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VOUET SIMON (1590-1649)

Un monde heureux

<it>La Madone</it>, S. Vouet - crédits : Electa/ AKG-images

La Madone, S. Vouet

Sous le pinceau de Vouet et de ses collaborateurs s'anime une humanité aimable, drapée de couleurs éclatantes et baignée d'une lumière blonde ou argentée. Les peintures des retables de Saint-Nicolas-des-Champs (Les Apôtres au tombeau de la Vierge et L'Assomption de la Vierge, in situ), de Saint-Eustache (Le Martyre de saint Eustache et de sa famille, in situ, et L'Apothéose de saint Eustache,musée des Beaux-Arts de Nantes) et de Saint-Paul (La Présentation de Jésus au temple, du Louvre, et L'Apothéose de Saint Louis du musée des Beaux-Arts de Rouen) parvenus “complets” jusqu'à nous attestent la science du décorateur : compositions par grandes masses chromatiques qu'organisent des diagonales, des spirales et des courbes épousant le mouvement des drapés, les gestes et les attitudes des personnages, mises en perspective empiriques, détails réalistes souvent admirables, exécution plus ou moins poussée selon l'effet recherché à distance.

En vingt ans, la manière de Vouet évolue sensiblement. La leçon de Guido Reni, qui transparaît curieusement davantage dans l'œuvre parisien que dans les tableaux d'Italie, en est à coup sûr l'une des principales sources. Au début du séjour parisien, il est néanmoins probable que l'influence des artistes du plus grand chantier des années 1620, celui du Luxembourg, exerce sur l'artiste certaines influences : celle de Rubens pour le naturalisme un peu sanguin des figures (voir par exemple les deux tableaux de Nancy : Nymphe essayant la flèche d'un Amour et Nymphe frappée par la flèche d'un Amour), celle de l'Italien Orazio Gentileschi pour le raffinement du coloris et une certaine pompe aristocratique (Allégorie de la Richesse). Dans les années 1640, en revanche, à un moment où le grand style de Vouet est déjà un peu dépassé, la merveilleuse Assomption du musée Saint-Denis à Reims, peinte pour l'oratoire de la reine au Palais-Royal, témoigne, par la préciosité du dessin et du coloris, d'un rapprochement avec le classicisme distingué d'un Laurent de La Hyre ou d'un Le Sueur, cet “atticisme” alors en vogue à Paris. Rien dans tout cela qui vienne réellement étayer les sérieuses et presque paradoxales réserves exprimées par Félibien en 1685 : “Il n'avoit pas un génie facile et aisé, [...] il n'avoit pas un goust exquis dans les Ordonnances, [...] il ignorait la Perspective, & ne scavoit ni l'union et l'amitié des Couleurs, ni l'entente des Ombres et des Lumières.” Félibien, il faut le souligner, écrit à un moment où la leçon de Poussin, codifiée par l'Académie royale, est la référence suprême.

“Il ne pouvoit ordonner un tableau sans voir le naturel.” Cette réserve-là recèle un éloge involontaire. Les œuvres de Vouet, en rupture avec les conventions maniéristes selon la voie tracée par Caravage et par les Bolonais, se réfèrent à la nature, et elles ne sont pas peintes de chic, mais savamment élaborées. “Vouet, rapporte au xviiie siècle le collectionneur Mariette, lui [Claude Mellan] recommanda avant tout de dessiner et de soumettre cette étude à toutes les autres.” De fait, un grand nombre de dessins préparatoires pour des figures, exécutés à la pierre noire et rehauts de blanc sur papier beige ou gris, d'après le modèle vivant ou le mannequin drapé ou encore d'invention (on ne sait au juste), et dans une moindre quantité des études d'ensemble mises au carreau, sont conservés. Ces travaux durent être d'une extrême abondance : plusieurs dizaines, dit-on, par tableau. L'important est de voir que la méthode de Vouet va s'imposer à la peinture française pour plus de deux siècles. Ce n'est d'ailleurs pas seulement comme entrepreneur de peinture, mais comme maître à dessiner que Vouet – et son épouse Virginia Di Vezzo – sont recherchés à Paris.[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. VOUET SIMON (1590-1649) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Temps vaincu</it>, S. Vouet - crédits :  Bridgeman Images

Le Temps vaincu, S. Vouet

<it>La Madone</it>, S. Vouet - crédits : Electa/ AKG-images

La Madone, S. Vouet

<it>Énée, fuyant Troie, porte son père Anchise</it>, S. Vouet - crédits :  Bridgeman Images

Énée, fuyant Troie, porte son père Anchise, S. Vouet

Autres références

  • CHAMPAIGNE PHILIPPE DE (1602-1674)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 046 mots
    • 5 médias
    ...buste. À la fois brillant de coloris, majestueux de formes et d'un réalisme vigoureux mais toujours digne, le style baroque tempéré que Champaigne met alors au point est sans doute, dans le Paris des années 1630, l'alternative la plus convaincante à l'art lyrique et sensuel deSimon Vouet.
  • GENTILESCHI ARTEMISIA (1593-vers 1654)

    • Écrit par Milovan STANIC
    • 1 130 mots
    • 1 média
    ...Florence jusqu'en 1620, puis retourne à Rome pour un temps, où elle est enregistrée administrativement comme padrona di casa (propriétaire de la maison). Elle fréquente l'atelier du peintre français Simon Vouet, qui réalisa son portrait (1623), et qui exerça sur elle une visible influence. Artemisia...
  • LE SUEUR EUSTACHE (1616-1655)

    • Écrit par Alain MÉROT
    • 1 881 mots
    • 4 médias
    ...précoces et sans doute des attaches familiales lui permettent d'entrer vers 1632 dans le plus célèbre et le plus actif des ateliers de la capitale, celui de Simon Vouet, revenu d'Italie en 1627. Il y demeure plus d'une dizaine d'années et y reçoit une formation de peintre et de décorateur, qu'il complète –...
  • MELLAN CLAUDE (1598-1688)

    • Écrit par Maxime PRÉAUD
    • 1 048 mots

    Originaire d'Abbeville (Somme), patrie de nombreux graveurs de talent, Claude Mellan vit le jour en mai 1598. Son père et homonyme et un de ses frères, Philippe, étaient chaudronniers et planeurs de cuivre. Ce milieu professionnel fut probablement à l'origine de sa vocation. On ignore toutefois...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi