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PROTECTION DE LA NATURE Histoire

Le mouvement de conservation de la nature, ou conservationnisme, n'est pas un phénomène récent, même si, en Occident, on peut faire remonter ses origines modernes au xixe siècle, voire plus tôt chez certains naturalistes comme Buffon (1707-1788) lorsqu'il oppose la nature brute et hideuse à la beauté de la nature cultivée. Si le concept de conservation n'apparaît qu'à la fin du xixe siècle, il convient d'en faire la généalogie historique avant d'aborder les débats contemporains qui opposent les spécialistes sur les moyens les plus efficaces de protection d'une nature en péril et d'examiner en particulier la question récurrente : protéger la nature, certes, mais quelle nature ?

Le rôle pionnier du monde anglo-saxon

Au xviiie siècle, les administrateurs et explorateurs coloniaux, français et britanniques, ont eu des préoccupations conservationnistes (R. H. Grove, 1995). À la fin de ce siècle, le souci de la nature se précise aux États-Unis. Ainsi, dès 1784, Thomas Jefferson, l'un des principaux rédacteurs de la Déclaration d'indépendance, puis troisième président des États-Unis, écrit : « Si ce n'est sa culture, la nature de l'Amérique au moins doit faire l'admiration du monde. » Mais ce n'est qu'au siècle suivant que les justifications de la conquête de l'Ouest suscitent en Amérique du Nord des protestations, avec les écrits philosophiques d'Henry David Thoreau et de Ralph Waldo Emerson. La seconde moitié du xixe siècle marque, aux États-Unis, « la fin de la frontière », qui atteint désormais la côte Pacifique, et l'épuisement progressif de l'enthousiasme des Américains du Nord pour la domination totale de la nature et des nations indigènes. Il faut dire que le milieu naturel était en piteux état à la fin de la guerre de Sécession : le Sud était dévasté, l'Ouest manquait d'eau et l'Est était dépouillé de ses forêts et abandonné par ses populations rurales. On doit à l'Américain George Perkins Marsh la première réflexion conservationniste dans son ouvrage fondateur Man and Nature or Physical geography as modified by human action, publié en 1864. En décrivant de façon saisissante le processus de dégradation de l'environnement en Europe, il parvient à convaincre des milliers de lecteurs de la nécessité d'une gestion raisonnée des milieux naturels dans son propre pays.

Plus précisément, c'est dans un contexte où prime le souci de sauvegarde des forêts que va naître, aux États-Unis, la notion de parc national. Le 1er mars 1872, le Congrès crée le parc du Yellowstone sur 888 000 hectares de nature dite « vierge », c'est-à-dire, en particulier, d'où avaient été chassés les Indiens. Il s'agit officiellement d'un parc public au service du peuple et pour son divertissement. À cette date est né le parc national comme institution. Toutefois, la protection de la nature avait commencé bien avant. Ainsi, le 29 juin 1864, la protection de la région du Yosemite (Californie) s'était concrétisée avec la soustraction à toute forme d'exploitation de deux territoires comprenant la vallée du Yosemite et la forêt de Mariposa. L'État de Californie garantissait une ouverture au public et le maintien de l'inaliénabilité de cet espace nommé « Yosemite Grant ». Les premières photographies des paysages somptueux de cette vallée ont été diffusées dans tous les États-Unis et ont fait une grande impression. Le Yosemite sera, plus tard, décrété parc national (1890).

Bisons d'Amérique, Yellowstone - crédits : David Schultz/ Getty Images

Bisons d'Amérique, Yellowstone

Yosemite National Park - crédits : John Warden/ Getty Images

Yosemite National Park

Les Pinacles - crédits : Michael Runkel/ Getty Images

Les Pinacles

En Australie, les premiers parcs sont apparus à partir de 1879, avec cette année-là, dans le New South Wales, l'ouverture du National Park (qui deviendra le Royal National Park en 1955), d'une superficie de 14 620 hectares. Après les États-Unis et l'Australie, des parcs nationaux voient le jour[...]

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Écrit par

  • : historien des sciences, professeur émérite de l'université d'Orléans

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Pour citer cet article

Jean-Paul DELÉAGE. PROTECTION DE LA NATURE - Histoire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bisons d'Amérique, Yellowstone - crédits : David Schultz/ Getty Images

Bisons d'Amérique, Yellowstone

Yosemite National Park - crédits : John Warden/ Getty Images

Yosemite National Park

Les Pinacles - crédits : Michael Runkel/ Getty Images

Les Pinacles

Autres références

  • LOI DU 10 JUILLET 1976 RELATIVE À LA PROTECTION DE LA NATURE EN FRANCE

    • Écrit par Jean-Pierre RAFFIN
    • 606 mots

    Annoncée par la délégation française à la conférence internationale sur l'utilisation et la conservation de la biosphère réunie à Paris sous l'égide de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (U.N.E.S.C.O.) en septembre 1968, la loi sur la...

  • AGRICULTURE - Agriculture et industrialisation

    • Écrit par François PAPY
    • 7 421 mots
    • 3 médias
    En même temps que l'économie marchande accroît ses exigences sur la qualité des produits,les politiques publiques augmentent aussi les leurs pour préserver les ressources naturelles, mises à mal. L'année 1992 marque un tournant, qui se manifeste aux différents niveaux institutionnels : international...
  • AGRICULTURE BIOLOGIQUE

    • Écrit par Céline CRESSON, Claire LAMINE, Servane PENVERN
    • 7 882 mots
    • 6 médias
    En agriculture biologique, la protection des cultures est fondée sur la prévention des dommages causés par les ravageurs, les maladies et les adventices. Elle est caractérisée par une suite d’interventions mises en œuvre selon un ordre de priorité : les méthodes culturales visant la plante ; l’aménagement...
  • AGRICULTURE DURABLE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET
    • 5 444 mots
    • 10 médias

    Dans le langage courant, l’expression « agriculture durable » fait d’abord référence à une agriculture respectueuse de l’environnement, avec, comme principaux objectifs, la limitation du recours aux intrants (engrais, produits phytosanitaires…) d’origine industrielle. S’y ajoute la diversification...

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias
    ...n’était pas le cas. Dans ce pacte, il est précisé, entre autres, que les villes ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de systèmes alimentaires sains et durables, dans le développement des relations entre citadins et ruraux ainsi que dans laprotection de l’environnement et de la biodiversité.
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Voir aussi