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QUATREMÈRE DE QUINCY ANTOINE CHRYSOSTOME QUATREMÈRE dit (1755-1849)

Dialogue avec l'Antiquité

Député aux Cinq-Cents sous le Directoire, nommé par deux fois secrétaire du Conseil général de la Seine, il prend une part active, parfois déterminante, aux décisions prises pour l'embellissement de Paris. Membre de l'Institut depuis 1804, entretenant des liens amicaux avec les meilleurs artistes de l'époque, il apparaît comme le théoricien officiel d'une doctrine institutionnalisée, comme le meilleur exégète d'une esthétique fondée sur l'imitation et l'absolue nécessité d'un classicisme uniforme voué à l'idéal moral et civique de l'État. Révolutionnaire très modéré, soumis pendant l'Empire, Quatremère adhère pleinement au régime de monarchie constitutionnelle de la Restauration. Il accède alors aux postes les plus influents de sa carrière : secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts (1816-1839), membre du Conseil honoraire des musées, membre du comité du Journal des savants, professeur d'archéologie près la Bibliothèque du roi (1820) ; il est à nouveau élu député de Paris (1820-1822). Ses activités le placent au centre de la création de l'École des beaux-arts où ses théories sont professées, tandis que ses directives atteignent les élèves de l'Académie de France à Rome (pendant les importants directorats de Vernet et d'Ingres) et qu'il participe avec une égale autorité au jury des Salons. C'est ici, néanmoins, que son influence et son rôle furent le plus tôt contestés, alors que la jeune école romantique, à laquelle il s'opposait farouchement, connaissait ses premiers triomphes. Face à un Delacroix, face au succès du nouveau style troubadour, et, bientôt, au développement du néo-gothique, Quatremère de Quincy apparaissait comme le dernier garant du vrai style fondé sur l'interprétation de l'archéologie scientifique et l'imitation inconditionnelle des Anciens. Le néo-classicisme de Quatremère, qui diffère sensiblement du goût romain moralisateur et triomphant de l'école de David, mais aussi du naturalisme d'un Houdon ou d'un Prud'hon, a trouvé dans le génie de Canova l'expression parfaite de ses ambitions de pureté absolue et d'idéal spirituel. Pour Quatremère l'archéologie détermine un seul point de vue esthétique. C'est ainsi qu'il préconise, avant Hittorff, la polychromie, et le genre colossal en statuaire ; qu'il soutient les peintres de grandes décorations murales (Meynier, Abel de Pujol), suit de près l'exécution des nouvelles statues équestres de Paris et de Lyon (dues notamment à ses amis Lemot et Bosio). Et en architecture, épris d'un rationalisme expressif qui puise souvent sa source dans l'esthétique d'Alberti et de Palladio (premiers imitateurs de l'Antiquité), il propage les idées de ses amis Legrand et Durand, architectes et théoriciens, dont la pensée imprègne le tout-puissant Conseil des bâtiments de l'Empire puis du royaume.

Parmi une très grande quantité d'œuvres, de monuments ou de travaux d'embellissement dans Paris, qui furent directement inspirés ou supervisés par lui, l'œuvre la plus directement personnelle de Quatremère (en marge de certains programmes de fêtes révolutionnaires) fut sans conteste la transformation de l'église Sainte-Geneviève de Soufflot en Panthéon civique (1791-1793). L'art (et plus spécialement la sculpture des bas-reliefs), véritable instrument de l'instruction publique, trouvait dans ce monument un vaste terrain d'application, dont la IIIe République se souviendra encore un siècle plus tard. Parmi les innombrables écrits de Quatremère de Quincy, citons les plus célèbres : Dictionnaire d'architecture, in Encyclopédie méthodique (3 vol., 1788-1825) ; Considérations sur les arts du dessin en France...[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux

Classification

Pour citer cet article

Daniel RABREAU. QUATREMÈRE DE QUINCY ANTOINE CHRYSOSTOME QUATREMÈRE dit (1755-1849) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LETTRES À MIRANDA SUR LE DÉPLACEMENT DES MONUMENTS DE L'ART DE L'ITALIE, Antoine Quatremère de Quincy - Fiche de lecture

    • Écrit par Adrien GOETZ
    • 1 150 mots

    Introducteur en France de la pensée de Winckelmann, le théoricien du néo-classicisme, Antoine C. Quatremère de Quincy (1755-1849) a été l'un des pionniers de l'archéologie scientifique et l'un des « antiquaires » les plus écoutés de son temps. Réduire sa figure intellectuelle aux idées développées...

  • ACADÉMIE DE FRANCE À ROME

    • Écrit par Robert FOHR
    • 3 052 mots
    • 2 médias
    ...L'ardeur tonitruante avec laquelle, sous les directorats d'Horace Vernet (1829-1834) et d'Ingres (1835-1841), lui-même ancien pensionnaire (1805-1810), le théoricien Quatremère de Quincy, secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, imposa aux « élèves » de Rome le respect absolu de l'...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 459 mots
    ...plus qu'au « bon sens » ou à la « raison » ; pour en rester à la métaphore théâtrale, l'acteur devient décidement « l'auteur du discours qu'il lit ». Quatremère de Quincy dira que l'architecture « produit le modèle qu'elle va imiter » : c'est prôner l'autosuffisance du construire. C'est reconnaître que...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

    • Écrit par Florent CHAMPY, Carol HEITZ, Roland MARTIN, Raymonde MOULIN, Daniel RABREAU
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    ...dans l'École spéciale d'architecture contrôlée par la classe des beaux-arts et par un jury spécial. Cet aréopage de sages, dominé par la personnalité de Quatremère de Quincy, ne devait que réussir à précipiter la crise, même si le rôle du concours de Rome, des ateliers officiels et des programmes fictifs...
  • ART (Le discours sur l'art) - L'histoire de l'art

    • Écrit par André CHASTEL
    • 4 725 mots
    • 1 média
    ...attitude philosophique ou littéraire : tantôt elle obéit à une définition du Beau qui figera encore les options rigoureuses du néo-classicisme, chez un Quatremère de Quincy, tantôt elle cède au goût de l'interprétation sensible et directe qui s'épanouira dans la littérature avec des préoccupations différentes...
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Voir aussi