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PRESSE Mythes et réalités de la liberté de la presse

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

Les auteurs de la Constitution américaine, quelques années seulement avant les acteurs de la Révolution française, ont fait de la liberté de la presse le principe cardinal de l'État moderne, la condition d'exercice des libertés politiques ou personnelles, cette aune permettant de mesurer le degré d'accomplissement, pour une société démocratique, de son idéal de citoyenneté et de réalisation du bonheur personnel. Quelle distance sépare aujourd'hui les commandements de la liberté de la presse et les réalités, immanquablement décevantes, de son exercice ? Cet écart entre l'idéal et la réalité, toujours trop grand, n'est-il pas plus difficile à apprécier, tandis que se propage, à l'intérieur des frontières nationales comme à l'échelle internationale, le mythe du « quatrième pouvoir » ?

De la conquête d'une liberté aux réalités nouvelles

En 1835, Alexis de Tocqueville voyait dans la multiplication des journaux l'avènement d'une société nouvelle, moins individualiste certes, et plus attachée, selon lui, à l'égalité entre les hommes qu'aux progrès de la liberté. En 1894, Émile Zola instruisait le procès du journalisme naissant : « L'information, écrivait-il, a transformé le journalisme, tué les grands articles, tué la critique littéraire, donné chaque jour plus de place aux dépêches, aux nouvelles, grandes ou petites, aux procès-verbaux des reporters et des interviewers. »

Entre ces deux dates, le journaliste moderne est né, en même temps que les premiers grands quotidiens. Tandis que ces journaux gagnaient des lecteurs, par centaines de milliers ou par millions, d'abord en France, ensuite aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les journalistes étaient établis dans un rôle social inédit, cumulant l'autorité du savoir et l'art de la communication, à la fois historiens du présent et interprètes assermentés de la vie quotidienne, celle des puissants et des gens ordinaires.

Au fil des décennies, jusqu'à la Première Guerre mondiale, les démocraties ont institué les journalistes dans un magistère, celui de l'information. Ou bien, pour être plus précis, dans un rôle officiel de « médiateurs » entre, d'un côté, les lecteurs toujours plus nombreux et, de l'autre côté, les acteurs des événements ou bien les représentants patentés des arts et des sciences. En même temps, les journalistes se sont trouvés engagés dans une autre médiation ou dans d'autres tractations, indifférentes aux lecteurs – avec leurs confrères d'un côté, et avec les dirigeants de leur journal de l'autre –, condamnés à respecter la ligne du journal tout en souscrivant aux règles admises par leurs pairs, quelle que soit leur appréciation personnelle à propos de celles-ci comme à propos de celle-là.

En cette fin du xxe siècle, ce rôle de médiateur joué par les journalistes est plus nécessaire et plus difficile que jamais. Parce que les besoins en information sont toujours plus difficiles à satisfaire, en raison de la croissance exponentielle de son abondance et de sa complexité. Parce que les machines qui sont censées assurer une « communication » plus satisfaisante des « pensées et des opinions » entre les hommes sont mises au service d'une société plus encline à l'excommunication qu'à la communication. Mais surtout en raison des difficultés rencontrées par les journalistes pour conserver leurs distances vis-à-vis de tous ceux qui rêvent de les compromettre : les héros d'un jour comme les experts, les savants comme les artistes, les puissants enfin, dont tous ne sont pas au nombre des gouvernants. C'est dans le maintien de cette équidistance vis-à-vis de leurs interlocuteurs obligés que réside la seule confiance qui compte à leurs yeux : celle des lecteurs ou des téléspectateurs, qui doivent toujours garder, en [...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

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Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

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Journal censuré - crédits : Roger-Viollet

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