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RAP, musique

Le raz-de-marée gangsta

Jusqu’à la fin des années 1980, le rap américain est en grande majorité conçu à New York (East Coast). Mais c’est en Californie (West Coast) que va émerger la nouvelle tendance : le gangsta rap, dont l’appellation politiquement correcte est reality rap. Inauguré en 1987 avec le titre « 6’N the Morning » d’Ice-T, premier rappeur californien à percer, ce style violent dans ses paroles mais mélodique dans ses sons (souvent joués ou rejoués par des musiciens de studio) va agiter le monde du rap. Une chanson symbolise à elle seule le goût pour la provocation lié à ce mouvement : « Fuck Tha Police » des NWA, l’acronyme de Niggaz With Attitude (« Nègres avec une attitude »). Ce groupe, conduit par Eazy-E, se réapproprie l’insulte Nigger et n’hésite pas à évoquer les brutalités policières. Il raconte le quotidien d’un dealer de drogue (l’ancienne occupation d’Eazy-E) dans « Gangsta Gangsta », traite les femmes de bitches (« chiennes ») et met en scène la violence quotidienne dans les rues du comté de Compton, ghetto de Los Angeles gangréné par les gangs. Le premier album, Straight OuttaCompton, sorti en 1988, connaît un succès considérable malgré l’absence de programmation radio. Il inspirera et donnera lieu à un biopic en 2015, qui rapportera plus de 200 millions de dollars.

Deux stars du rap émergeront de NWA après la séparation du groupe en 1991, à la suite de leur second opus Efil4Zaggin (soit Niggaz for life écrit à l’envers pour éviter la censure) : Dr. Dre, producteur majeur du rap américain et futur découvreur d’Eminem et 50 Cent, mais aussi Ice Cube, rappeur, producteur de films et acteur. Fondateur du label Ruthless Records avec le manager de NWA Jerry Heller, Eazy-E meurt prématurément en 1995, victime du sida.

De multiples groupes ou artistes se revendiquant du gangsta rap sont apparus depuis l’avènement de NWA : Above The Law, MC Eiht, Spice 1, Tha Dogg Pound, CPO, Warren G, etc. L’apogée du genre correspond à la création de Death Row Records, fondé en 1991 par Dr. Dre et son associé Suge Knight, ancien footballeur américain devenu homme d’affaires aux méthodes plus que douteuses. Sur ce label sulfureux, Dr. Dre sort l’album The Chronic, manifeste du G-funk (ou gangsta funk, nom donné en référence au P-Funk de George Clinton que le DJ a largement samplé), vendu à près de six millions d’exemplaires depuis sa sortie, avec des titres comme « Nuthin’ But a ‘G’ Thang » ou « Let Me Ride ».

Un an plus tard, Snoop Dogg publie un premier album, Doggystyle, vendu à onze millions d’exemplaires à travers le monde, et qui confirme que son producteur Dr. Dre est devenu un incontournable beatmaker (compositeur et arrangeur de morceaux instrumentaux utilisant des ordinateurs et des machines telles que des séquenceurs et des échantillonneurs). Derrière la fausse nonchalance des rythmiques, les paroles agressives de Snoop Dogg déclenchent jalousies et rivalités. Des rivalités qui vont se transformer en guerre du rap avec l’affrontement entre deux côtes, deux labels et deux artistes : la côte est et la côte ouest ; Bad Boy Records et Death Row Records ; Notorious BIG et 2Pac.

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Pour citer cet article

Olivier CACHIN. RAP, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Soprano - crédits : Julien Hekimian/ WireImage/ Getty Images

Soprano

Public Enemy - crédits : Mark Allan/ AP/ SIPA

Public Enemy

<em>Ghost Dog</em>, J. Jarmusch - crédits : Abbot Genser/ Artisan Pics / The Kobal Collection/ Aurimages

Ghost Dog, J. Jarmusch

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