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GARVEY MARCUS (1887-1940)

Leader d'un des mouvements noirs les plus déterminants du début du xxe siècle, tant aux Amériques — États-Unis et Caraïbes notamment — qu'en Afrique et en Europe, à l'époque de la Black Renaissance et des débuts du panafricanisme, le Jamaïcain Marcus Garvey fut qualifié par certains de ses biographes de « Black Moses » (Moïse noir).

Marcus Moziah Garvey naquit en 1887 à Saint Ann's Bay, petit village de pêcheurs de la Jamaïque, alors colonie britannique. Son père, tailleur de pierre, lui transmit sa passion pour les livres et la presse, avant de l'envoyer en apprentissage dans une imprimerie de Kingston, capitale de l'île. À dix-huit ans, Marcus Garvey était devenu maître typographe lorsque de violents troubles sociaux et de durables mouvements de grève auxquels il s'associa éclatèrent, ce qui lui valut la perte de son emploi. En 1910, le jeune Garvey créait son premier mais éphémère journal, le Garvey's Watchman. En cette période de crise sociale dans la région des Caraïbes, d'intenses mouvements migratoires vers les zones d'emploi, créées notamment par l'exploitation des hydrocarbures au Venezuela, aux États-Unis et à Trinité, et les plantations de la United Fruit Company, Marcus Garvey quitta la Jamaïque pour se rendre au Costa Rica, au Panamá, en Équateur, au Nicaragua, au Honduras, en Colombie et au Venezuela. Son constat des inégalités sociales, raciales et de leur aggravation, de la précarité des conditions de vie des originaires des West Indies (Caraïbes anglophones) employés à l'étranger se heurta à l'indifférence et au rejet des autorités locales de la Jamaïque auxquelles il en rendit compte. Il partit alors pour Londres où il s'initia aux civilisations africaines et aux problèmes de la communauté noire des États-Unis — lisant notamment Up from Slavery de Booker T. Washington — et collabora à la revue Ator.

À l'approche du premier conflit mondial, en juillet 1914, il regagna la Jamaïque où il fonda, au mois d'août, The Universal Negro Improvement Conservation Association and African Communities League, connue sous le signe U.N.I.A. Les objectifs de l'association étaient l'établissement de liens confraternels aux niveaux politique, économique, social et culturel entre les populations noires des Amériques, d'Afrique et d'Europe, conjointement à leur indépendance face aux puissances colonisatrices.

Après l'échec de l'implantation de l'U.N.I.A. en Jamaïque, Marcus Garvey partit pour les États-Unis en 1916. Il devint à Harlem et dans de nombreuses villes d'Amérique du Nord l'un des leaders de la communauté noire et des organisations prônant un Black Nationalism, cependant que le Ku Klux Klan multipliait ses activités et que les lynchages faisaient des victimes de plus en plus nombreuses dans les ghettos. Garvey interpellait ses partisans à l'aide de mots d'ordre tels que « Up, you Mighty Race ! » (« Debout, race puissante ! ») ou « Back to Africa » (« Retour en Afrique »). En 1925, l'U.N.I.A. comptait plus de 700 branches aux États-Unis, des représentants dans une quarantaine de pays dont l'ensemble des territoires des Caraïbes, et revendiquait plus de 6 millions de membres qui se réunissaient dans les Liberty Halls de l'association. Garvey publia alors The Negro World, l'un des hebdomadaires les plus lus de New York dont la devise était « One Aim, One God, One Destiny » (« Un but, un Dieu, une destinée »), auquel devaient succéder Negro Times (à New York) et Black Man (à Londres).

L'U.N.I.A. devint bientôt le support des projets commerciaux conçus par Marcus Garvey, inspiré tant par la National Negro Business League de B. T. Washington que par les activités de la United Fruit Company. Il créa plusieurs compagnies maritimes dont la Black Star Line[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au C.N.R.S., Centre d'histoire de la France contemporaine, groupe de recherches Caraïbes-Amériques, université de Paris-X-Nanterre

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  • JAMAÏQUE

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    ...les années 1935-1936, quand Alexander Bustamante et Allen Coombs organisent le Jamaica Workers Trades Union (JWTU). Au cours de la décennie précédente, Marcus Garvey avait essayé d'enraciner dans son île natale son mouvement, l'United Negro Improvement Association, mais sans succès. Il avait en outre...
  • POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES)

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    Dans la Caraïbe et dans les ghettos nord-américains, des descendants d'esclaves jettent un regard nostalgique sur leurs racines perdues.Marcus Garvey entreprend de « rapatrier » vers l'Afrique tous les candidats au « retour ». L'utopie s'effondre avec la faillite dans les années 1920 de la Black...