'oscillations par seconde (unité : Hz ou s1), ou par sa longueur d'onde dans le vide. Cette longueur est la distance parcourue par l'onde pendant une oscillation : λ = c/ (exprimée en nanomètres, 1 nm = 109 m, ou en mètres suivant le domaine de fréquence). Dans cette relation, n représente l'indice de réfraction du milieu dans lequel se propage la radiation, il désigne le rapport entre la vitesse de propagation dans le vide c (c = 299 792 458 m/s) à celle, plus faible, dans le milieu matériel considéré (n ≥ 1). Les spectres se présentent soit sous forme discontinue lorsque la lumière analysée comprend un nombre restreint de composantes, chacune d'entre elles ayant une longueur d'onde bien définie (spectre de raie), soit sous forme continue si les composantes sont trop larges et trop serrées pour être distinguées par le système dispersif (spectre continu). Les spectres d'émission sont constitués de toutes les composantes de la source lumineuse, tandis que les spectres d'absorption résultent de l'arrêt d'une partie de la lumière de la source par un échantillon matériel placé sur le trajet du rayonnement. Les raies d'absorption apparaissent alors en noir sur le fond coloré du spectre de la source, et sont caractéristiques de la composition de l'échantillon, permettant ainsi de caractériser celui-ci.

Historique

Isaac Newton - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Isaac Newton

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Isaac Newton est le fondateur de la spectroscopie. Il a été le premier à comprendre que l'étalement des couleurs par le prisme est lié à la nature intrinsèque de la lumière et n'est pas inhérent au prisme (1666). En adjoignant au prisme un trou d'entrée pour mieux définir la source et un dispositif de focalisation, il a construit le premier spectroscope. Le domaine de la lumière visible, alors seul connu, s'est étendu grâce à William Herschel, qui a découvert en 1800 les effets thermiques du rayonnement infrarouge, tandis que, l'année suivante, Johann Wilhelm Ritter et William Hyde Wollaston ont mis en évidence les effets chimiques du rayonnement ultraviolet. Puis W. H. Wollaston a amélioré l'instrument en remplaçant le trou d'entrée par une fente (1802), dont les images constituent les raies du spectre. Ainsi, il a découvert la présence de raies fines et obscures dans le spectre solaire. En 1821, Joseph von Fraunhofer accomplit un progrès décisif en introduisant le réseau de diffraction comme élément dispersif. Grâce à la théorie du réseau développée en 1835, la mesure de la longueur d'onde des radiations électromagnétiques est devenue possible. Gustav Robert Kirchhoff et Robert Wilhelm Bunsen, avec son célèbre brûleur, établissent en 1859 la relation entre les raies d'émission des gaz portés à l'incandescence et les raies d'absorption du spectre solaire : la spectroscopie en tant que moyen d'analyse est née. Comme dans le Soleil, les gaz se décomposent dans la flamme en éléments chimiques dont les atomes évacuent l'énergie apportée par la combustion sous forme de radiations caractéristiques. Le lien entre la physique atomique et les observations astronomiques est ainsi établi. La spectroscopie devient rapidement un outil indispensable pour la chimie analytique et ouvre, à côté de l'astronomie de position, le domaine de l'astrophysique.

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Joseph von Fraunhofer

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Robert Bunsen

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Henri Becquerel

À partir de 1885, la théorie progresse considérablement : Johann Jakob Balmer établit une relation numérique entre les longueurs d'onde des quatre raies d'émission de l'hydrogène alors connues, puis Johannes R. Rydberg et Walther Ritz étendent ce type de relation à d'autres éléments. En 1913, Niels Bohr introduit l'hypothèse des quanta due à Max Planck dans le modèle atomique proposé par Ernest Rutherford. Il peut ainsi justifier les relations évoquées ci-dessus. Malgré le succès éclatant de la théorie de l'atome d'hydrogène, celle-ci demeure incapable d'expliquer le spectre de l'hélium. Ces difficultés ne sont surmontées qu'en 1925, lorsque apparaît la nouvelle théorie quantique. De 1920 à 1930, la spectroscopie atomique constitue la base expérimentale sur laquelle s'échafaude la mécanique quantique. Parallèlement, les techniques instrumentales ont beaucoup progressé et le domaine de la spectroscopie s'est encore élargi vers les courtes longueurs d'onde, avec l'ultraviolet lointain et le rayonnement X. La découverte de la radioactivité par Henri Becquerel en 1896 est à l'origine de trois nouveaux types de rayonnements. L'un d'entre eux est de nature électromagnétique et de longueur d'onde encore plus courte que les rayons X, c'est le rayonnement γ. En 1930, la précision instrumentale sans cesse grandissante permet de distinguer des raies extrêmement proches : la spectroscopie hyperfine apparaît, met en évidence l'effet de la forme du noyau sur le cortège électronique de l'atome et apporte une contribution importante à l'étude de la structure nucléaire. Depuis, les applications de la spectroscopie se sont beaucoup développées et les appareils sont devenus plus efficaces grâce à l'automatisation, aux progrès apportés aux détecteurs et au traitement informatisé des données.

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (Institut national de physique nucléaire et de physique des particules)

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