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RENAISSANCE DE HARLEM

En tant que mouvement culturel noir américain surtout visible dans les activités créatives, la Renaissance de Harlem (1918 env.-1937) constitua le phénomène le plus riche d'influences de l'histoire littéraire noire américaine. Actifs dans le domaine de la littérature, de la musique, des arts du spectacle et des arts plastiques, ses membres tentèrent de repenser la conception du « Nègre » sans tenir compte des stéréotypes blancs qui avaient influencé le rapport que les Noirs entretenaient avec leurs racines et entre eux. Ils cherchaient également à se libérer des valeurs morales victoriennes et de la réprobation bourgeoise suscitée par certains aspects de leur vie qui, dans le regard des Blancs, pouvaient renforcer les préjugés racistes. Jamais dominé par une école de pensée particulière mais plutôt caractérisé par un débat intense, le mouvement joua un rôle fondateur pour toute la littérature afro-américaine qui suivit et eut plus tard de considérables répercussions sur la littérature et la conscience noires dans le monde entier. Si la Renaissance ne se limita pas au quartier new-yorkais de Harlem, celui-ci n'en concentra pas moins un nombre remarquable d'intellectuels et de talents, ce qui en fit la capitale symbolique de cet éveil culturel.

Le contexte

Étape clé du vaste mouvement en faveur du « nouveau Nègre » apparu au début du xxe siècle dans le sillage de l'ouvrage d'Alain Locke, The New Negro (1925, « Le Nouveau Nègre »), la Renaissance de Harlem annonce, dans une certaine mesure, la lutte pour les droits civiques de la fin des années 1940 et du début de la décennie suivante. Elle puise notamment ses racines sociales dans la « grande migration » des Noirs Américains des zones rurales vers les villes et du Sud vers le Nord, dans l'augmentation spectaculaire du taux d'alphabétisation, dans la création d'organisations nationales œuvrant à la promotion des droits civiques des Noirs Américains et à l'accroissement des opportunités socio-économiques. On assiste également à l'émergence d'une fierté raciale, passant en particulier par le développement des sensibilités et des programmes panafricains. Les exilés et les expatriés noirs originaires des Caraïbes et d'Afrique vont alors se croiser dans des métropoles telles que New York et Paris après la Première Guerre mondiale ; ils exerceront ainsi sur leur communauté réciproque une influence stimulante qui allait donner plus généralement à la « renaissance nègre » (terme alors en usage) une résonance internationale d'une ampleur considérable.

La Renaissance de Harlem fait figure d'exception dans les mouvements littéraires et artistiques en raison de ses liens étroits avec les organisations de défense des droits civiques et avec celles qui prônaient des réformes. Divers magazines jouèrent ainsi un rôle crucial dans son apparition : The Crisis, mensuel de l'Association nationale pour le progrès des gens de couleur (National Association for the Advancement of Colored People, N.A.A.C.P.), Opportunity, publié par la National Urban League, et The Messenger, revue socialiste qui se rapprochera plus tard du syndicat noir des employés des wagons-lits, Brotherhood of Sleeping Car Porters. L'hebdomadaire Negro World, diffusé par The Universal Negro Improvement Conservation Association and African Communities League (U.N.I.A), association créée par Marcus Garvey, contribua lui aussi à la naissance du mouvement, même si les écrivains ou artistes majeurs collaborant à ce journal furent rares à se reconnaîtra dans le mot d'ordre « Back to Africa » (« Retour en Afrique ») que lança son fondateur.

Le mouvement puisait nombre de ses sources dans la culture noire, principalement celle des États-Unis et des Caraïbes, et se manifesta bien au-delà de Harlem. Ce quartier de New York, haut[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature à l'université de l'Indiana à Bloomington
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et George HUTCHINSON. RENAISSANCE DE HARLEM [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    Dans les années 1920, la Renaissance de Harlem, inaugurée avec le manifeste The New Negro (1925) d’Alain Locke, proclame une fierté raciale qui se tourne vers l’Afrique dans un élan teinté de primitivisme. Son texte le plus éclatant est le chef-d’œuvre moderniste Canne (Cane, 1924) de Jean...
  • HUGHES LANGSTON (1902-1967)

    • Écrit par Michel FABRE
    • 725 mots
    • 1 média

    Phénomène littéraire en quelque sorte, Langston Hughes l'est non seulement parce qu'il a pratiqué tous les genres, y compris la comédie musicale, mais parce qu'il est l'un des premiers Noirs américains à avoir vécu de sa plume et, sans conteste, celui qui a le plus œuvré pour faire...

  • HURSTON ZORA NEALE (1891-1960)

    • Écrit par Universalis
    • 555 mots

    Folkloriste et écrivain américain associé au mouvement de la Renaissance noire, Zora Neale Hurston célébra la culture afro-américaine du Sud rural.

    Née le 7 janvier 1891 à Notasulga, en Alabama, Zora Neale Hurston prétend avoir vu le jour dix ans plus tard à Eatonville, en Floride. Sa famille...

  • LOCKE ALAIN LEROY (1885-1954)

    • Écrit par Universalis
    • 465 mots

    Écrivain et philosophe américain, né le 13 septembre 1885 (et non 1886) à Philadelphie, mort le 9 juin 1954 à New York, célèbre « leader » et interprète du mouvement de la Renaissance de Harlem.

    Alain Locke fait des études de philosophie à l'université Harvard où il obtient son diplôme...

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Voir aussi