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PROTECTION DE LA NATURE Histoire

Protéger la nature, mais quelle nature ?

C'est une question récurrente en cette époque où le succès écologique et économique de l'espèce humaine sur Terre nous précipite dans une sixième crise d'extinction en masse des espèces. Cette dernière se distingue des précédentes parce que l'homme en est le seul responsable et qu'elle s'inscrit sur une échelle de temps restreinte et dans un espace géographique monopolisé par les activités humaines. Par là, elle menace le déploiement durable de ces activités elles-mêmes. Les facteurs les plus directement impliqués dans les changements écologiques sont connus : conversion et destruction des habitats, pollution de l'air, de l'eau et des sols, exploitation immodérée des ressources naturelles. Ils ont d'ores et déjà des impacts globaux et mesurables qui autorisent la définition du nouveau concept de service écologique. Ce dernier désigne, selon l'écologue français Robert Barbault, « les conditions et processus grâce auxquels les écosystèmes, avec l'ensemble des espèces qui en constituent la trame vivante active, supportent et soutiennent les activités et les besoins humains ». Cette définition intègre la production de biens comme les aliments, les médicaments, les combustibles, mais aussi des services proprement dits ; c'est-à-dire des fonctions écologiques indispensables à notre propre existence comme la purification de l'air et de l'eau, la régulation des inondations, la décomposition des déchets, le renouvellement de la fertilité des sols, la pollinisation des plantes, et plus globalement certaines régulations climatiques.

Diverses conceptions scientifiques s'affrontent aujourd'hui sur la mise en œuvre d'une politique de conservation sérieuse. Au sein de la communauté des biologistes de la conservation, on distingue généralement trois types de démarches :

– augmenter au maximum la taille et le nombre des aires de forte protection ;

– favoriser les dynamiques d'intégration avec des dynamiques anthropiques (en particulier, chasse, activités culturales et pastorales strictement encadrées) ;

– focaliser la protection sur les zones à très forte valeur écologique. Les partisans de cette démarche plaident pour la création de sortes d'arches de Noé des Temps modernes : les hot spots, points chauds exceptionnels de biodiversité, dont la surface ne dépasserait pas 2 p. 100 de celle de la planète Terre.

Cette dernière technique de sauvegarde est certes nécessaire, mais insuffisante pour la majorité des spécialistes. En effet, pour eux, si la diversité du vivant dépend de celle des écosystèmes et de l'espace que peuvent y occuper les espèces, c'est d'abord à la réduction en cours des habitats anciens qu'il faut s'attaquer, c'est-à-dire aux méthodes et aux types de développement qui dominent le monde et investissent la totalité de l'espace planétaire. C'est ainsi seulement qu'une politique de conservation bien comprise pourrait être porteuse d'un avenir pour l'humanité et la biosphère, son seul habitat connu à ce jour.

— Jean-Paul DELÉAGE

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Écrit par

  • : historien des sciences, professeur émérite de l'université d'Orléans

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul DELÉAGE. PROTECTION DE LA NATURE - Histoire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bisons d'Amérique, Yellowstone - crédits : David Schultz/ Getty Images

Bisons d'Amérique, Yellowstone

Yosemite National Park - crédits : John Warden/ Getty Images

Yosemite National Park

Les Pinacles - crédits : Michael Runkel/ Getty Images

Les Pinacles

Autres références

  • LOI DU 10 JUILLET 1976 RELATIVE À LA PROTECTION DE LA NATURE EN FRANCE

    • Écrit par Jean-Pierre RAFFIN
    • 606 mots

    Annoncée par la délégation française à la conférence internationale sur l'utilisation et la conservation de la biosphère réunie à Paris sous l'égide de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (U.N.E.S.C.O.) en septembre 1968, la loi sur la...

  • AGRICULTURE - Agriculture et industrialisation

    • Écrit par François PAPY
    • 7 421 mots
    • 3 médias
    En même temps que l'économie marchande accroît ses exigences sur la qualité des produits,les politiques publiques augmentent aussi les leurs pour préserver les ressources naturelles, mises à mal. L'année 1992 marque un tournant, qui se manifeste aux différents niveaux institutionnels : international...
  • AGRICULTURE BIOLOGIQUE

    • Écrit par Céline CRESSON, Claire LAMINE, Servane PENVERN
    • 7 882 mots
    • 6 médias
    En agriculture biologique, la protection des cultures est fondée sur la prévention des dommages causés par les ravageurs, les maladies et les adventices. Elle est caractérisée par une suite d’interventions mises en œuvre selon un ordre de priorité : les méthodes culturales visant la plante ; l’aménagement...
  • AGRICULTURE DURABLE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET
    • 5 444 mots
    • 10 médias

    Dans le langage courant, l’expression « agriculture durable » fait d’abord référence à une agriculture respectueuse de l’environnement, avec, comme principaux objectifs, la limitation du recours aux intrants (engrais, produits phytosanitaires…) d’origine industrielle. S’y ajoute la diversification...

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias
    ...n’était pas le cas. Dans ce pacte, il est précisé, entre autres, que les villes ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de systèmes alimentaires sains et durables, dans le développement des relations entre citadins et ruraux ainsi que dans laprotection de l’environnement et de la biodiversité.
  • Afficher les 162 références

Voir aussi