PHOTOGRAPHIE (art)Un art multiple
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La photographie contemporaine
Après la photographie ancienne qui s'étend de la naissance officielle du médium, en 1839, au début des années 1920, et la photographie moderne qui couvre le demi-siècle 1920-1970, la période contemporaine constitue le troisième grand chapitre d'une histoire relativement courte. Cette partition schématique, qui suppose naturellement un ajustement des dates selon les genres concernés et les périodes de production des artistes, doit aussi prendre en compte les transitions et les filiations des nombreux mouvements et courants. À ces nuances propres à l'évolution de chaque domaine de la création artistique s'ajoute la relation étroite et ambiguë qui existe entre photographie et peinture.
Nous tiendrons pour contemporaine la photographie qui s'éloigne de la photographie classique à la fin des années 1960, au moment où la vague du pop art achève sa conquête des arts plastiques. Cette tranche de près de quatre décennies affiche un réseau particulièrement complexe de tendances souvent indépendantes et simultanées, pour la plupart héritées de précurseurs isolés et de plus en plus étroitement liées au contexte commercial et institutionnel de l'art contemporain.
Format et couleur : le tableau
La couleur qui, au début des années 1960, fait son entrée dans la photographie d'amateur et dans le secteur publicitaire, n'intéresse guère le marché naissant de la photographie d'art, visant le seul noir et blanc. C'est dans ce contexte élitiste qu'apparaissent en 1971 les travaux des Américains Joel Meyerowitz et William Eggleston, qui sacrifient le spectaculaire et l'émotion au profit d'une vision banale du paysage, qu'il soit naturel ou urbain. Servis par les techniques maîtrisées du Dye Transfer, du Cibachrome et du tirage Fresson, les coloristes John Batho, l'Américain Ernst Haas, les Italiens Luigi Ghirri et Franco Fontana ou le Taïwanais Ko Si-Chi ne tardent pas à produire des pièces capables d'intéresser les galeries et les collectionneurs.
Par son œuvre mais aussi par son influence, le couple Bernd et Hilla Becher s'impose comme la figure la plus marquante de la photographie contemporaine. Mariés en 1961, Bernd et Hilla Becher entreprendront à deux de photographier, toujours de manière frontale, en noir et blanc et par temps gris, les éléments du paysage minier de la Ruhr, de l'Europe et des États-Unis. L'œuvre ne connaît qu'une reconnaissance relativement restreinte quand, en 1976, Bernd Becher commence son enseignement à la Kunstakademie de Düsseldorf. L'empreinte des Becher sur toute une génération de photographes reste connue sous le nom d'école de Düsseldorf, dont les disciples atteignent une reconnaissance internationale : Candida Höfer avec des vues de lieux de cultures ; Axel Hütte et ses paysages naturels ; Thomas Struth et ses photographies de musées visités ; Thomas Ruff et ses portraits ; Andreas Gursky avec des champs larges consacrés aux espaces d'activité collective ou à l'architecture des édifices publics. Peintre et sculpteur, Jean-Marc Bustamante privilégie à la fin des années 1970 une forme proche du tableau aboutissant à une représentation apparemment neutre du réel, souvent vide de tout être vivant, et qui connaîtra un large développement, notamment auprès de Stéphane Couturier, et d'Antoine Stefani qui se focalisent sur la thématique de l'architecture, ou d'Édith Roux qui recherche ses contrastes de couleur en Europe et en Chine. Le tableau est sujet à des variantes : pâleur du paysage chez Thibaut Cuisset, architectures plombées au noir chez Bruno Delamain, recherche de nuances pastel-chromo en Polaroid pour Marion Dubier-Clark. Recourant à la forme primitive du sténopé (chambre noire sans objectif, percée d'un petit trou) qu'elles reproduisent en échelle géante, Christine Felten et Véronique Massinger renouvellent l'aventure de la pose longue obligée. Également hors tendance, le Japonais Hiroshi Sugimoto atteint l'abstraction pure avec ses horizons, lignes médianes de cadrages noir et blanc, tandi [...]
Eleonor et Giles Robertson, Édimbourg, T. Struth
Thomas Struth, Eleonor et Giles Robertson, Édimbourg, 1987, tirage couleur à développement chromogène, 60 cm x 80 cm. Institut d'art contemporain, collection F.R.A.C. Rhône-Alpes, dépôt au musée d'Art moderne de Saint-Étienne.
Crédits : Y. Bresson/ Musée d'art moderne, Saint-Etienne-Métropole
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Écrit par :
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
- Jean-Claude LEMAGNY : agrégé de l'Université, conservateur au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale
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Pour citer l’article
Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY, « PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/photographie-art-un-art-multiple/