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SINGULARITÉS DES FONCTIONS DIFFÉRENTIABLES, la théorie mathématique et ses applications

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Classification des germes de petite codimension μ

Appelons stablement équivalents deux germes f ∈ En, g ∈ Eq tels que f (x1, ..., xn) et g(x1, ..., xq) + Q(xq+1, ..., xn) soient dans la même orbite de Ln, où Q est un germe de Morse (qu'on peut donc supposer être une forme quadratique non dégénérée). Les théories de déformation de f et g sont analogues car En/J(f ) ≃ Eq/J(g). Soit maintenant f ∈ Mn un germe singulier tel que le rang de la matrice :

soit égal à n − q. À l'aide d'un feuilletage de Rn par des (n − q)-plans transverses au noyau de cette forme quadratique, on peut considérer f comme une déformation à q paramètres d'un germe de Morse dans Enq. L'expression, établie au chapitre 7, de la déformation universelle d'un germe de Morse nous fournit un germe g ∈ M3q ⊂ Eq tel que f et g soient stablement équivalents. On appelle q le corang de f. Cette remarque est fondamentale pour la classification des germes de petite codimension car :
puisque J(g) + M3q est engendré par les générateurs de M3q et q polynômes homogènes de degré 2 (le premier terme du développement de Taylor de chacune des dérivées partielles de g). Par exemple, si μ ≤ 6, on a forcément q ≤ 2 : c'est le cas pour la théorie des catastrophes élémentaires où μ ≤ 5, ce qui explique que celles-ci soient représentées par des fonctions de 1 ou 2 variables seulement !

En cherchant par quel jet les germes sont déterminés, on arrive facilement à la classification de René Thom (on a supposé f (0) = 0) :

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μ = 0 germe régulier,

μ = 1 germe de Morse,

μ = 2 germe stablement équivalent à x31 (pli),

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μ = 3 germe stablement équivalent à ± x41 (fronce ou cusp),

μ = 4 germe stablement équivalent à x51 (queue d'aronde)

 ou à x31 − 3x1x22 (ombilic elliptique)

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 ou à x31 + x32 (ombilic hyperbolique),

μ = 5 germe stablement équivalent à ± x61 (papillon)

 ou à x21x2 + x42 (ombilic parabolique).

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La déformation universelle de xn a déjà été écrite ; des déformations universelles des ombilics sont, par exemple, les suivantes :

ombilic elliptique :

ombilic hyperbolique :
ombilic parabolique :

Remarquons que tous ces germes sont représentés par des polynômes quasi homogènes ; en particulier f ∈ J(f ) : une conséquence de cela est l'identité, pour les germes ayant un μ petit, entre la théorie des déformations que nous avons considérée (changement de coordonnées à la source seulement) et la théorie dans laquelle on se permet aussi des changements de coordonnées au but ; en effet, on déduit de l'expression de DA(e) donnée au chapitre 5 que, dans cette dernière, J(f ) doit être remplacé par l'espace vectoriel :

qui, dans le cas quasi homogène, se réduit à J(f ) + R ( 1 : autrement dit, seul le terme constant de la déformation verselle disparaît, ce qui signifie qu'on ne perd rien en remplaçant l'ensemble des difféomorphismes de R par les seules translations.

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Nous pouvons donc utiliser les formules qui précèdent pour décrire la géométrie de la stratification de C(N, R) − Σ par les orbites de Diff N × Diff R au voisinage d'une fonction dont toutes les valeurs critiques sont distinctes et dont tous les points singuliers sauf un sont de Morse, l'unique point singulier dégénéré ayant une codimension μ ≤ 5. On part d'un des déploiements universels donnés ci-dessus dans lequel on a supprimé le terme constant λ0 :

Dans ce déploiement universel, U est un voisinage ouvert de 0 dans Rn, n = 1 ou 2, et où S est un voisinage ouvert de 0 dans Rμ−1. Soit :

ici f désigne le germe de la fonction considérée au voisinage de son unique point singulier dégénéré, et les classes de 1, f1, ..., fμ−1 engendrent En/J(f ).

Soit C ⊂ U × S l'ensemble (algébrique) des couples (x, λ) tels que x soit un point singulier de fλ, c'est-à-dire :

pour tout j.

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Le début du présent chapitre 8 nous permet de supposer que j2f (0) = 0 et donc que fc(x) = xi pour i = 1, ..., n. On en déduit que C est un graphe, donc une sous-variété C de U × S. On voit alors facilement que l'ensemble K des points (x, λ) ∈ C tels que x soit un point singulier dégénéré de fλ n'est autre que l'ensemble des points où la restriction de F à C n'est pas de rang maximal, ou encore l'ensemble des points où la restriction à C de la projection π : U × S → S n'est pas de rang maximal.

Notons Bif(F), ensemble de bifurcation de F, l'image π(K) ⊂ S ; c'est l'ensemble des points λ tels que fλ ait au moins un point critique dégénéré. L'image F(C), graphique de F, est une sous-variété algébrique de R × S ; la projection sur S de ses points singuliers est la réunion de Bif (F) et de l'ensemble Max(F), ensemble de Maxwell de F, des valeurs de λ pour lesquelles fλ a au moins deux valeurs critiques égales. On peut montrer que, si λ1 et λ2 sont dans la même composante connexe de S − [Bif(F) ∪ Max(F)], alors fλ1 et fλ2 sont deux fonctions de Morse excellentes se déduisant l'une de l'autre par un changement de coordonnées dans U et une translation de R. Pour obtenir la trace sur S de la stratification cherchée, il suffit donc de décomposer Bif(F) et Max (F) en orbites, ce qui peut se faire explicitement (voir les figures). Il reste à montrer, mais ce n'est pas difficile, que la stratification obtenue au niveau des germes coïncide avec la stratification définie au voisinage de par les orbites de Diff N × Diff R sur une sous-variété de dimension μ − 1 transverse à l'orbite de . Pour des fonctions T.S.F. plus générales, on raisonne de même avec le multigerme de en ses points singuliers dégénérés.

Déploiement universel de l'ombilic elliptique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Déploiement universel de l'ombilic elliptique

Déploiement universel de l'ombilic hyperbolique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Déploiement universel de l'ombilic hyperbolique

Les figures explicitent les constructions ci-dessus pour les germes x3 et x4.

Les figures suivantes ne concernent que la stratification dans S ou des sections de celle-ci par des plans.

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Il apparaît que, comme nous l'avons indiqué dans le chapitre 7, la stratification par les orbites est localement finie pour ces valeurs de μ.

Vladimir Arnold - crédits : Moscow  Center for Continous  Mathematical Education

Vladimir Arnold

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V. I. Arnold et son école ont montré que la classification des singularités suivant la « modalité » (ou nombre de modules, c'est-à-dire le nombre maximal de paramètres continus dont dépend une famille d'orbites contenant l'orbite considérée) présente une étonnante richesse de structure : par exemple, les singularités sans module (dites singularités simples) sont associées aux groupes de Coxeter An, Dn, E6, E7, E8, et donc aux solides platoniciens (Arnold, Critical Points of Smooth Functions).

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Jets d'une fonction quadratique d'une variable - crédits : Encyclopædia Universalis France

Jets d'une fonction quadratique d'une variable

Caractère universel d'une famille transverse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Caractère universel d'une famille transverse

Stabilité d'une famille transverse - crédits : Encyclopædia Universalis France

Stabilité d'une famille transverse

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    ...Globalement, le lieu critique C de π est une courbe régulière (sans singularités) de Σ dont l'image K est une ligne (de points plis) ne pouvant admettre comme singularités que des cusps ou des self-intersections transversales, correspondant à des singularités semi-locales (figure : situation globale avec self-intersections)....

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