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PHYSIQUE Physique et mathématique

L'existence d'une relation particulière entre la physique et les mathématiques est universellement reconnue. Les témoignages explicites en abondent à travers toute l'histoire de la physique, à commencer par la célèbre assertion de Galilée : « La philosophie est écrite dans ce livre immense perpétuellement ouvert devant nos yeux (je veux dire : l'Univers), mais on ne peut le comprendre si l'on n'apprend pas d'abord à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et d'autres figures géométriques sans l'intermédiaire desquelles il est humainement impossible d'en comprendre un seul mot. » Trois siècles plus tard, l'astrophysicien Jeans écrit : « Le Grand Architecte semble être mathématicien. » On pourrait collecter une véritable anthologie de telles citations. Et n'importe quel chapitre de la physique semble servir d'exemple à ces affirmations. Comment concevoir la mécanique classique newtonienne sans calcul différentiel et intégral, l'électromagnétisme synthétisé par Maxwell sans équations aux dérivées partielles, la relativité générale sans calcul tensoriel, la mécanique quantique sans espaces de Hilbert ?

Il semble donc clair que la physique utilise avec succès les mathématiques. On verra néanmoins que cet énoncé, loin d'être le strict constat de fait qu'il paraît, est lourd de présupposés, même s'il résume une vision immédiate de la situation. Mais il conduit directement à s'interroger sur les causes de ce succès. Comment se fait-il que les mathématiques, réputées en général étude d'abstractions pures, « marchent » en physique, considérée comme la science du concret par excellence ? Que cette adéquation pose un problème est souvent attesté par les physiciens eux-mêmes, avec une surprise naïve ou comme un aveu gêné : « Il est cependant [...] remarquable que, parmi les constructions abstraites réalisées par les mathématiques en prenant pour guide exclusif leur besoin de perfection logique et de généralité croissante, aucune ne semble devoir rester inutile au physicien. Par une harmonie singulière, les besoins de l'esprit, soucieux de construire une représentation adéquate du réel, semblent avoir été prévus et devancés par l'analyse logique et l'esthétique abstraite du mathématicien » (P. Langevin). « Nous disposons ainsi à propos de chaque chapitre des mathématiques [...] d'une infinité de jeux possibles [...]. Nous avons supposé que, parmi ces jeux, il était possible d'en distinguer que l'on pût faire correspondre à tout ou partie de la réalité physique [...]. Un tel succès – grâce à quoi la physique mathématique existe – ne pouvait être escompté a priori » (T. Vogel). « L'idée que les mathématiques pouvaient en quelque sorte s'adapter à des objets de notre expérience me semblait remarquable et passionnante » (W. Heisenberg).

Les mathématiques, langage de la physique ?

Les solutions apportées au problème des rapports entre physique et mathématiques sont diverses, mais, qu'elles proviennent de scientifiques ou de philosophes, elles reposent dans leur écrasante majorité, surtout aujourd'hui, sur l'idée que les mathématiques constituent le langage de la physique. Au texte de Galilée déjà cité, on peut ajouter deux citations : « Toutes les lois sont tirées de l'expérience, mais, pour les énoncer, il faut une langue spéciale ; le langage ordinaire est trop pauvre, il est d'ailleurs trop vague, pour exprimer des rapports si délicats, si riches et si précis. Voilà donc une première raison pour laquelle le physicien ne peut se passer des mathématiques ; elles lui fournissent la seule langue qu'il puisse parler » (H. Poincaré). « Les[...]

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Pour citer cet article

Jean-Marc LÉVY-LEBLOND. PHYSIQUE - Physique et mathématique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

    • Écrit par Maurice JACOB, Bernard PIRE
    • 8 172 mots
    • 12 médias

    Les physiciens poursuivent l'étude de la structure de la matière dans le but de trouver plus d'unité et de simplicité dans un monde qui nous frappe par sa diversité et son apparente complexité. N'est-il pas remarquable de pouvoir ramener la variété quasi infinie des objets qui nous entourent...

  • ACTION & RÉACTION, physique

    • Écrit par Jean-Marc LÉVY-LEBLOND
    • 1 498 mots

    C'est avec la troisième loi de Newton (1642-1727) que le mot « action » entre dans le vocabulaire scientifique, avec un sens à vrai dire assez ambigu. Il s'applique à la dénomination de la force exercée par un corps sur un autre, la loi en question affirmant alors qu'elle est toujours égale à la force...

  • ANTIMATIÈRE

    • Écrit par Bernard PIRE, Jean-Marc RICHARD
    • 6 931 mots
    • 4 médias

    L'antimatière exerce une certaine fascination : le grand public, les lecteurs de revues scientifiques et même les spécialistes ont un peu le vertige à l'énoncé de ses propriétés. En effet, si 1 gramme d'antimatière était mis en contact avec 1 gramme de matière ordinaire, il se produirait une annihilation...

  • ARISTOTÉLISME

    • Écrit par Hervé BARREAU
    • 2 242 mots
    • 1 média
    ...d'Elée sur l'impossibilité du mouvement. Cette réfutation était importante dans la perspective d'Aristote qui voulait accorder un statut scientifique à la physique, dont il faisait une science plus haute que les mathématiques puisqu'elle portait sur la substance mobile, et non, comme ces dernières, sur la...
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